La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2010 | FRANCE | N°10DA00207

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 28 octobre 2010, 10DA00207


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Cherifa A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902882 du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2009 du préfet de l'Eure en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, dans

cette mesure, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivre...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Cherifa A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902882 du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2009 du préfet de l'Eure en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, dans cette mesure, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un certificat de résidence algérien temporaire valable un an, portant la mention vie privée et familiale , dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de la Selarl Eden Avocats la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement valant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Mme A soutient que le refus de titre de séjour est illégal dès lors que le médecin inspecteur de santé publique n'a pas justifié son changement de position dans son dernier avis du 18 août 2009 s'agissant de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de sa prise en charge médicale et de la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine ; que le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis de ce médecin ; que le refus de titre est contraire aux stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 compte tenu de ce qu'elle est atteinte d'une leucémie qui nécessite plus qu'une surveillance particulière car elle continue de suivre une chimiothérapie, a été hospitalisée au mois d'octobre 2009 et a de fréquents rendez-vous médicaux alors que le médicament qui lui est prescrit, le pentacarinat, n'est pas disponible en Algérie ainsi qu'elle l'atteste et qu'elle est née à Kaous, qui se situe à 350 kms d'Alger et à 160 kms de Constantine où se situent les seuls hôpitaux pratiquant une chimiothérapie, sans qu'un déplacement n'y soit possible pour elle du fait de son âge et de son état d'amaigrissement ; que le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'impossibilité pour elle d'être soignée en Algérie et de la présence en France de sa fille alors qu'elle est veuve ; que le refus de séjour est également contraire aux stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en ce qu'il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, compte tenu notamment de son état de santé, des soins qu'il appelle, de son âge de 77 ans et de ce que, veuve, elle a une fille, un gendre et une petite-fille de nationalité française ; que la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; qu'elle est contraire aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à son état de santé appelant des soins dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans pouvoir bénéficier du traitement approprié en Algérie ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 10 mai 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2010, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que l'avis du médecin inspecteur de santé publique est suffisamment motivé ; que l'état de santé de l'intéressée s'est amélioré ; que la circonstance que deux avis antérieurs aient été favorables ne rendent pas irrégulier un avis défavorable ultérieur ; que l'avis du médecin indique également que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il a procédé à une étude particulière de la situation de Mme A ; qu'il ne s'est pas considéré lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique qui n'est pas un avis conforme ; que l'intéressée peut être soignée dans son pays d'origine sans qu'ait une incidence la circonstance qu'elle soit née dans une ville éloignée des hôpitaux adaptés à proximité desquels elle peut s'installer ; qu'elle a vécu sans sa fille française jusqu'au mois de septembre 2008 et les autorités consulaires en Algérie ont précisé qu'elle n'était pas isolée en Algérie où elle a déclaré avoir six de ses enfants et où elle justifie de très bonnes ressources ; que ni son âge, ni son poids ne font obstacles à son retour en Algérie, le médecin inspecteur de santé publique ayant estimé qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; que sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale ; que, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ; que la mesure d'éloignement n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, notamment, que le médecin inspecteur de santé publique a considéré que l'état de santé de Mme A lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine où elle pourra bénéficier d'un traitement approprié ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A, ressortissante algérienne, née en 1932, est entrée en France le 13 septembre 2008, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen d'une durée de validité de trois mois afin, selon ses déclarations, de rendre visite à sa fille de nationalité française ; que, souffrant toutefois de graves problèmes de santé, elle s'est vu délivrer par le préfet de l'Eure deux autorisations provisoires de séjour du 14 octobre 2008 au 13 avril 2009 puis un certificat de résidence d'une durée de six mois valable du 13 mars 2009 au 13 septembre 2009 ; que, par un arrêté en date du 23 septembre 2009, le préfet de l'Eure a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé son pays de renvoi d'office passé ce délai ; que Mme A relève appel du jugement du 7 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux premières de ces décisions ;

Considérant, en premier lieu, que le médecin inspecteur de santé publique n'était pas tenu de motiver spécialement le troisième avis rendu le 18 août 2009 contrairement aux deux premiers des 14 octobre 2008 et 13 mars 2009, sur le cas de Mme A et d'indiquer en quoi le défaut de prise en charge médicale ne devrait plus entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée et en quoi le traitement médical requis par l'état de santé de celle-ci serait désormais disponible en Algérie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de l'arrêté du 23 septembre 2009, que le préfet de l'Eure se serait senti lié par l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique pour refuser le titre de séjour sollicité ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ;

Considérant que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Eure doit être regardé comme ayant considéré, conformément au dernier avis émis par le médecin inspecteur de santé publique, que si l'état de santé de Mme A nécessitait une prise en charge médicale, l'intéressée pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du Docteur B du service oncologie du centre hospitalier d'Evreux en date du 8 octobre 2009, que la requérante a été suivie à compter du mois de décembre 2008 pour une leucémie lymphoïde chronique pour laquelle elle a bénéficié d'un traitement induisant une rémission complète , lequel a toutefois entraîné une immuno-déficience profonde nécessitant un suivi spécialisé permanent comportant, notamment un traitement par pentacarinat tous les mois ; qu'elle souffre, par ailleurs, de toux et d'hyperthermie ; que, néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des certificats médicaux produits, que le défaut de prise en charge médicale de Mme A serait susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le médecin inspecteur de santé publique faisant, au contraire, état d'une absence de telles conséquences dans son avis du 18 août 2009 ainsi qu'il a été dit ; que, dans ces conditions, les seules circonstances, à les supposer même établies, que son traitement par pentacarinat ne serait pas disponible en Algérie et que Mme A serait originaire d'une région éloignée des structures médicales appropriées sont sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord

franco-algérien susvisé doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant que si Mme A se prévaut de sa qualité de veuve et de la présence en France de sa fille ainsi que de son gendre, tous deux de nationalité française, et de sa petite-fille, qu'elle est venue rejoindre, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est pas isolée en Algérie, où elle a vécu jusqu'au mois de septembre 2008, où résident six de ses sept enfants et où elle dispose de ressources financières suffisantes ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le refus de séjour attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels il a été pris ; que, dès lors, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant, en cinquième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être indiqué, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour que le préfet lui a opposé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que, pour les mêmes motifs que ceux déjà énoncés, la mesure d'éloignement contestée n'a pas méconnu ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Cherifa A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

''

''

''

''

N°10DA00207 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00207
Date de la décision : 28/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-10-28;10da00207 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award