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08/06/2010 | FRANCE | N°08DA01455

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 juin 2010, 08DA01455


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Yahia A, demeurant ..., par Me Durand ; M. et Mme Yahia A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0706315-0800726 du Tribunal administratif de Lille en date du 19 juin 2008 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2002 et 2003 et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 ;<

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2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de cond...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Yahia A, demeurant ..., par Me Durand ; M. et Mme Yahia A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0706315-0800726 du Tribunal administratif de Lille en date du 19 juin 2008 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2002 et 2003 et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'à défaut pour le service d'avoir déterminé l'origine et la nature des sommes créditées sur les comptes financiers de la SCI Centre Europe et d'avoir mis en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, celui-ci, à qui incombe la charge de la preuve, n'était pas fondé à considérer que ces sommes représentaient des revenus fonciers imposables ; qu'en particulier, dès le 1er août 2003, la société Boulangerie Le Synthois n'était plus locataire de la société ; que le service ne pouvait refuser la déduction du montant de travaux engagés pour la location future de l'immeuble situé rue Lebas à compter du 1er février 2005 ; que l'administration n'a pas démontré l'intention délibérée des requérants d'éluder l'impôt ; que l'application des pénalités de mauvaise foi n'est donc pas fondée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête aux motifs que l'absence de recours à la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales pour déterminer les revenus fonciers imposables de la SCI Centre Europe ne saurait constituer une irrégularité ; que conformément aux dispositions des articles 14 et 29 du code général des impôts et eu égard à l'objet social de la SCI (location de terrains et biens immobiliers) et à l'origine des sommes figurant sur ses comptes financiers, en provenance de la SARL BLS, son locataire, le service était bien fondé à considérer qu'il s'agissait de revenus fonciers ; que subsidiairement, l'administration demande que par voie de substitution de base légale, ces revenus soient imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux définis à l'article 92 du code général des impôts ; que la société ne peut déduire le montant de travaux sur un immeuble affecté à l'habitation qui ne peut être considéré comme destiné à la location dès lors que le bail présenté concernait un immeuble à usage de bureau ; que lesdits travaux, compte tenu de leur montant, constituent des dépenses non déductibles dès lors qu'il ne s'agit pas de simples travaux d'amélioration ou d'entretien ; que la mauvaise foi des contribuables est caractérisée par le caractère délibéré de la minoration de la base d'imposition déclarée et l'importance des crédits bancaires restés inexpliqués ;

Vu la décision du directeur des services fiscaux du Nord-Lille en date du 9 janvier 2009, enregistrée le 19 janvier 2009, accordant le dégrèvement des pénalités de mauvaise foi en litige à hauteur de 3 830 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2002, de 1 745 euros au titre des contributions sociales de l'année 2002 et de 5 755 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2003 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2009, présenté pour M. et Mme A, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutiennent au surplus que l'administration a adressé à la SCI une demande de justification le 21 janvier 2005 et motivé son redressement sur le défaut de justification des crédits bancaires taxés ; que le service a donc nécessairement mis en oeuvre de façon irrégulière et détourné la procédure de l'article L. 16 ; que la substitution de base légale demandée par l'administration méconnaîtrait les garanties du contribuable et notamment la possibilité de saisir la commission départementale des impôts ; que l'ensemble des locaux destinés à la location étaient à usage d'habitation comme l'a constaté le service vérificateur lors d'une visite sur place ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2010, après l'audience, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par décision du 9 janvier 2009, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Nord-Lille a accordé à M. et Mme Yahia A un dégrèvement en pénalités de 3 830 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 2002, de 1 745 euros en ce qui concerne les contributions sociales de l'année 2002 et de 5 755 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 2003 ; que dans cette mesure, la requête est devenue sans objet ;

Sur le surplus des conclusions tendant à la décharge des impositions contestées :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que si, par courrier du 21 janvier 2005, l'inspecteur chargé de la vérification de la comptabilité de la SCI Centre Europe 1859 à l'issue de laquelle des redressements ont été notifiés à M. et Mme A en application de l'article 8 du code général des impôts, a demandé au gérant de la société de justifier l'origine d'un certain nombre de crédits figurant sur les comptes bancaires de la société au cours des années 2002 et 2003, ce courrier ne porte la mention ni de ce que cette demande est effectuée en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, ni d'un délai imparti pour répondre, ni enfin des conséquences liées à l'absence d'une réponse à cette demande ; que dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas fait davantage référence à cette procédure dans la lettre de proposition de rectification, ne peut être regardée comme ayant engagé la procédure de demande de justification prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré de la méconnaissance, selon les contribuables, de ces dispositions est, par suite, inopérant et ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé :

