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15/06/2010 | FRANCE | N°08DA00908

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 juin 2010, 08DA00908


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 11 juin 2008, présentée pour la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS, dont le siège est situé 9 rue Hamelin à Paris (75783) cedex 16, par Me Larrieu ; la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500812 du 11 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Socotec et Quillery Picardie à une somme de 16 715,67 euros en réparation des désordres affectant des logements

construits pour le compte de son assuré, l'Office public d'aménagemen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 11 juin 2008, présentée pour la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS, dont le siège est situé 9 rue Hamelin à Paris (75783) cedex 16, par Me Larrieu ; la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500812 du 11 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Socotec et Quillery Picardie à une somme de 16 715,67 euros en réparation des désordres affectant des logements construits pour le compte de son assuré, l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de l'Aisne ;

2°) de condamner les sociétés Socotec et Quillery Picardie à lui verser une somme de 162 840,38 euros ;

3°) de mettre solidairement à la charge des sociétés Socotec et Quillery Picardie une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner solidairement les sociétés Socotec et Quillery Picardie aux dépens ;

La MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS soutient qu'elle a préfinancé, dans le cadre du contrat d'assurance qui la liait avec l'OPAC de l'Aisne, la réparation des désordres revêtant un caractère décennal ; qu'à ce titre, elle se trouve subrogée dans les droits du maître d'oeuvre à hauteur du montant de son indemnisation, à savoir la somme de 162 840,38 euros ; que les désordres consistant en des infiltrations d'eau à l'intérieur des logements construits rendaient ces habitations impropres à leur destination ; que les désordres sont imputables à un défaut d'exécution de la part de la société Quillery Picardie ; que les constatations faites dans le cadre des opérations d'expertises amiables ont bien été réalisées contradictoirement ; que c'est à tort que les premiers juges ont limité le montant de la réparation des désordres à la somme de 39 331 euros, telle que proposée par l'expert, alors qu'avait été préfinancée et versée à l'OPAC de l'Aisne une somme de 162 840,38 euros pour ce faire ; que les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances ne lui permettaient pas de remettre en cause la somme demandée par son assuré pour garantir la pérennité de l'ouvrage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er août 2008, présenté pour la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, dont le siège est situé 3 avenue Morane Saulnier, BP 46 à Vélizy-Villacoublay (78141), par Me Morer, qui conclut au rejet de la requête, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS n'étant pas fondée à engager une action à son encontre, subsidiairement, à sa mise hors de cause en ce qui concerne les désordres invoqués, à la limitation du montant de ces travaux à la somme de 13 416,12 euros, à ce que l'OPAC de l'Aisne soit condamné à restituer le trop-perçu versé par la requérante et à lui restituer la somme de 123 519,38 euros, à ce que la société d'architecture Grain et le bureau d'études Socotec soient condamnés à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société Eiffage Construction soutient que la somme versée par la société requérante à son assuré constitue une sanction selon les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances et non la prise en charge d'un éventuel dommage, qu'à ce titre, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS n'était pas fondée à engager une action récursoire à son encontre ; que l'expert judiciaire et l'expert dommage ouvrage n'ont pas constaté de désordres généralisés, ainsi la société requérante n'est pas fondée à demander réparation au titre de la responsabilité décennale des constructeurs ; que la solution technique proposée par l'expert judiciaire en ce qui concerne l'étanchéité des façades était la mieux adaptée ; qu'une solution moins onéreuse à celle proposée par l'expert judiciaire était possible et, qu'à ce titre, le montant en litige ne saurait dépasser la somme de 13 416,12 euros ; qu'en outre, l'expert judiciaire n'a pas pu mettre en évidence de faute d'exécution de sa part ; qu'elle ne peut se voir imputer la totalité de la réparation d'un éventuel dommage, les premiers juges ayant limité sa responsabilité, ce que la société requérante ne remet pas en cause devant la Cour de céans ; que le maître d'oeuvre, la société d'architecture Grain, et le contrôleur technique, la société Socotec, doivent la garantir de toute condamnation prononcée contre elle ; que l'OPAC de l'Aisne a indûment perçu la somme de 123 509,38 euros, cette somme doit être restituée aux défendeurs ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2009, présenté pour la société Socotec, dont le siège est situé 3 avenue du Centre, Immeuble Les Quadrants à Saint-Quentin-En-Yvelines (78182), par le cabinet d'avocats Fournier, Badré, Hyonne, Sens Salis, Sanial, Denis, qui conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause au regard de la responsabilité décennale des constructeurs, subsidiairement, à la confirmation du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en ce qu'il a limité sa responsabilité, à l'infirmer en ce qu'il a limité l'appel en garantie formé à l'encontre de la société Quillery Picardie, à titre plus subsidiaire, à limiter sa responsabilité à 5 % du sinistre, confirmé le jugement de première instance sur l'assiette du recours, de rejeter la demande d'appel en garantie formée par la société Quillery Picardie à son encontre ;

