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21/06/2010 | FRANCE | N°10DA00183

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 21 juin 2010, 10DA00183


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bertil A, demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux des biens de leurs enfants mineurs Emilie et Quentin, par la SCP Julia - Jégu - Bourdon ; M. et Mme A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°0902765 du 21 janvier 2010, par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté leur demande, tendant à ce que l'e

xpertise, prescrite par une précédente ordonnance du juge des référés en ...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bertil A, demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux des biens de leurs enfants mineurs Emilie et Quentin, par la SCP Julia - Jégu - Bourdon ; M. et Mme A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°0902765 du 21 janvier 2010, par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté leur demande, tendant à ce que l'expertise, prescrite par une précédente ordonnance du juge des référés en date du 30 mars 2009 et relative au décès, survenu le 4 septembre 2005, du nourrisson Benjamin C au centre hospitalier régional universitaire de Rouen, soit étendue au contradictoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ( ONIAM ) ;

2°) de faire droit à leur demande d'extension de l'expertise en confiant aux experts le soin d'organiser une nouvelle réunion d'expertise en présence de l'ONIAM et de déposer leur rapport complémentaire ;

M. et Mme A soutiennent qu'il est apparu, au cours de l'expertise qu'une infection susceptible d'être qualifiée de nosocomiale pouvait être à l'origine du décès de leur enfant au centre hospitalier régional universitaire de Rouen ; que, cependant, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales n'était pas partie à l'expertise ; que leur demande d'extension de l'expertise au contradictoire de l'Office revêt, dans ces conditions et au regard tant des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative que de celles des articles L. 1142-20 et-21 du code de la santé publique, un caractère utile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 mai 2010, présenté pour M. et Mme A, qui conclut aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;

M. et Mme A soutiennent, en outre, que le Conseil d'Etat a confirmé l'utilité de la mesure d'expertise initialement ordonnée par le juge des référés ; que, toutefois, les experts ont, à ce jour, déposé leur rapport d'expertise, de sorte que leur mission est close ; qu'il conviendra de désigner de nouveau ces experts avec la même mission, en prévoyant toutefois que celle-ci soit conduite au contradictoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu la décision en date du 10 mai 2010, par laquelle le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accorde à M. et Mme A l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure, en ce compris les frais d'expertise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2010 par télécopie au greffe de la Cour et régularisé le 25 mai 2010, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par Me de la Grange ; l'Office conclut à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il forme protestations et réserves sur l'extension demandée des opérations d'expertise et de ce qu'il ne s'oppose pas à ce que l'expert et son sapiteur demeurent désignés afin de mener à terme leur mission, à ce qu'un co-expert spécialiste en infectiologie soit, en outre, désigné, et à ce que la mission confiée aux experts soit complétée ;

L'Office soutient qu'il n'entend pas s'opposer à ce que les opérations d'expertise ordonnées par le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen lui soient rendues opposables, à la condition que l'intégralité de la mission d'expertise soit reprise en sa présence ; que, toutefois, alors que les Consorts A souhaitent attraire l'exposant à la présente procédure en raison de la probable survenue d'une infection nosocomiale, il s'avère absolument nécessaire que soit désigné un co-expert spécialisé en infectiologie ; qu'en outre, s'il s'avérait que Benjamin C est décédé des suites d'une infection, il conviendrait de déterminer avec précision si celui-ci était porteur d'une infection avant sa naissance, d'identifier le germe en cause et sa porte d'entrée, de déterminer la date à laquelle l'enfant a été contaminé, enfin, de dire si le décès de celui-ci est directement et exclusivement imputable à cette infection ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d' appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés ; qu'aux termes de l'article R. 532-1 du même code : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ;

Considérant que Mme A, alors enceinte de six mois et demi, a été admise au centre hospitalier régional universitaire de Rouen le 29 août 2005 et placée sous surveillance, en raison d'un retard de croissance intra-utérin ; que des signes de troubles du rythme cardiaque foetal associés notamment à une diminution du liquide amniotique et à une structure placentaire anormale ont conduit à envisager une césarienne, qui a été pratiquée ; qu'un enfant de sexe masculin, Benjamin, est né à 16 h 58 et a été transféré dans l'unité de soins intensifs néonataux en raison notamment d'une détresse respiratoire modérée ; que, si l'évolution de l'état de l'enfant s'est révélée favorable durant les quatre premiers jours, celui-ci a présenté ensuite des épisodes de malaise conduisant à un arrêt cardiaque, puis au constat de son décès le 4 septembre 2005 à 19 h15 ; que, par une première ordonnance, en date du 9 février 2009, devenue définitive, le président du Tribunal administratif de Rouen, statuant au fond sur la demande formée par M. et Mme A et tendant à la condamnation du Centre hospitalier régional universitaire de Rouen à réparer leur préjudice, a rejeté celle-ci comme irrecevable pour tardiveté ; que, par une deuxième ordonnance, en date du 30 mars 2009, définitive et irrévocable depuis une décision du Conseil d'Etat en date du 7 avril 2010, le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen a prescrit, à la demande de M. et Mme A, une expertise au contradictoire du Centre hospitalier régional universitaire de Rouen et de la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre afin notamment de déterminer les causes du décès de leur enfant Benjamin au sein dudit établissement ; qu'enfin, par une troisième ordonnance, en date du 21 janvier 2010, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à ce que la mesure d'expertise précédemment prescrite par le juge des référés soit étendue au contradictoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; que M. et Mme A forment appel de cette troisième ordonnance et concluent à ce qu'il soit fait droit à leur demande d'extension de l'expertise ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité (...) ; qu'aux termes de l'article

