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12/07/2010 | FRANCE | N°10DA00611

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des référés, 12 juillet 2010, 10DA00611


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 25 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour le PREFET DU PAS DE CALAIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1002286 du 3 mai 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Lille, statuant en référé, a rejeté son déféré tendant à ce que soit prononcée, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur leur légalité, la suspension de l'exécution, d'une part, de la délibération

du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en date du 22 octobre 2009...

Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 25 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour le PREFET DU PAS DE CALAIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1002286 du 3 mai 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Lille, statuant en référé, a rejeté son déféré tendant à ce que soit prononcée, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur leur légalité, la suspension de l'exécution, d'une part, de la délibération du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en date du 22 octobre 2009 autorisant son président à accorder aux personnels recrutés directement par l'agglomération, des bons d'achats et des chèques Lire et, d'autre part, de la délibération du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en date du 25 mars 2010 autorisant son président à suspendre la délibération du 22 octobre 2009 mentionnée ci-dessus pendant la négociation avec les services de l'Etat ;

2°) de faire droit au déféré présenté en première instance ;

Le PREFET DU PAS-DE-CALAIS soutient :

- qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne permet à une assemblée délibérante ou à son président de suspendre l'exécution d'une délibération ; qu'une assemblée délibérante peut seulement retirer un acte illégal, l'abroger ou le réformer ; qu'en règle générale, les actes de l'administration ont un caractère exécutoire, en vertu du privilège du préalable, qui s'oppose à ce que l'exécution de ceux-ci puisse être suspendue, même par leur auteur ; qu'ainsi, la délibération déférée du 25 mars 2010 est, pour ce motif et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, entachée d'illégalité ;

- que la délibération déférée du 22 octobre 2009 s'avère, quant à elle, entachée d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement du personnel ; qu'en effet, celle-ci établit une différence de traitement entre les agents recrutés directement par la Communauté d'agglomération du Calaisis et les agents transférés des communes membres de cet établissement public de coopération intercommunale vers celui-ci, sans que cette différence de traitement puisse trouver son fondement dans un texte législatif, ni ne corresponde à l'un des cas de dérogation reconnus par la jurisprudence ; que l'intérêt général ne saurait, en l'espèce, être invoqué pour justifier la mise en place d'un système d'attribution de bons d'achats et de chèques Lire en faveur des seuls agents recrutés directement, ceci dans le but de leur garantir un niveau de régime indemnitaire équivalent à celui dont bénéficiaient les agents transférés d'une commune membre ; que le premier juge ne s'est pas prononcé sur ce point ;

- que cette même délibération consiste, en outre, à créer, compte tenu des montants élevés versés en bons d'achats dans certaines des situations prévues, un complément de rémunération illégal ;

- qu'à supposer que l'octroi de bons d'achats et de chèques Lire puisse être assimilée, dans certaines des situations d'attribution prévues par ladite délibération, à une prestation d'action sociale, l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que le bénéfice de l'action sociale implique une participation du bénéficiaire à la dépense engagée et que cette participation tienne compte de son revenu et, le cas échéant, de sa situation familiale ; que le conseil communautaire n'a pas, en l'espèce, tenu compte de ces critères ;

- que l'ensemble de ces moyens est, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, propre à créer un doute sérieux sur la légalité des délibérations déférées ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2010 par télécopie au greffe de la Cour et régularisé le 14 juin 2010 par la production de l'original, présenté pour la Communauté d'agglomération du Calaisis, dont le siège est 76 boulevard Gambetta à Calais (62101) Cedex, représentée par son président en exercice, par la SCP Savoye-Daval ; la Communauté d'agglomération du Calaisis conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Communauté d'agglomération du Calaisis soutient :

- qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait au conseil communautaire d'autoriser, par une délibération du 25 mars 2010, le président à suspendre l'exécution de sa précédente délibération du 22 octobre 2009 ; que le principe du privilège du préalable, qui n'interdit pas en lui-même à une autorité administrative de différer l'exécution d'une décision, n'a pas en l'espèce été méconnu ; que les mesures de suspension administrative ne sont pas proscrites lorsqu'elles ne s'appliquent pas à une décision créatrice de droits ; que la délibération du 22 octobre 2009 n'étant pas constitutive d'une décision créatrice de droits, le conseil communautaire était fondé à autoriser l'exécutif communautaire à en suspendre l'exécution ;

- qu'ainsi que l'a justement estimé le premier juge, l'exécution de la délibération du

22 octobre 2009 ayant été suspendue en vertu de la délibération du 25 mars 2010 pour une durée indéterminée, le préfet était irrecevable à en demander de nouveau la suspension de l'exécution au juge des référés, cette demande étant dépourvue d'objet ; que le premier juge n'était pas tenu, dans ces conditions, de répondre au moyen tiré de la rupture de l'égalité entre agents ; que la requête du préfet révèle un acharnement inutile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;

A l'audience publique, qui s'est ouverte le 30 juin 2010 à 10 heures 30, aucune des parties n'étant présente, ni représentée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés. ; qu'aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoient les articles L. 554-1 et-2 du code de justice administrative : Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article

L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. / (...) ;

Considérant que, dans le but, selon ses propres termes, de rétablir une égalité de traitement entre ses agents, quel que soit leur mode de recrutement, la Communauté d'agglomération du Calaisis a souhaité instaurer au profit de ses seuls personnels recrutés directement, sous réserve de remplir cumulativement deux autres conditions tenant à leur situation statutaire, un dispositif d'attribution de bons d'achats et de chèques Lire à l'occasion d'un départ en retraite, d'un mariage ou d'un PACS, de la rentrée scolaire ou de l'inscription en année d'études supérieures d'un enfant, une modulation de la somme représentative de ces bons et chèques étant fixée pour chacun de ces évènements ; que, par délibération P1 en date du

