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06/08/2010 | FRANCE | N°08DA01447

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 août 2010, 08DA01447


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA SODILYS, dont le siège social est situé avenue des Aulnes à La Gorgue (59253), par Me Lelièvre ; la SA SODILYS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0501539 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) d

e prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à ...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA SODILYS, dont le siège social est situé avenue des Aulnes à La Gorgue (59253), par Me Lelièvre ; la SA SODILYS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0501539 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la taxe sur les achats de viande en vigueur depuis le 1er janvier 2001 devait être analysée comme la modification d'une taxe existante ; qu'à ce titre, cette modification aurait dû être notifiée à la commission en application de l'article 88 paragraphe 3 du traité de la Communauté européenne ; que la décision de la commission du 14 décembre 2004 n'a pas eu pour effet de purger de cette irrégularité le régime de la taxe en vigueur depuis 2001 ; que nonobstant la modification de la taxe par l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, le CNASEA a conservé son rôle d'organisme payeur pour le service public de l'équarrissage et les opérations d'élimination des déchets ce qui tend à prouver que la désaffectation budgétaire du produit de la taxe n'est qu'apparente ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête aux motifs qu'elle est irrecevable en ce qui concerne la taxe acquittée pour 2001 dès lors que la réclamation présentée le 27 septembre 2004 était tardive ; qu'il n'existe plus depuis le 1er janvier 2001 de lien contraignant entre le service public de l'équarrissage et la taxe sur les achats de viande ; que le principe de non affectation qui régit le budget de l'Etat s'y oppose ; qu'il n'y avait par suite pas lieu de notifier le nouveau régime législatif de la taxe sur les achats de viande à la commission comme prévu par l'article 88 paragraphe 3 du traité de l'Union européenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2008, présenté pour la SA SODILYS, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient au surplus que la décision de la commission du 5 juillet 2005 n'a pu avoir d'effet rétroactif et valider le dispositif en place depuis 2001 ; que les débats parlementaires permettent d'éclairer le sens du régime de la taxe depuis 2001 ; qu'il incombe à la Cour de demander à l'Etat de produire le bilan détaillé du service public de l'équarrissage pour le comparer avec la comptabilité distincte du fonds qui devait être faite sous le régime précédent et démontrer que le lien contraignant entre la taxe et le service a perduré malgré l'apparence créée ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2009, présenté pour la SA SODILYS, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la théorie de l'estoppel s'oppose à ce que le service puisse, dans l'instance, soutenir une position différente de celle prise par le ministre du budget le 17 octobre 2003 au cours des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi qui a abrogé le régime de la taxe sur les viandes, qui a indiqué que cette abrogation répondait à la nécessité de se conformer au droit communautaire ;

Vu l'ordonnance en date du 16 octobre 2009 fixant la clôture de l'instruction au 16 décembre 2009 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que le Conseil d'Etat a jugé le 27 juillet 2009 que la taxe sur les achats de viande dans son régime applicable depuis 2001 est conforme au droit communautaire et notamment aux articles 87 et 88 du traité de la communauté européenne ; que la position exprimée par le ministre avait pour origine l'avis de la commission du 14 décembre 2004 qui indiquait que le dispositif d'exonération des petites entreprises était une aide d'Etat ; que le principe de l'estoppel n'est pas une règle de droit interne et ne peut être opposé à l'Etat compte tenu de sa position puisqu'il agit dans l'intérêt général ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, la position du ministre invoquée par la requérante a eu lieu en dehors du cadre de l'instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes devenue Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en second lieu, que la requérante ne peut utilement soutenir que le principe dit de l'estoppel, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui , s'oppose à ce qu'au cours de l'instance, l'administration fiscale puisse, en contradiction avec les propos du ministre délégué au budget tenus le 17 octobre 2003 à l'Assemblée nationale au cours des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi supprimant la taxe sur les achats de viande et instaurant une taxe d'abattage, soutenir que la taxe en litige n'était pas contraire au droit communautaire ; qu'au surplus, et en tout état de cause, ce principe ne trouverait pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors que le ministre délégué au budget a pris la position opposée par la requérante en dehors de la présente instance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SODILYS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SA SODILYS doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA SODILYS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SODILYS et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01447


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS VAUBAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 06/08/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA01447
Numéro NOR : CETATEXT000022900698 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-08-06;08da01447 ?
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