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08/06/2010 | FRANCE | N°09DA00130

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 08 juin 2010, 09DA00130


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Corinne A, demeurant ..., par Me Chivot ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602369 du 27 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 2 180 euros et à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme une somme de 6 387,43 euros ;

2°) de condamner le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 48 180

euros en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compt...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Corinne A, demeurant ..., par Me Chivot ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602369 du 27 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 2 180 euros et à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme une somme de 6 387,43 euros ;

2°) de condamner le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 48 180 euros en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

3°) de condamner le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 1 252 euros correspondant aux frais de l'expertise ;

Elle soutient que la responsabilité du Centre hospitalier universitaire d'Amiens est engagée dès lors qu'elle n'a pas été suffisamment informée des risques que comporte l'opération de pose d'un anneau gastrique qu'elle y a subie ; que cette opération n'étant pas vitale, elle ne l'aurait jamais acceptée si elle avait été informée du risque de perforation qui s'est réalisé, d'autant que sa situation familiale était difficile ; que le défaut d'information dont elle a été victime lui a fait perdre une chance de ne pas subir les désagréments provoqués dans leur totalité ; que son préjudice s'élève à la somme de 48 180 euros que le Centre hospitalier universitaire d'Amiens doit être condamné à lui verser ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 8 octobre 2009 à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 6 novembre 2009 et régularisé par la production de l'original le 12 novembre 2009, présenté pour le Centre hospitalier universitaire d'Amiens, dont le siège est place Victor Pauchet à Amiens (80054), par la SCP Montigny et Doyen ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler et à défaut de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré responsable des préjudices subis par Mme A ;

2°) de rejeter la requête de Mme A et de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

3°) à titre subsidiaire, de dire que la perte de chance ne saurait excéder le taux de 10 % retenu par le Tribunal ;

4°) de réduire à plus juste proportion les prétentions de Mme A ;

5°) de condamner Mme A aux dépens ;

Il soutient que l'indication de pose d'un anneau gastrique était justifiée compte tenu du poids de la patiente et de l'échec de toutes les autres méthodes de perte de poids ; qu'il a délivré à Mme A une information complète et suffisante sur les risques de complications de cette opération pour laquelle elle a disposé de près d'une année de réflexion ; que la perforation subie est absolument exceptionnelle et n'a donc pas à donner lieu à une mise en garde ; que l'intervention s'est déroulée dans les règles de l'art ; que la perforation subie par Mme A est une complication rare qui a été correctement prise en charge ; que la requérante n'établit pas de lien de causalité ; subsidiairement, que son préjudice ne constituerait qu'une perte de chance, minime compte tenu du caractère très exceptionnel du risque ; que les sommes réclamées sont excessives, les sommes proposées par l'expert ne distinguant pas la part des séquelles liées à la perforation et celle résultant de l'intervention initiale ;

Vu l'ordonnance en date du 11 mars 2010 fixant la clôture de l'instruction au 12 avril 2010 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 avril 2010 et confirmé par la production de l'original le 13 avril 2010, présenté pour Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A, atteinte d'obésité morbide, a subi au Centre hospitalier universitaire d'Amiens, le 19 février 2002, une opération de gastroplastie par pose d'un anneau gastrique destiné à provoquer la perte de poids ; que dans les jours suivant son retour à domicile elle a été victime de violents vomissements ayant donné lieu à des examens complémentaires qui ont révélé le 27 février 2002 l'existence d'une perforation de la grosse tubérosité de l'estomac ; que cette perforation a donné lieu à une opération de suture le 28 février 2002, compliquée d'un abcès sous-phrénique qui a nécessité, après l'échec de deux drainages, une nouvelle opération le 30 avril 2002 avec résection d'une côte ; que le Tribunal administratif d'Amiens, après avoir ordonné à la demande de Mme A une expertise, a, sur requête de cette dernière, condamné le Centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 2 180 euros ainsi qu'une somme de 6 387,43 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ; que Mme A demande la réformation de ce jugement quant au montant de l'indemnité allouée, le Centre hospitalier universitaire d'Amiens demandant par la voie de l'appel incident l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme A ;

Sur la responsabilité du Centre hospitalier universitaire d'Amiens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...). Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...). En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ;

Considérant qu'il est constant que Mme A n'a pas été informée, préalablement à l'opération de gastroplastie qu'elle a subie, des risques de perforation gastrique post-opératoire entraînés par la mise en oeuvre de la technique de pose d'anneau gastrique par coelioscopie ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que ces risques, graves mais normalement prévisibles, peuvent entraîner une invalidité ou un décès ; que dès lors le Centre hospitalier universitaire d'Amiens n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif d'Amiens a considéré que ce défaut d'information constituait une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Mme A et de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à raison de la chance dont Mme A a été privée de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Sur la réparation des préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la perforation gastrique dont a été victime Mme A a engendré un supplément d'interruption totale de travail du 27 février au 5 juin 2002, une incapacité permanente partielle de 10 %, des douleurs supplémentaires évaluées à 4 sur une échelle de 7, un préjudice esthétique lié à la présence d'une cicatrice thoracique, un préjudice moral modéré et un préjudice d'agrément modeste ; que Mme A ne conteste pas l'évaluation à 2 180 euros qu'ont fait les premiers juges de l'ensemble de ces préjudices personnels ;

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour Mme A de la perte de chance de se soustraire au risque dont elle n'a pas été informée et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis par comparaison entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par la patiente en cas de renonciation à celle-ci ; que si Mme A fait valoir qu'elle aurait renoncé à cette intervention, qui ne présentait pas de nécessité absolue pour elle, en cas d'information complète sur les risques encourus, il résulte de l'instruction que la requérante souffrait d'obésité morbide, invalidante par elle-même et ayant résisté au traitement par régimes alimentaires et qu'elle avait émis le souhait de perdre du poids pour reprendre une activité professionnelle ; que dans ces circonstances, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit à être indemnisée de l'intégralité des préjudices résultant de la perforation gastrique, dont l'indemnisation a été justement évaluée par les premiers juges à hauteur d'une fraction de 10 % ; que Mme A n'est donc pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

Sur les frais de l'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de laisser les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 252 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif d'Amiens du 7 octobre 2004, à la charge du Centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes du Centre hospitalier universitaire d'Amiens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Corinne A, au Centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.

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N°09DA00130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA00130
Date de la décision : 08/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP BOUQUET CHIVOT FAYEIN BOURGOIS WADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-06-08;09da00130 ?
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