Considérant, en premier lieu, qu'il incombe toujours à l'administration fiscale, dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, de préciser la catégorie de revenus à laquelle se rattachent les sommes qu'elle prétend imposer et de justifier ce classement catégoriel ; qu'en l'espèce, le service a taxé dans la catégorie des revenus fonciers un ensemble de crédits figurant sur les comptes bancaires de la SCI Centre Europe 1859 au motif que l'objet social de la SCI, affecté à la location d'immeubles, et l'origine des crédits, pour partie en provenance de la société Boulangerie Le Synthois (BLS), locataire de la SCI, justifiait ce classement ; que, toutefois, ces seuls éléments ne sauraient justifier un tel classement dès lors que, par ailleurs, il n'est pas contesté que la SCI avait déclaré l'ensemble des loyers perçus de la société BLS en application des baux en cours et que le bail conclu avec cette société avait été rompu, selon ce qui résulte des pièces produites au dossier par les requérants, à compter du 1er août 2003 ; que si l'administration fiscale demande, à titre subsidiaire, que ces sommes soient taxées, par la voie de la substitution de base légale, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux relevant de l'article 92 du code général des impôts ou dans celle des revenus d'origine indéterminée, ladite substitution ne peut être accordée dès lors que dans le cadre d'une imposition dans l'une de ces catégories de revenus, les contribuables auraient pu demander la saisine de la commission départementale des impôts en application des articles L. 59 et L. 76 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la substitution de base légale demandée par le service privant le contribuable d'une garantie de procédure, ne peut être accueillie ; que, par suite, il y a lieu d'accorder la décharge des rehaussements notifiés dans la catégorie des revenus fonciers du chef des recettes au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. ; qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts dans ses dispositions applicables au cours des années en litige : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges, effectivement supportés par le propriétaire ; a bis) le montant des primes d'assurances versées au titre de la garantie du risque de loyers impayés. Lorsque le contrat comporte également la garantie d'autres risques, la fraction des primes destinée à couvrir le risque de loyers impayés doit être distinguée ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; (...) ;

Considérant que l'administration a réintégré dans les revenus fonciers de la SCI Centre Europe au titre des années 2002 et 2003 le montant des travaux effectués dans un immeuble situé rue Lebas à Grande-Synthe au motif que ledit immeuble n'était pas affecté à la location et que compte tenu de leur montant, ces dépenses ne pouvaient concerner de simples travaux d'entretien ou de réparation déductibles au sens de l'article 31 précité du code général des impôts ; que les requérants ne produisent au dossier, ni le bail qu'ils soutiennent avoir conclu avec une association cultuelle à compter du 1er février 2005, ni la preuve que ce bail a été effectivement exécuté ; qu'ainsi, ils n'établissent pas que ledit immeuble était dès l'origine destiné à la location ; qu'au surplus, dès lors qu'ils ne produisent aucune des factures correspondant aux travaux effectués dans l'immeuble, ils n'établissent pas, ainsi que cela leur incombe, que lesdites dépenses sont déductibles de leur revenu foncier au sens de l'article 31 du code général des impôts ; que le moyen tiré de ce que c'est à tort que l'administration a réintégré le montant de ces dépenses dans le revenu foncier imposable de la SCI Centre Europe ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors en vigueur : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. ;

Considérant que l'administration fiscale fonde l'application des pénalités de mauvaise foi aux redressements relatifs tant aux recettes réintégrées qu'aux charges dont la déductibilité n'a pas été admise, sur l'importance des recettes foncières dissimulées et l'existence d'un préjudice en conséquence de ces dissimulations pour le Trésor public ; que, par suite, elle ne justifie pas l'application des pénalités de mauvaise foi aux seuls redressements confirmés qui concernent la réintégration des charges foncières déduites à tort ; qu'il y a lieu d'en accorder la décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. et Mme A fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en condamnant l'Etat à leur verser une somme de 1 000 euros à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. et Mme A à hauteur de 3 830 euros en pénalités en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 2002, de 1 745 euros en pénalités en ce qui concerne les contributions sociales de l'année 2002 et de 5 755 euros en pénalités en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 2003.

Article 2 : Il est accordé à M. et Mme A la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2002 et 2003 dans la limite, en base, des redressements afférents à la réintégration de recettes classées dans la catégorie des revenus fonciers.

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés des pénalités de mauvaise foi auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001, 2002 et 2003.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser une somme de 1 000 euros à M. et Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Yahia A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01455
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CABINET DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-06-08;08da01455 ?
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