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06/08/2010 | FRANCE | N°08DA01625

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 août 2010, 08DA01625


Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA LURESSE, dont le siège social est situé 5 Route Nationale à Quaedypre (59380), par Me Lelièvre ; la SA LURESSE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0503259 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°)

de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à...

Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA LURESSE, dont le siège social est situé 5 Route Nationale à Quaedypre (59380), par Me Lelièvre ; la SA LURESSE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0503259 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le service ne pouvait retirer sa décision de dégrèvement du 17 août 2004 ; que dès lors que le directeur avait admis le bien-fondé de la réclamation du 17 mai 2004, en application d'ailleurs d'une note du 6 janvier 2004 du service juridique de la direction générale des impôts, le retrait de cette décision prononcé le 8 avril 2005 est contraire aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique édictés par la Cour de justice des communautés européennes ; que la taxe sur les achats de viande en vigueur depuis le 1er janvier 2001 devait être analysée comme la modification d'une taxe existante ; qu'à ce titre, cette modification aurait dû être notifiée à la commission en application de l'article 88 paragraphe 3 du traité de la Communauté européenne ; que la décision de la commission du 14 décembre 2004 n'a pas eu pour effet de purger de cette irrégularité le régime de la taxe en vigueur depuis 2001 ; que nonobstant la modification de la taxe par l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, le CNASEA a conservé son rôle d'organisme payeur pour le service public de l'équarrissage et les opérations d'élimination des déchets ce qui tend à prouver que la désaffectation budgétaire du produit de la taxe n'est qu'apparente ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête aux motifs qu'elle est irrecevable en ce qui concerne la taxe acquittée pour 2001 dès lors que la réclamation présentée le 17 mai 2004 était tardive ; que l'administration était en droit de rapporter une décision de dégrèvement qu'elle a in fine considérée comme illégale, la décision de dégrèvement ne pouvant lui être opposée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que pour ce faire, l'administration n'était pas tenue de suivre la procédure de reprise prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ; qu'elle avait pour seule obligation de notifier au contribuable la persistance de son intention de l'imposer ; que l'avis de dégrèvement n'a constitué aucun droit acquis au profit de la contribuable ; que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime n'ont pas été méconnus dès lors qu'il n'y avait aucune espérance fondée de récupérer la taxe versée ; qu'en tout état de cause, ces principes ne peuvent être utilement invoqués vis-à-vis des règles de la procédure d'imposition ; qu'il n'existe plus depuis le 1er janvier 2001 de lien contraignant entre le service public de l'équarrissage et la taxe sur les achats de viande ; que le principe de non affectation qui régit le budget de l'Etat s'y oppose ; qu'il n'y avait par suite pas lieu de notifier le nouveau régime législatif de la taxe sur les achats de viande à la commission comme prévu par l'article 88 paragraphe 3 du traité de l'Union européenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté pour la SA LURESSE, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient au surplus que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui s'oppose à ce que le service retire sa décision de dégrèvement ; qu'en annulant sa décision de dégrèvement, l'administration a porté atteinte aux biens de la société LURESSE en violation de l'article 1er du premier protocole à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de la commission du 5 juillet 2005 n'a pu avoir d'effet rétroactif et valider le dispositif en place depuis 2001 ; que les débats parlementaires permettent d'éclairer le sens du régime de la taxe depuis 2001 ; qu'il incombe à la Cour de demander à l'Etat de produire le bilan détaillé du service public de l'équarrissage pour le comparer avec la comptabilité distincte du fonds qui devait être faite sous le régime précédent et démontrer que le lien contraignant entre la taxe et le service a perduré malgré l'apparence créée ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2009, présenté pour la SA LURESSE, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la théorie de l'estoppel s'oppose à ce que le service puisse, dans l'instance, soutenir une position différente de celle prise par le ministre du budget le 17 octobre 2003 au cours des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi qui a abrogé le régime de la taxe sur les viandes, qui a indiqué que cette abrogation répondait à la nécessité de se conformer au droit communautaire ;

