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05/10/2010 | FRANCE | N°10DA00263

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 05 octobre 2010, 10DA00263


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 5 mars 2010, présentée pour M. Samuel Arnaud A, demeurant ..., par Me Thiéffry ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905484 du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 20 octobre 2008 rejetant sa demande d'octroi d'une carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français et

fixant le Cameroun comme pays de destination de cette mesure d'éloignement...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 5 mars 2010, présentée pour M. Samuel Arnaud A, demeurant ..., par Me Thiéffry ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905484 du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 20 octobre 2008 rejetant sa demande d'octroi d'une carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le Cameroun comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, à un nouvel examen de sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 905 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en droit dès lors qu'il ne se réfère pas à la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994 ; que le préfet a commis une erreur de droit en fondant son refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant sur le seul défaut de détention d'un visa de long séjour ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est jeune majeur, qu'il est entré en France le 24 décembre 2004, qu'y séjournent son père avec son demi-frère et sa

demi-soeur, ses cousins et oncles, dont un l'héberge, qu'il est parfaitement intégré, poursuivait des études en vue de l'obtention de son baccalauréat et dispose en France du centre de ses intérêts scolaires, sportifs et familiaux ; que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 en lui refusant, pour un motif au demeurant erroné, une carte de séjour portant la mention étudiant alors qu'il justifie de moyens d'existence suffisants, est inscrit dans un établissement d'enseignement et poursuit des études réelles et sérieuses ; que l'obligation de quitter le territoire qui lui a été signifiée est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi d'un titre de séjour ; qu'en outre, et pour les mêmes motifs que ceux déjà évoqués à l'encontre du refus d'admission au séjour, l'obligation de quitter le territoire français est empreinte d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est entachée, par voie d'exception, d'illégalité ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision du 18 janvier 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2010, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que sa décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; que M. A est célibataire et sans enfant, qu'il ne réside pas chez son père et dispose au Cameroun, où séjourne sa mère, d'attaches familiales ; qu'ainsi, aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. A n'a été commise, pas plus qu'auraient été méconnues les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le requérant, qui, à la date d'édiction de la décision attaquée, ne poursuivait pas d'études supérieures et ne disposait pas d'un visa de long séjour, ne pouvait pas prétendre à l'octroi d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; que M. A n'est pas fondé, compte tenu de ce qui précède, à se prévaloir de ce que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ; que l'exception d'illégalité invoquée contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ne pourra qu'être écartée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant camerounais, relève appel du jugement n° 0905484 en date du 8 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 20 octobre 2008 rejetant sa demande d'octroi d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il est constant que M. A est entré en France le 24 décembre 2004, à l'âge de 14 ans, qu'il a été scolarisé dès l'année scolaire 2004-2005 aux lycées professionnels de Loos puis de Lomme, et qu'il était ainsi présent sur le territoire national depuis une durée de 4 ans à la date de la décision de refus de séjour attaquée ; que, si sa mère vit encore au Cameroun, son père réside régulièrement en France avec son demi-frère et sa demi-soeur ; que si, scolarisé en qualité d'interne, il n'habite pas chez son père, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il passe toutes ses vacances scolaires auprès de ce dernier ; que M. A entretient également des liens étroits avec l'un de ses oncles, chez qui il côtoie son cousin et sa cousine et avec lesquels il s'adonne à la pratique régulière du judo ; qu'après avoir obtenu en juin 2007 son brevet d'études professionnelles, il a intégré à Lomme une classe de première technique mention STI , a participé à l'organisation du Téléthon et a d'ailleurs obtenu en juin 2009, soit postérieurement à la date de la décision attaquée et alors qu'il était délégué suppléant de sa classe, son baccalauréat technique ; qu'il ressort également des pièces du dossier, notamment de la centaine de témoignages circonstanciés émanant de ses professeurs, du personnel administratif des établissements d'enseignement qu'il a fréquentés, de ses camarades de classes, de parents de ces derniers ainsi que d'amis et de membres de sa famille résidant en France, que M. A a fait preuve d'une réelle insertion dans la société française et qu'il y a constitué l'essentiel de ses attaches ; que, dans ces conditions, nonobstant l'irrégularité du séjour en France du requérant et eu égard à la durée, significative pour son jeune âge, de sa présence en France, le préfet du Nord, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ; que M. A est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 911-3 du même code dispose que : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2008 implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet du Nord délivre à M. A, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre (...) ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me Thiéffry, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation au versement de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0905484 du Tribunal administratif de Lille du 8 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet du Nord a refusé d'admettre M. A au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le Cameroun comme pays de destination de cette mesure d'éloignement est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, dans le délai de deux mois, de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale .

Article 4 : L'Etat versera à Me Thiéffry la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que l'intéressé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Samuel Arnaud A, au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA00263
Date de la décision : 05/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-10-05;10da00263 ?
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