La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2010 | FRANCE | N°08DA00581

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 01 juillet 2010, 08DA00581


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 2 avril 2008 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 7 avril 2008, présentée pour la société PEINTURE NORMANDIE, dont le siège est 1 rue Léon Maletra à Rouen (76000), représentée par son président en exercice, par la société d'avocats Lanfry et Barrabé ; la société PEINTURE NORMANDIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702319 du 31 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordon

nance du 30 juillet 2007 du président du Tribunal liquidant et taxant les frais...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 2 avril 2008 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 7 avril 2008, présentée pour la société PEINTURE NORMANDIE, dont le siège est 1 rue Léon Maletra à Rouen (76000), représentée par son président en exercice, par la société d'avocats Lanfry et Barrabé ; la société PEINTURE NORMANDIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702319 du 31 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 30 juillet 2007 du président du Tribunal liquidant et taxant les frais et honoraires de l'expertise condiée à M. A à la somme de 12 134,67 euros toutes taxes comprises et les mettant à sa charge ;

2°) d'annuler cette ordonnance ;

Elle soutient que le jugement ne répond pas à ses conclusions ou les dénature ; que l'expertise a présenté une durée anormalement longue, M. A ayant été désigné par une ordonnance du 10 janvier 2003 et n'ayant remis son rapport que le 4 juin 2007 alors que, en particulier, le dossier ne présentait pas de complexité ; que cette durée est d'ailleurs contraire au principe du délai raisonnable de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour ce motif, l'expert n'a droit à aucune rémunération ; que l'expertise a été inutile dans la mesure où l'expert n'a pas rempli sa mission en ne produisant pas de note aux parties et en empêchant ainsi tout débat faute de faire connaître son point de vue alors qu'il ne pouvait lui être répondu après le dépôt du rapport ; qu'il n'a procédé à aucune évaluation chiffrée alors que sa mission l'exigeait et qu'il lui incombait de demander les justificatifs éventuels ; que ses réponses ne peuvent permettre de renseigner le juge ainsi que l'illustrent, par exemple, ses considérations sur l'exécution des travaux en l'absence de préchauffage qui ne reposent que sur des affirmations sans recherche, ni analyse ou celles sur les délais d'exécution, qui ne reposent pas sur une comparaison entre le planning contractuel et la réalité constatée faute de demander les documents nécessaires et de procéder aux calculs requis ; que la comparaison avec le rapport d'expertise de M. B confirme la durée anormale et les graves insuffisances de celui de M. A ;

Vu le jugement et l'ordonnance attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 août 2008 par télécopie et confirmé le 6 août 2008 par la production de l'original, présenté pour M. A ;

Vu la demande en régularisation adressée le 11 août 2008 par lettre recommandée avec accusé de réception à M. A afin qu'il régularise, conformément aux dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, son mémoire ;

Vu la mise en demeure adressée le 14 mai 2009 au garde des Sceaux, ministre de la justice, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2009, présenté pour la région de Haute-Normandie, représentée par le président de son conseil régional, par la SCP de Bézenac, Lamy, Mahiu, Alexandre qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société PEINTURE NORMANDIE de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que l'expertise demandée par la société requérante, et dont elle avait contesté l'utilité, constituait un moyen de pression de sa part pour obtenir une indemnisation ; que sa durée n'est pas imputable à l'expert, mais en particulier aux agissements de la société requérante qui a notamment déposé un nouveau dire le 13 novembre 2006 avec de nouvelles pièces ; qu'aucune disposition du code de justice administrative ne fait obligation à l'expert de produire des notes aux parties ou des notes d'étape alors même que M. A en a adressé une le 16 novembre 2006 ; que les parties ne sont pas saisies du délai laissé par l'expert pour instaurer un véritable débat ; que la qualité de l'expertise ne peut être débattue que devant le juge du fond à l'occasion de l'examen du litige principal ; que la société requérante n'a pas produit les justificatifs demandés lors de la réunion du 25 septembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 761-4 du code de justice administrative : La liquidation des dépens, y compris celle des frais et honoraires d'expertise définis à l'article R. 621-11, est faite par ordonnance du président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement ou, en cas de référé ou de constat d'urgence, du magistrat délégué ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 du même code : Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée ;

