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27/05/2010 | FRANCE | N°10DA00060

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 27 mai 2010, 10DA00060


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 11 janvier 2010 et régularisée par production de l'original le 14 janvier 2010, présentée pour M. Giorgi A, demeurant ..., par Me Berthe, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903582 en date du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 mars 2009 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de d

estination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler lesdites déci...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 11 janvier 2010 et régularisée par production de l'original le 14 janvier 2010, présentée pour M. Giorgi A, demeurant ..., par Me Berthe, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903582 en date du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 mars 2009 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à l'administration, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 155 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que le préfet, s'estimant lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique, a entaché sa décision d'un vice d'incompétence ; que l'avis du médecin inspecteur de santé publique, en tant qu'il se présente sous la forme d'un questionnaire à choix multiple, est insuffisamment motivé ; que son état de santé justifiait que lui soit délivré le titre sollicité ; qu'il ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine, où il n'existe pas d'accès universel aux soins, du traitement approprié à sa pathologie dont le coût équivaut à plus de quatre fois le salaire annuel moyen brut ; qu'au demeurant, le système de santé géorgien souffre de nombreux dysfonctionnements et que, comme le précise l'Oxfam, la prise en charge des soins de santé pour ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté n'est que théorique ; qu'au surplus, en sa qualité d'ancien sportif professionnel, il ne dispose d'aucune qualification ; qu'il a donc peu de chance de pouvoir retrouver un emploi et, ainsi, financer son traitement, dans un pays où le taux de chômage est élevé ; qu'il est, en outre, présent en France depuis 2006 où il est suivi médicalement et où il a développé des relations amicales et sociales ; qu'il est hébergé par un ami et est parrain d'un jeune enfant qui grandit en France ; que toute la famille de son oncle est présente sur le territoire français où il dispose d'une promesse d'embauche ; qu'ainsi, la décision de refus de titre de séjour méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision du 16 novembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2010, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'il ne s'est pas cru lié par l'avis qu'a émis le médecin inspecteur de santé publique et a procédé à un examen circonstancié de la demande de M. A ; que la motivation de l'avis du médecin inspecteur de santé publique est conforme à la règlementation en vigueur ; qu'il a estimé que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine au regard des données fournies tant par le ministère de l'intérieur que par l'organisation mondiale de la santé ; que M. A ne saurait utilement se prévaloir ni de sa situation financière, ni de l'état sanitaire général de son pays d'origine ; que si le requérant fait valoir son insertion sociale et professionnelle, il ne l'établit pas ; qu'il est célibataire et sans enfant et dispose dans son pays d'origine de l'ensemble des membres de sa famille proche ; qu'ainsi, ni le refus de titre opposé à M. A, ni l'obligation de quitter le territoire qui l'assortit ne méconnaissent les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Xavier Larue, conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A relève appel du jugement n° 0903582 en date du 6 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 mars 2009 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la rédaction de la décision attaquée, que le préfet du Nord, qui a procédé à un examen circonstancié de la situation de l'intéressé, ne s'est pas cru lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique ; que l'incompétence négative alléguée ne peut donc qu'être écartée ;

Considérant, en second lieu, que M. A soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique est insuffisamment motivé en tant qu'il se prononce sur la disponibilité du traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; que, néanmoins, dans son avis du 20 février 2009, le médecin inspecteur de santé publique a signalé que le requérant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, l'avis du médecin inspecteur de santé publique est suffisamment motivé ; que le vice de procédure allégué doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. A nécessite un traitement approprié dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si le requérant admet qu'il existe des possibilités de traitement approprié de son affection dans son pays d'origine, il prétend qu'il ne peut en bénéficier ; que s'il soutient, d'une part, que du fait de son coût le traitement approprié à sa pathologie ne serait pas accessible à la généralité de la population, il ressort des pièces du dossier qu'existe en Géorgie un dispositif assurant la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils dont l'ineffectivité n'est pas établie par les pièces produites ; que si le requérant fait état, d'autre part, de son incapacité à financer son traitement, du fait de son absence de qualification et du taux de chômage élevé existant dans son pays d'origine, ces particularités de sa situation, à les considérer même comme établies, sont de nature à permettre à M. A, dont les revenus ne devraient pas excéder les seuils évoqués, de bénéficier du dispositif de prise en charge ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France le 13 décembre 2006, à l'âge de 30 ans ; qu'il y résidait depuis à peine plus de deux ans à la date d'édiction de la décision attaquée ; qu'il est célibataire et sans enfant ; que séjournent dans son pays d'origine ses parents, son frère et sa soeur ; qu'en outre, ni la promesse d'embauche, ni les attestations qu'il fournit, toutes rédigées pour les besoins de la cause, ne sont de nature à établir la réalité de l'insertion professionnelle et sociale dont se prévaut le requérant ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; qu'il résulte de ce que dit précédemment dans le cadre de l'examen de la conformité du refus de titre de séjour aux dispositions de l'article L. 313-11 du même code, que le préfet du Nord n'a pas, pour les mêmes motifs, méconnu les dispositions précitées ;

Considérant, en second lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales stipule que : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence des autorités publiques dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A soutient que ces stipulations auraient été méconnues par le préfet du Nord pour les mêmes raisons que celles évoquées dans le cadre de l'examen de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'autorité décisionnaire en lui refusant le titre de séjour sollicité ; qu'ainsi et pour les mêmes motifs que ceux ci-avant exposés dans le cadre de l'examen de l'erreur manifeste d'appréciation alléguée, il y a lieu d'écarter ce moyen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 mars 2009 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 911-3 du même code dispose que : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Giorgi A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00060
Date de la décision : 27/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-27;10da00060 ?
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