Vu l'ordonnance en date du 22 octobre 2009 fixant la clôture de l'instruction au 22 décembre 2009 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que le Conseil d'Etat a jugé le 27 juillet 2009 que la taxe sur les achats de viande dans son régime applicable depuis 2001 est conforme au droit communautaire et notamment aux articles 87 et 88 du traité de la communauté européenne ; que la position exprimée par le ministre avait pour origine l'avis de la commission du 14 décembre 2004 qui indiquait que le dispositif d'exonération des petites entreprises était une aide d'Etat ; que le principe de l'estoppel n'est pas une règle de droit interne et ne peut être opposé à l'Etat compte tenu de sa position puisqu'il agit dans l'intérêt général ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, la position du ministre invoquée par la requérante a eu lieu en dehors du cadre de l'instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2009, présenté pour la SA LURESSE, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que le service ne pouvait valablement remettre en cause le dégrèvement prononcé le 17 août 2004 sans engager une procédure de redressement contradictoire ou émettre un nouveau titre de nature à fonder la créance fiscale ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2010, après clôture, présenté pour la SA LURESSE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ; qu'il résulte de l'instruction que la société LURESSE a présenté, pour la première fois, le 17 mai 2004, une réclamation portant sur la taxe sur les achats de viande acquittée pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2001, soit au-delà du délai de réclamation prévu par le b de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales ; que l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 20 novembre 2003 statuant dans un litige concernant la taxe sur les achats de viande dans son régime applicable jusqu'au 31 décembre 2000 n'a pu constituer l'évènement prévu au c du même article de nature à rouvrir ce délai pour une même durée ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre tirée de ce que la réclamation préalable de la société requérante était tardive en ce qui concerne la taxe sur les achats de viande versée au cours de l'année 2001 doit être accueillie ; que les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande versée au cours de l'année 2001 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que la société requérante est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée du vice-président du Tribunal administratif de Lille est entachée d'une omission à statuer dès lors que celle-ci ne s'est pas prononcée sur le moyen tiré de l'irrégularité du retrait de la décision de dégrèvement du 17 août 2004, présenté par la société dans son mémoire enregistré le 27 mai 2005 ; qu'ainsi, l'ordonnance n° 0503259 du vice-président du Tribunal administratif de Lille du 26 juin 2008 doit être annulée pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA LURESSE devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes devenue Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en second lieu, que la requérante ne peut utilement soutenir que le principe dit de l'estoppel, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui , s'oppose à ce qu'au cours de l'instance, l'administration fiscale puisse, en contradiction avec les propos du ministre délégué au budget tenus le 17 octobre 2003 à l'Assemblée nationale au cours des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi supprimant la taxe sur les achats de viande et instaurant une taxe d'abattage, soutenir que la taxe en litige n'était pas contraire au droit communautaire ; qu'au surplus, et en tout état de cause, ce principe ne trouverait pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors que le ministre délégué au budget a pris la position opposée par la requérante en dehors de la présente instance ;

En ce qui concerne le dégrèvement accordé le 17 août 2004 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par décision du 17 août 2004, l'administration fiscale a accordé à la SA LURESSE le dégrèvement des impositions à la taxe sur les achats de viande en litige, puis que par décision du 8 avril 2005, elle a retiré cette décision de dégrèvement ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant rétabli les impositions primitives faisant l'objet du litige ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances ou les erreurs d'impositions, peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf disposition contraire du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article L. 176 de ce livre : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration est en droit, jusqu'à l'expiration du délai de reprise, de rapporter une décision erronée de restitution d'une imposition spontanément acquittée par le contribuable, ou, dans le même délai, de demander reconventionnellement au juge de l'impôt, saisi par le contribuable, de rétablir cette imposition ; que, par suite, en l'espèce, l'administration a pu régulièrement retirer, le 8 avril 2005 sa décision du 17 août 2004 portant dégrèvement de la taxe acquittée, dans la mesure où elle l'a fait avant l'expiration du délai de reprise ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant que si, à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens des stipulations du premier alinéa de l'article premier précité, une telle espérance légitime ne saurait être qualifiée comme telle qu'à la condition que la créance s'y rapportant ait une base suffisante en droit interne ;

