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12/05/2010 | FRANCE | N°09DA00916

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 12 mai 2010, 09DA00916


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Michel A, demeurant ..., par Me Farcy, avocat ; ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501874 du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Rouen a partiellement rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge

demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros en ap...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Michel A, demeurant ..., par Me Farcy, avocat ; ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501874 du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Rouen a partiellement rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que l'administration avait pour obligation de les informer de la teneur et de l'origine des renseignements recueillis auprès de tiers, ainsi que des conditions dans lesquelles le service a obtenu ces renseignements ; qu'il ressort de l'instruction 13 L-6-06 du 21 septembre 2006 que l'administration doit préciser les conditions d'obtention des renseignements qu'elle recueille dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ; qu'ayant été privés de la possibilité de demander communication des documents, ils ont également été privés d'en débattre en violation des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- que selon l'instruction 5 F-8-00 du 31 mai 2000, l'exonération d'impôt sur le revenu prévue à l'article 80 duodecies-2 du code général des impôts s'applique aux indemnités versées à un dirigeant faisant l'objet d'une révocation, qui constitue une cessation forcée des fonctions de l'intéressé, sauf preuve contraire apportée par l'administration ; que sans motif valable, les sociétés l'ont révoqué de ses mandats ; que l'objet de la transaction était de mettre fin à un litige portant sur la cession forcée de ses différentes fonctions ; que la transaction ne l'indemnisait que de la révocation des fonctions sociales de mandataires et non de la rupture de son contrat de travail ; que la révocation a emporté de lourdes conséquences vexatoires de nature à nuire à son honneur et à sa réputation ; que sa crédibilité et notoriété a été entachée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; il conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de remettre à la charge de M. et Mme A les impositions dont le Tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge ; il fait valoir :

- que l'irrégularité commise par l'administration dans la procédure d'imposition en s'abstenant d'indiquer au contribuable l'origine du renseignement recueilli par elle dans le cadre de la vérification de comptabilité d'un tiers, ne constitue pas une irrégularité substantielle de nature à vicier la procédure d'imposition dès lors, qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'est pas privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de la possibilité de discuter utilement le redressement litigieux ;

- qu'à supposer que l'indemnité procéderait uniquement de la révocation forcée des fonctions sociales de mandataire de M. A, l'exonération ne pourrait correspondre qu'à 50 % de l'indemnité ;

- que le caractère forcé de la révocation n'est pas établi ; que l'indemnité est ainsi imposable en totalité en application du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- que la transaction du 29 mars 2002 indemnise également la rupture du contrat de travail ; que la prime litigieuse inclut également les conséquences de la rupture du contrat de travail ; qu'elle inclut nécessairement l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés, qui constituent un revenu imposable ; que la rupture du contrat de travail ne rentre dans aucun des cas d'exonération prévus par l'article 80 duodecies du code général des impôts et le surplus de l'indemnité constitue un revenu imposable ; qu'en l'absence de rémunération des fonctions de mandataires sociaux, on pourrait considérer que l'intégralité de l'indemnité a été versée dans le cadre de la rupture du contrat de travail de M. A ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 décembre 2009, présenté pour M. et Mme A ; ils soutiennent en outre :

- que l'administration semble avoir eu accès au compte de charge et au bilan de la société sans l'avoir indiqué au contribuable ;

- que le document transactionnel a été adopté afin de régler le conflit entre M. A et les sociétés ; que l'administration ne rapporte pas la preuve contraire du caractère forcé de la révocation comme l'impose l'instruction du 31 mai 2000 ;

- que la transaction du 29 mars 2002 ne prévoit que l'indemnisation de la révocation forcée de M. A de ses mandats sociaux et n'inclut pas l'indemnisation de son contrat de travail qui a fait l'objet d'une transaction distincte ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il fait valoir en outre que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure manque en fait et doit être écarté ; que le service a apporté la preuve de l'absence de caractère forcé du départ de M. A ; qu'en tout état de cause, il appartient aux requérants de justifier que la révocation de l'intéressé est intervenue dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966, à savoir qu'il aurait fait l'objet d'une révocation formelle par l'organe social compétent, ce qui n'est pas le cas ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2010 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 28 avril 2010, présenté pour M. et Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes Honoré, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Maître Farcy, pour M. et Mme A ;

Considérant que M. Michel A a été recruté, le 26 juin 1990, par la société Labelle Chaussures en qualité de secrétaire général de l'ensemble des sociétés du groupe et était rémunéré par la société Samic ; qu'il a été nommé président du conseil d'administration de la société Tachon Diffusion le 28 avril 1995, président du directoire de la société Samic, le 31 mars 2000 et directeur général de la société Labelle, le 1er avril 2000 ; qu'il ressort des termes d'une transaction du 29 mars 2002, que les trois sociétés susmentionnées ont révoqué M. A de ses mandats à effet du 31 mars 2002, et décidé qu'une indemnité de 200 000 euros serait versée à M. A pour le préjudice moral subi ... occasionné par les circonstances de son départ, la publicité qui en est faite entrainant une atteinte à sa réputation. Par ailleurs, Monsieur A a mis en avant ses charges de famille, son âge et l'état du bassin d'emploi local, qui rendra difficile son reclassement ; que par une notification de redressements du 30 avril 2004, M. et Mme A ont été informés que l'indemnité précitée était imposable dans la catégorie des traitements et salaires ; que M. et Mme A demandent à la Cour d'annuler le jugement du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Rouen n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2002, en réduisant à hauteur de 40 000 euros la base de l'impôt sur le revenu ; que par la voie du recours incident le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la Cour la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas rejeté entièrement la requête de M. et Mme A ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :

S'agissant de la procédure :

Considérant, en premier lieu, que l'administration a l'obligation d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements du 30 avril 2004 adressée aux requérants mentionne les termes de la transaction du 29 mars 2002 retenus par le service pour procéder aux redressements litigieux ; que si l'administration n'a pas indiqué aux contribuables comment elle avait pu avoir connaissance de cette transaction, M. A ne peut, eu égard à la précision des renseignements figurant dans la notification de redressements et à sa qualité de signataire de la transaction en cause, être regardé comme ayant été privé, du seul fait de l'absence d'information sur les modalités d'obtention de ces renseignements, de la possibilité de demander et d'obtenir, avant la mise en recouvrement, la communication des documents consultés par l'administration dans l'exercice de son droit de communication ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, qui n'étaient pas encore applicables lorsque la notification de redressements leur a été adressée le 30 avril 2004 ; qu'ils ne peuvent davantage se prévaloir de l'instruction 13 L-06-06 du 21 septembre 2006 relative à ces dispositions, lesquelles, en tout état de cause, portent sur la procédure d'imposition ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ... ; qu'ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que le service a rappelé, dans la notification de redressements, les termes de la transaction qu'elle entendait retenir pour fonder les redressements litigieux ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés de la possibilité de débattre des éléments retenus et le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur le terrain de la loi :

Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts : ... constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ... des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. / La fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite (1) exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant, ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ... 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est imposable ;

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que les requérants aient entendu soutenir que l'indemnité n'était pas imposable, eu égard aux conditions dans lesquelles la révocation est intervenue, ayant pour effet de nuire à l'honneur, la réputation, la crédibilité et la notoriété de M. A, ce moyen est, contrairement à ce qu'à jugé le tribunal administratif, inopérant dès lors que l'indemnité a été imposée selon les prévisions de l'article 80 duodecies du code général des impôts, seules applicables ;

Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent que la somme en litige n'a été versée qu'en raison de la révocation de M. A de l'ensemble de ses mandats sociaux et que le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail a été pris en compte dans un accord transactionnel du 4 mai 2005, par lequel il a été décidé qu'une indemnité de 40 000 euros serait versée à M. A à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et professionnel subi du fait de la rupture du contrat de travail ; qu'il ressort cependant de la transaction du 29 mars 2002 que M. A a été révoqué à effet du 31 mars 2002 de ses divers mandats, en sorte qu'il n'existe plus de lien de toute nature juridique entre M. A et aucune des sociétés ci-dessus mentionnées ; que dans ces conditions, l'indemnité versée en application de la transaction du 29 mars 2002 doit être regardée comme ayant été perçue tant, en raison de la rupture des mandats que de la rupture du contrat de travail ; que dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du fait qu'une seconde indemnité a été versée à raison de la rupture du contrat de travail, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité versée à raison de la rupture des mandats, en l'évaluant à la somme de 40 000 euros ;

Considérant que, s'agissant de la part de l'indemnité en litige versée à raison de la rupture du contrat de travail et estimée à la somme de 160 000 euros, il n'est pas établi, ni même allégué que M. A entrait dans l'une des exceptions pour lesquelles le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts prévoit que les indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu ;

Considérant que, s'agissant de la part de l'indemnité versée à raison de la cessation des fonctions de mandataire social, si les termes de la transaction du 29 mars 2002 mentionnent que M. A a été révoqué de ses divers mandats, il ne ressort ni de ce document, ni des autres pièces versées au débat, que la révocation aurait été décidée par les organes sociaux compétents ; qu'aucun autre document ne révèle que la cessation des fonctions de M. A aurait présenté un caractère forcé ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'indemnité qu'il a perçue ne serait pas imposable compte tenu du caractère forcé de la cessation de ses fonctions ;

Sur le terrain de la doctrine :

Considérant que l'instruction 5 F-8-00 du 31 mai 2000, qui admet que l'exonération d'impôt sur le revenu prévue à l'article 80 duodecies-2 du code général des impôts s'applique aux indemnités versées à un dirigeant faisant l'objet d'une révocation dans les conditions prévues par le titre II du code de commerce qui constitue une cessation forcée des fonctions de l'intéressé, sauf preuve contraire apportée par l'administration, ne fait pas une interprétation de la loi différente de celle dont il a été fait application ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Rouen a réduit les bases d'imposition de M. et Mme A au titre de l'année 2002 ; que la requête de M. et Mme A doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2002 sont remises à leur charge en droits et pénalités.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Michel A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°09DA00916


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : FARCY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 12/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09DA00916
Numéro NOR : CETATEXT000022789246 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-12;09da00916 ?
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