Vu l'ordonnance du 26 janvier 2010 fixant la clôture d'instruction au 25 mars 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 4 mai 2010 reportant la clôture de l'instruction au 25 mai 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, par un marché conclu le 9 octobre 1998, l'Office public d'aménagement et de construction de l'Aisne a confié la construction de quinze logements individuels sur le territoire de la commune de Wassigny à la société Quillery Picardie, sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet d'architectes Grain, le contrôle technique étant assuré par la société Socotec ; qu'à compter de l'année 2000, postérieurement à la réception des travaux prononcée à la date du 4 août 1999, divers désordres sont apparus sur ces bâtiments ; que la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, assureur dommage ouvrage du maître de l'ouvrage, a été subrogée dans les droits et actions de l'OPAC de l'Aisne en vertu d'un protocole d'accord intervenu le 7 janvier 2001 ; que, sur requête de la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, le Tribunal de grande instance de Laon a procédé à la désignation d'un expert par ordonnance en date du 5 décembre 2002 ; que, suite au dépôt du rapport d'expertise et du désistement partiel de son action devant le juge judiciaire, la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS a saisi le Tribunal administratif d'Amiens d'une requête indemnitaire à l'encontre des sociétés Quillery Picardie et Socotec pour un montant total de 162 840,38 euros ; que la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS relève appel du jugement en date du 11 avril 2008 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité le montant de la condamnation des sociétés Quillery Picardie et Socotec à la somme de 16 715,67 euros ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité d'un constructeur à l'égard d'un maître d'ouvrage public avec lequel il est lié par un marché qui a le caractère d'un contrat administratif ; que l'action de la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, se présentant comme subrogée dans les droits de l'OPAC de l'Aisne, tend à mettre en jeu la responsabilité de la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, en raison d'une mauvaise exécution du contrat que cette dernière a passé avec cet office ; que, par suite, et quelle que soit la nature juridique du protocole d'accord signé le 7 janvier 2001 entre l'OPAC de l'Aisne et la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, n'est pas fondée à soutenir que la société requérante ne pouvait mener une action subrogatoire à son encontre ;

Sur la responsabilité décennale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par le juge judiciaire, que, moins de deux ans après la réception des travaux, dix des quinze logements construits sont affectés par des infiltrations au travers des maçonneries extérieures des murs pignons sud-ouest ; que ces infiltrations résultent du choix par la maîtrise d'oeuvre d'un procédé de mortier colle inadéquat pour assurer la liaison entre les éléments formant les façades des ouvrages ; qu'à la date où elles ont été constatées, les infiltrations n'apparaissaient que lors d'abondantes précipitations et selon l'orientation de celles-ci, créant notamment à la liaison avec les huisseries des tâches d'humidité sur les murs ; que, toutefois, compte tenu de la nature et de l'origine des désordres, ceux-ci ne pouvaient que s'amplifier et se généraliser ; que, par suite, les désordres constatés au cours du délai d'épreuve de la garantie décennale étaient de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination et c'est à bon droit que le Tribunal administratif d'Amiens a retenu que la responsabilité des constructeurs était engagée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants et 2270 du code civil ;

Considérant que, dès lors que la société Socotec en tant que bureau chargé du contrôle technique du marché a approuvé le choix du procédé défectueux de liaison des éléments de façade, elle n'est pas fondée à soutenir que les désordres ne lui seraient pas imputables et, par suite, à soutenir qu'ils ne sont pas de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

Considérant que la réparation des dommages doit se faire selon le procédé le moins coûteux le mieux à même d'assurer l'étanchéité du bâtiment ; que, dans le cadre de l'assurance dommage d'ouvrage, la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS a pris en charge la réfection de la totalité des façades selon un procédé dit de vêtage ; que, toutefois, l'expert a évalué le coût des réparations à la somme de 39 331 euros correspondant à la seule remise en état de l'étanchéité de la façade exposée aux intempéries et selon un procédé dit I3 moins coûteux ;

Considérant que si la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS demande que le coût des réparations soit porté à la somme globale de 162 840,38 euros, correspondant au montant des sommes versées à son assuré, elle ne démontre pas que le procédé préconisé par l'expert aurait été insuffisant en se bornant à faire valoir que ledit procédé I3 ne bénéficiait pas des garanties techniques suffisantes alors que ce point a été discuté entre les parties au cours des opérations d'expertise, le rapport indiquant que le procédé retenu a été mis en oeuvre avec succès sur d'autres constructions ;

Considérant que si la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, soutient que le montant des travaux de reprise des désordres tels que prévus par l'expert s'élève à la somme de 13 416,12 euros, elle ne l'établit pas par le seul devis qu'elle produit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et compte tenu du partage de responsabilité opéré par les premiers juges et non contesté en appel, que la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a condamné les sociétés Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, et Socotec à lui payer solidairement une somme de 16 715,67 euros ;

Sur l'appel provoqué de la société Eiffage Construction :

Considérant que, dès lors que la situation de la société Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, n'est pas aggravée du fait du rejet de l'appel principal de la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre l'OPAC de l'Aisne, tendant au reversement du trop-perçu des travaux de reprise, ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, partie perdante ; que, par contre, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à verser respectivement aux sociétés Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, et Socotec une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS est rejetée.

Article 2 : La société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS versera respectivement aux sociétés Eiffage Construction, venant aux droits de la société Quillery Picardie, et Socotec une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MUTUALITE DES ARCHITECTES FRANCAIS, à la société Eiffage Construction, à la société Socotec et à l'Office public d'aménagement et de construction de l'Aisne.

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N°08DA00908 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00908
Date de la décision : 15/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP FOURNIER - BADRE - HYONNE - SENS SALIS - SANIAL - DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-06-15;08da00908 ?
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