Considérant, à cet égard et d'une part, que la taxe sur les achats de viande dont la requérante demande la restitution a été établie et acquittée conformément aux dispositions de la loi nationale figurant à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2001 ; qu'ainsi qu'il est dit ci-avant, cette loi ne méconnaît aucune règle de droit communautaire ; qu'il n'existe, en particulier, aucune jurisprudence bien établie dont il ressortirait que cette loi serait contraire à une quelconque norme de rang supérieur à la loi ; qu'il résulte, en outre, des termes mêmes des stipulations du second alinéa de l'article 1er précité que celles du premier alinéa ne portent pas atteinte au droit des Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2001, est au nombre de ces lois ;

Considérant, d'autre part, que la règle selon laquelle une décision erronée de dégrèvement ou de restitution d'une imposition peut être rapportée par l'administration dans la limite du délai de reprise fixé par la loi est énoncée, de façon constante et ancienne, par une jurisprudence bien établie ; qu'elle résulte, dès lors, de la loi elle-même relative au délai de reprise ; que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à l'application des délais de reprise préalablement fixés par la loi et, par suite, ne font pas obstacle à ce qu'une décision de restitution erronée et non exécutée soit rapportée dans le délai de reprise fixée par la loi ; que le destinataire d'une telle décision ne peut donc, avant l'échéance du délai de reprise, se prévaloir d'une certitude raisonnable qu'elle ne sera pas rapportée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute pour la créance de restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre d'une période postérieure au 31 décembre 2000 de posséder une base suffisante en droit interne, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'une espérance légitime, au sens des stipulations précitées, d'obtenir une telle restitution ; qu'elle ne peut ainsi utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la SA LURESSE n'est en tout état de cause, pas fondée à invoquer devant une juridiction française, pour écarter l'application des dispositions du livre des procédures fiscales relatives au droit de reprise de l'administration, les principes du droit communautaire, tels que le principe de confiance légitime, dès lors que la matière de la procédure fiscale est uniquement régie par le droit interne et ne relève pas, par suite, d'une réglementation communautaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que la requérante ne peut utilement soutenir que le principe dit de l'estoppel, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui , s'oppose à ce qu'au cours de la même instance, l'administration fiscale puisse, dans un premier temps, considérer que la taxe sur les achats de viande est contraire au droit communautaire et décider d'accorder le dégrèvement de l'imposition en litige, puis, dans un second temps, soutenir qu'en définitive la taxe est conforme à ce droit et procéder au retrait de sa décision de dégrèvement ;

Considérant, en cinquième lieu, que dès lors que l'administration a procédé au retrait de sa décision de dégrèvement dans le respect du droit de reprise prévu par la loi fiscale, la requérante ne peut utilement soulever le moyen tiré de ce que sa décision a méconnu le principe de sécurité juridique ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61A. ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'ainsi qu'il a été dit avant, en l'espèce, l'administration n'a procédé à aucune rectification des déclarations du contribuable mais s'est bornée à rétablir l'imposition primitivement établie ; qu'ainsi, la requérante ne peut utilement soutenir que l'administration ne pouvait procéder à ce rétablissement après dégrèvement qu'en respectant les règles de la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dans sa version antérieure au 31 décembre 2005 : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le paiement de la taxe sur les achats de viande en litige avait été effectué à la date d'exigibilité par la contribuable ; que malgré la décision de dégrèvement du 17 août 2004, l'administration n'a pas procédé au remboursement effectif des sommes en cause avant le retrait de celle-ci ; qu'ainsi, il n'y avait nul besoin, pour l'administration, après le retrait de la décision de dégrèvement, de mettre à nouveau en recouvrement les impositions contestées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SA LURESSE doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SA LURESSE doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0503259 du vice-président du Tribunal administratif de Lille du 26 juin 2008 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SA LURESSE devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA LURESSE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01625
Date de la décision : 06/08/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS VAUBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-08-06;08da01625 ?
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