22 octobre 2009, le conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis a approuvé ce dispositif et autorisé son président à le mettre en oeuvre en concluant les conventions nécessaires ; que, par lettre du 11 décembre 2009, le sous-préfet de Calais a fait connaître au président dudit établissement de coopération intercommunale les observations qu'appelait de sa part cette délibération au titre du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et lui a demandé d'inviter le conseil communautaire à prononcer le retrait de celle-ci, au motif qu'elle instaurait, dans des conditions ne garantissant pas le respect du principe d'égalité de traitement du personnel, un complément de rémunération ne reposant sur aucun fondement légal ; que cette analyse a été confirmée, après nouvel examen, par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS le 22 janvier 2010 ; que, par une nouvelle délibération, en date du

25 mars 2010, le conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis autorise Monsieur le président à suspendre la délibération P1 du conseil communautaire du 22 octobre 2009, pendant la négociation avec les services de l'Etat ; que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a déféré ces deux délibérations au Tribunal administratif de Lille et a assorti ce déféré d'une demande tendant à la suspension de l'exécution desdits actes jusqu'à ce que la juridiction statue au fond sur leur légalité ; que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS forme appel de l'ordonnance en date du 3 mai 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Lille, statuant en référé, a rejeté cette demande ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 25 mars 2010 :

Considérant qu'il résulte de l'examen de ladite délibération que, par celle-ci, le conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis a autorisé, son président à suspendre l'exécution de la délibération précitée du 22 octobre 2009 pour permettre la poursuite des discussions avec les services de l'Etat ; qu'ainsi le conseil, sans décider lui-même de suspendre l'exécution de sa précédente délibération, ce qu'aucun texte ne l'autorisait au demeurant à faire, a entendu conférer au président de la Communauté d'agglomération du Calaisis, de manière inconditionnelle, un tel pouvoir, en lui laissant toute latitude pour apprécier l'opportunité d'en faire usage ; qu'ainsi et eu égard aux termes dans lesquels ladite délibération est rédigée, le moyen, invoqué par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS, tiré de ce qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait à l'assemblée délibérante ou à son président de suspendre ainsi l'exécution de la délibération du 25 mars 2010 apparaît, en l'état de l'instruction et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de ladite délibération, dont il y a lieu, dès lors, de suspendre l'exécution jusqu'à ce qu'il soit statué par le juge du fond sur sa légalité ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du

22 octobre 2009 :

Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit et dès lors que la délibération du 25 mars 2010 n'a pu, par elle-même, avoir pour effet de priver la délibération du 22 octobre 2009 de son caractère exécutoire, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de cette dernière n'étaient pas, en l'état de l'instruction, dépourvues d'objet à la date à laquelle elles ont été enregistrées au greffe du Tribunal ; que, dès lors, le président du Tribunal administratif de Lille s'est fondé à tort sur le motif tiré de leur irrecevabilité pour les rejeter ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS devant le président du Tribunal administratif de Lille et dirigées contre la délibération du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en date du 22 octobre 2009 ;

Considérant que ladite délibération du 22 octobre 2009 autorise, ainsi qu'il a été dit, le président de la Communauté d'agglomération du Calaisis à prendre les mesures nécessaires à l'instauration, au bénéfice des seuls agents recrutés directement par ledit établissement public de coopération intercommunale, d'un dispositif d'octroi de bons d'achats et de chèques Lire à l'occasion d'évènements limitativement énumérés ; que, si, dans les motifs de ladite délibération, la Communauté d'agglomération du Calaisis a mentionné, pour justifier cette différence de traitement entre ces agents et ceux qui ont été transférés des effectifs des communes membres, que ce dispositif aurait pour objet de corriger une inégalité préexistante préjudiciant aux agents qu'elle a recrutés directement, elle n'apporte aucun élément de nature à corroborer cette assertion ; que, dans ces conditions, le moyen, invoqué par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS, tiré de ce que ladite délibération du 22 octobre 2009 est entachée d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement des agents publics employés par la Communauté d'agglomération du Calaisis, apparaît, à lui seul en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de ladite délibération du 22 octobre 2009, dont il y a lieu, dès lors, de suspendre l'exécution jusqu'à ce qu'il soit statué par le juge du fond sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Lille, statuant en référé, a rejeté sa demande, tendant à la suspension de l'exécution des délibérations du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en dates des 22 octobre 2009 et 25 mars 2010 relatives à l'instauration d'un dispositif d'attribution de bons d'achats et de chèques Lire à certains des membres du personnel communautaire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que la Communauté d'agglomération du Calaisis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er: L'ordonnance n°1002286 du président du Tribunal administratif de Lille en date du 3 mai 2010 est annulée.

Article 2 : L'exécution des délibérations du conseil de la Communauté d'agglomération du Calaisis en dates des 22 octobre 2009 et 25 mars 2010 relatives à l'instauration d'un dispositif d'attribution de bons d'achats et de chèques Lire à certains des membres du personnel communautaire est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur leur légalité.

Article 3 : Les conclusions de la Communauté d'agglomération du Calaisis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au PREFET DU PAS DE CALAIS, ainsi qu'à la Communauté d'agglomération du Calaisis.

Copie sera transmise au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 10DA00611
Date de la décision : 12/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard Foucher
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-07-12;10da00611 ?
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