L. 1142-1-1 du même code : Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article

L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % (...), ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) et qu'aux termes de l'article L. 1142-21 du même code : Lorsque la juridiction compétente (...) estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. (...) ;

Considérant que le rejet, par un jugement devenu définitif, du recours indemnitaire formé par M. et Mme A à l'égard du Centre hospitalier régional universitaire de Rouen ne faisait pas obstacle, par lui-même, à ce qu'il soit fait droit par le juge des référés à la demande d'extension au contradictoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la mesure d'expertise précédemment prescrite ; que ladite extension présente un caractère utile, au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dans la perspective d'une mise en cause, en application des règles posées par les dispositions précitées du code de la santé publique, dudit Office devant le juge du fond ; qu'alors que l'expert a déposé, le 2 février 2010, son rapport, il y a lieu de le désigner de nouveau, avec la même mission, aux fins de rendre ses investigations opposables à l'Office et, pour ce faire, d'organiser toute réunion et diligence complémentaire qu'il estimera utiles ;

Considérant, toutefois, que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales demande, d'une part, que soit désigné un co-expert spécialisé en infectiologie, d'autre part, que, dans l'hypothèse où il serait confirmé que Benjamin C est décédé des suites d'une infection, la mission d'expertise soit étendue aux fins de déterminer avec précision si l'enfant était porteur d'une infection avant sa naissance, d'identifier le germe en cause et sa porte d'entrée, de déterminer la date à laquelle l'enfant a été contaminé, enfin, de dire si le décès de celui-ci est directement et exclusivement imputable à cette infection ; qu'en l'état de l'instruction, il n'apparaît pas utile de faire droit à la demande de désignation d'un co-expert, étant cependant précisé qu'il est loisible à l'expert désigné de demander, s'il l'estime nécessaire, au président de la Cour de lui adjoindre un sapiteur spécialiste en infectiologie ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit à la demande d'extension de la mission d'expertise aux fins sus-décrites ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté leur demande tendant à ce que l'expertise précédemment prescrite à l'égard du Centre hospitalier universitaire régional de Rouen et de la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre soit étendue au contradictoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

ORDONNE :

Article 1er: L'ordonnance n°0902765 du vice-président du tribunal administratif de Rouen en date du 21 janvier 2010 est annulée.

Article 2 : Mme le docteur Liliane D, ..., est désignée comme expert avec mission, au contradictoire de M. et Mme A, du Centre hospitalier universitaire régional de Rouen, de la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après s'être fait communiquer tous documents utiles, de :

1°- décrire les conditions de la naissance de Benjamin C, le 29 août 2005, au centre hospitalier universitaire régional de Rouen, les examens pratiqués et les traitements mis en oeuvre ; préciser l'évolution de son état jusqu'à son décès survenu le 4 septembre 2005 ;

2°- réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si une faute médicale ou de soins a été commise lors de l'hospitalisation de Benjamin ; donner son avis sur les traitements mis en oeuvre et les causes de son décès ; dire si les soins ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ; préciser si Benjamin a fait l'objet d'une infection au cours de son séjour en milieu hospitalier et si celle-ci présente un caractère nosocomial ;

3°- s'il était confirmé que Benjamin est décédé des suites d'une infection, déterminer avec précision si l'enfant était porteur d'une infection avant sa naissance, identifier le germe en cause et sa porte d'entrée, déterminer la date à laquelle l'enfant a été contaminé, dire si les thérapeutiques mises en oeuvre étaient susceptibles de complications infectieuses, dans l'affirmative, si cette infection présentait un caractère inévitable, dire si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ; dans la négative, dire quelle norme n'a pas été appliquée, enfin, dire si le décès de celui-ci est directement et exclusivement imputable à cette infection ; dans la négative, faire la part entre les conséquences de l'infection stricto sensu et l'évolution ;

4°- plus généralement, donner tous les éléments techniques permettant au juge d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues.

Article 3 : Après avoir prêté serment par écrit et conduit ses opérations conformément aux dispositions des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport en six exemplaires au plus tard le 31 décembre 2010.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au Centre hospitalier universitaire régional de Rouen, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre et à Mme le docteur D, es qualité d'expert.

Copie sera transmise au ministre de la santé et des sports.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 10DA00183
Date de la décision : 21/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-06-21;10da00183 ?
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