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12/05/2010 | FRANCE | N°08DA00964

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 12 mai 2010, 08DA00964


Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société TRIANGLE AUTO, dont le siège social est ZAC de la Guernerie à Bois Grenier (59280), par Me Spriet, avocat ; la société TRIANGLE AUTO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504652 du 28 mars 2008 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 2 février 2005 de l'inspecteur du tr

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Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société TRIANGLE AUTO, dont le siège social est ZAC de la Guernerie à Bois Grenier (59280), par Me Spriet, avocat ; la société TRIANGLE AUTO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504652 du 28 mars 2008 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 2 février 2005 de l'inspecteur du travail accordant à la société TRIANGLE AUTO l'autorisation de licencier pour faute Mme Béatrice A, salariée protégée ;

2°) d'annuler ladite décision ministérielle du 28 juin 2005 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'inspecteur du travail a eu connaissance de la composition de la délégation unique du personnel et par là-même, du double mandat détenu par Mme A ; qu'il a ainsi vérifié l'absence de lien entre les mandats représentatifs et le projet de licenciement qui lui a été soumis et qui reposait uniquement sur une faute lourde commise par la salariée ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'avis émis par le comité d'entreprise sur le projet de licenciement de Mme A avait été irrégulièrement rendu dans la mesure où l'accord collectif conclu entre l'employeur et les membres de la délégation unique du personnel ne pouvait avoir pour effet de proroger le mandat de ces derniers ; que l'absence de validité de cet accord n'a pas pour effet d'invalider l'avis émis par les membres de cette délégation sur le licenciement de Mme A et donc l'autorisation accordée par l'inspecteur du travail ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2010 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 25 mars 2010, présenté pour Mme Béatrice A, demeurant ..., par Me Guery-Sekula, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société TRIANGLE AUTO à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'elle n'a commis ni détournement, ni vol, ni abus de confiance ; que même en cas de délégation unique, comité d'entreprise et délégué du personnel conservent des attributions distinctes et que l'absence de mention de son mandat de déléguée du personnel constitue une irrégularité substantielle ; que la société ne se trouvait pas dans le cas où le mandat des représentants du personnel pouvait être prorogé et qu'il ne l'a pas été dans les conditions fixées par la jurisprudence ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2010 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 9 avril 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que l'inspecteur du travail n'a pu utilement exercer son contrôle faute de mention du mandat de déléguée du personnel de la salariée ; que le mandat de la délégation unique n'a pas été prolongé valablement, faute d'accord collectif ou préélectoral ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Spriet, pour la société TRIANGLE AUTO ;

Considérant que la société TRIANGLE AUTO a demandé à l'inspecteur du travail, le 14 janvier 2005, l'autorisation de licencier pour faute Mme Béatrice A, ancienne déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise ; que, par une décision du 2 février 2005, l'inspecteur du travail lui a accordé cette autorisation ; que, par une décision du 28 juin 2005, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, saisi par la voie du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail au double motif que la délibération du comité d'entreprise était irrégulière et viciait substantiellement la procédure de licenciement engagée à l'encontre de Mme A et que l'inspecteur du travail avait méconnu l'étendue de son contrôle en ne vérifiant pas si la mesure envisagée était en lien avec son ancien mandat de déléguée du personnel ; que la société TRIANGLE AUTO relève appel du jugement du 28 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, en premier lieu, que pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte toutes les fonctions représentatives du salarié ; que, par suite, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'en adressant à l'inspecteur du travail une demande d'autorisation de licenciement de Mme A, la société TRIANGLE AUTO n'a pas mentionné sa qualité d'ancienne déléguée du personnel mais seulement celle de membre titulaire du comité d'entreprise ; que l'inspecteur du travail ne l'a pas non plus visée dans sa décision autorisant le licenciement de l'intéressée ; que l'inspecteur du travail n'a donc pas été mis à même d'apprécier si la faute commise par Mme A était d'une gravité suffisante, compte tenu notamment des deux mandats qu'elle détenait ou avait détenu, ni si des motifs d'intérêt général rendaient inopportun son licenciement ; que, dès lors, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a pu légalement annuler la décision du 2 février 2005 de l'inspecteur du travail au motif que celui-ci avait méconnu l'étendue de son contrôle en ne vérifiant pas si la mesure de licenciement envisagée était en lien avec son ancien mandat de déléguée du personnel ;

Considérant, en second lieu, que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement s'est également fondé sur le motif tiré de ce que la délibération du comité d'entreprise était irrégulière dans la mesure où la prorogation des mandats des membres dudit comité n'avait été formalisée ni par un accord collectif, ni par un accord préélectoral ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 14 janvier 2005 à laquelle le comité d'entreprise de la société TRIANGLE AUTO a été invité à se prononcer sur le projet de licenciement de Mme A, le mandat de ses membres était expiré depuis le 20 novembre 2004 ; que si la société soutient qu'elle a conclu un accord avec les membres de la délégation unique du personnel ayant pour effet de proroger le mandat de ces derniers, elle n'établit toutefois pas que cet accord serait unanime, c'est-à-dire conclu avec toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, ni qu'il résulte d'une disposition expresse de la convention collective applicable à l'entreprise ; que, dans ces conditions, le licenciement de Mme A ne pouvait être regardé comme ayant été précédé d'une consultation régulière du comité d'entreprise ; que ce vice de procédure présentait, contrairement à ce que soutient le liquidateur de la société TRIANGLE AUTO, un caractère substantiel ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a également annulé pour ce motif la décision du 2 février 2005 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société TRIANGLE AUTO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 28 juin 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société TRIANGLE AUTO la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société TRIANGLE AUTO la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TRIANGLE AUTO est rejetée.

Article 2 : La société TRIANGLE AUTO versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société TRIANGLE AUTO, à Mme Béatrice A et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

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N°08DA00964 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00964
Date de la décision : 12/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : SPRIET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-12;08da00964 ?
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