Considérant que, par un acte d'engagement notifié le 1er février 2001, la société PEINTURE NORMANDIE s'est vu confier par la région Haute-Normandie le lot n° 11 peinture , dans le cadre d'importants travaux de restructuration du lycée Aristide Briand d'Evreux (Eure) ; qu'à la suite de difficultés survenues dans le cadre de l'exécution de ce marché et du retard pris par le chantier, la région a prononcé la résiliation de ce marché le 3 février 2003 ; qu'entre temps, la société PEINTURE NORMANDIE a saisi en référé le Tribunal administratif de Rouen afin de désigner un expert avec pour mission de constater et décrire les conditions d'exécution de son marché et de donner un avis sur les surcoûts, les retards et divers préjudices qu'elle alléguait avoir subis ; que par une ordonnance en date du 10 janvier 2003 prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le président du Tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et désigné M. A comme expert avec pour mission de se rendre sur place au lycée en présence des parties, de prendre connaissance de tous les documents contractuels relatifs au marché conclu entre la région de Haute-Normandie et la société PEINTURE NORMANDIE ainsi que de tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, de constater et décrire les conditions d'exécution des prestations par cette société, notamment en ce qui concerne la réception des supports avant les travaux de peinture, la protection des ouvrages d'autres corps d'état, les dates de transmission des choix des teintes, le préchauffage et l'état d'avancement du chantier en indiquant s'il était conforme au planning contractuel, de donner un avis tant sur les contraintes techniques et climatiques rencontrées par la société PEINTURE NORMANDIE que sur les causes des retards du chantier ainsi que de fournir tous éléments de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction saisie au fond de statuer sur les responsabilités encourues ; que l'expert ayant remis son rapport le 4 juin 2007, le président du Tribunal a liquidé et taxé à la somme de 12 134,67 euros toutes taxes comprises le montant des frais et honoraires dus à ce dernier et a mis ceux-ci à la charge de la société PEINTURE NORMANDIE par une ordonnance en date du 30 juillet 2007 ; que la société, agissant sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, a alors sollicité l'annulation de cette ordonnance au Tribunal administratif de Rouen, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 31 janvier 2008 ; que la société PEINTURE NORMANDIE relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'il appartient au juge, dans le cadre d'un recours dirigé contre une ordonnance de liquidation et de taxation de frais d'expertise, d'apprécier si le rapport remis est conforme à l'expertise ordonnée et présente une utilité pour la résolution du litige ;

Considérant, d'une part, que la société PEINTURE NORMANDIE soutient que les opérations d'expertise ont présenté une durée anormalement longue que ne justifiait pas leur complexité ; que néanmoins, si l'expert n'a déposé son rapport que le 4 juin 2007, alors qu'un délai de trois mois lui avait été imparti par l'ordonnance du 10 janvier 2003, la société requérante ne se prévaut d'aucun préjudice résultant de cette durée et n'allègue pas plus que celle-ci aurait, par elle-même, affecté l'utilité de l'expertise ; qu'en outre, elle ne saurait utilement soutenir que M. A a remis son rapport dans un délai déraisonnable au regard des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'expert ne constitue pas un Tribunal au sens de ces stipulations ;

Considérant, d'autre part, que la société PEINTURE NORMANDIE soutient que l'expert n'a pas rempli l'intégralité de sa mission rendant son rapport inutile ; que, néanmoins, ni les termes de l'ordonnance du 10 janvier 2003, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ne faisait obligation à M. A d'adresser des notes aux parties au cours des opérations d'expertise ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'ensemble des parties, et en particulier la société requérante, ont pu présenter de nombreux dires et qu'elles ont été convoquées à chacune des réunions organisées par l'expert ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci aurait procédé à une analyse insuffisante des causes du préjudice lié au préchauffage ; que si la société PEINTURE NORMANDIE soutient qu'il n'a pas procédé au chiffrage de l'intégralité des préjudices allégués, omettant ainsi de chiffrer le coût lié à l'absence de carrelage, au transport de matériel de protection ainsi qu'au préchauffage au titre des contraintes climatiques, la mission confiée à M. A ne comportait pas explicitement d'obligations en ce sens alors même que la société PEINTURE NORMANDIE l'avait sollicité dans sa demande d'expertise ; qu'en revanche, il incombait à l'expert d'évaluer les retards dans le chantier dont la société requérante aurait subi les conséquences ainsi que leurs causes ; que, sur ce point, M. A n'a pas procédé à un calcul précis, s'abstenant, ainsi que le soutient la société PEINTURE NORMANDIE, de comparer les délais contractuels assignés aux lots précédents avec les délais effectifs, en particulier, à partir des calendriers d'exécution ; qu'il a de ce fait privé son expertise d'une grande partie de son utilité ; que, dans ces conditions, il y a lieu de ramener de 12 134,67 euros toutes taxes comprises à 6 067,34 euros la somme liquidée et taxée par le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PEINTURE NORMANDIE est seulement fondée à soutenir que, c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen n'a pas procédé à la réfaction de la moitié des honoraires de M. A liquidés et taxés 12 134,67 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance du 30 juillet 2007 de son président ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société PEINTURE NORMANDIE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 31 janvier 2008 est annulé.

Article 2 : La somme de 12 134,67 euros toutes taxes comprises liquidée et taxée par l'ordonnance du 30 juillet 2007 du président du Tribunal administratif de Rouen est ramenée à 6 067,34 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société PEINTURE NORMANDIE et de la région Haute-Normandie est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société PEINTURE NORMANDIE, à M. Philippe A, à la région de Haute-Normandie et au ministre de la justice et des libertés.

''

''

''

''

2

N°08DA00581


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LANFRY et BARRABE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 01/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00581
Numéro NOR : CETATEXT000022900640 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-07-01;08da00581 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award