La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2010 | FRANCE | N°10DA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 novembre 2010, 10DA00715


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 21 juin 2010, présentée pour Mme Hasnaa A née B, demeurant ..., par Me Cotta, avocat ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000213 du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 30 novembre 2009, du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer une carte de résident, l'obligeant à quitter le territoire frança

is et fixant le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui dé...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 21 juin 2010, présentée pour Mme Hasnaa A née B, demeurant ..., par Me Cotta, avocat ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000213 du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 30 novembre 2009, du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer une carte de résident, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, sous astreinte, une carte de résident ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la motivation de la décision attaquée est insuffisante et stéréotypée ;

- que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que sa situation personnelle et réelle n'a pas été prise en compte ; qu'elle a noué de véritables attaches familiales, personnelles et professionnelles ; que sa présence au Maroc au cours des années 2007 et 2008 s'explique par le fait qu'elle rendait visite à sa mère et à sa grand-mère, toutes deux souffrantes ; que ces déplacements se faisaient en accord avec son mari, qui ne pouvait pas l'accompagner ;

- que le Tribunal a méconnu les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2010, présenté par le préfet du

Pas-de-Calais ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir :

- que l'arrêté du 30 novembre 2009 comporte les motifs de fait et de droit conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'entretien et l'enquête menés démontrent l'absence de vie réelle et effective entre les époux C ;

- que la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Mme A réside le plus souvent en région parisienne ; que les attestations produites sont postérieures à la date de la décision attaquée ; qu'elle n'établit pas être isolée en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 8 octobre 2010 et régularisé par le dépôt de l'original le 11 octobre 2010, présentée pour Mme A, par Me Sadoun, avocat, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le refus de titre de séjour étant illégal, l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire est contraire aux dispositions de l'article L. 511-4 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 19 octobre 2010 et régularisé par la production de l'original le 21 octobre 2010, présenté par le préfet du Pas-de-Calais après clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sylvie

Appèche-Otani, président-assesseur, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Maître Sadoun, pour Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante marocaine, est entrée régulièrement en France le 1er mai 2005, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type D, mention employé de diplomate ; que, le 4 janvier 2006, elle a épousé M. C, ressortissant français ; qu'elle s'est vue délivrer le 2 mai 2006 une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en qualité de conjointe de ressortissant français, dont le renouvellement lui a été accordé chaque année, et ce, jusqu'au 2 mai 2009 ; que Mme A a déposé une demande de renouvellement le 6 avril 2009 ; qu'au motif que la réalité de la communauté de vie entre les époux n'était pas établie, le préfet du Pas-de-Calais a, par un arrêté en date du 30 novembre 2009, refusé, d'une part, de faire droit à sa demande de renouvellement et de lui délivrer une carte de résident et, d'autre part, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et, à défaut pour elle d'y satisfaire, a fixé le pays de destination de son renvoi d'office ; que Mme A relève appel du jugement du 11 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que l'arrêté contesté du 30 novembre 2009 comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de fait et de droit sur lesquelles s'est fondé son auteur pour refuser le titre de séjour sollicité ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français et, d'autre part, que l'article

L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : la carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que Mme A, mariée depuis le 4 janvier 2006 à un ressortissant français, a obtenu un titre de séjour vie privée et familiale le 2 mai 2006, qui lui a été régulièrement renouvelé durant les deux années suivantes ; que, le 6 avril 2009, elle a, à nouveau, sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par un arrêté du 30 novembre 2009, le préfet a refusé de lui renouveler sa carte temporaire de séjour vie privée et familiale et de lui délivrer une carte de résident au motif que la vie commune entre les époux n'était pas établie ; que la requérante soutient qu'elle possède de véritables attaches tant professionnelles, personnelles que familiales sur le territoire français sur lequel elle vit depuis plus de cinq ans ; que si elle reconnaît s'être rendue, avec l'accord de son mari, à plusieurs reprises au Maroc au cours des années 2007 et 2008 pour y voir sa mère et sa grand-mère, toutes deux souffrantes, et n'avoir ainsi séjourné en France que durant huit mois au cours de ces deux années, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de l'attestation produite par le médecin de sa mère, que la présence de Mme A ait été indispensable auprès de ses proches ; que, par ailleurs, les époux ont eux-mêmes reconnu, tant devant le représentant de la commune de Bapaume, lieu du domicile conjugal, que devant les services de la préfecture, qu'ils vivaient ensemble de manière épisodique, Mme A alléguant séjourner la semaine en région parisienne chez sa soeur ; que les attestations des proches des époux C, faisant état de la présence occasionnelle de Mme A à Bapaume, ne suffisent pas à démontrer qu'à la date de la décision litigieuse, la communauté de vie entre les époux C perdurait ; qu'en outre, il est constant que Mme A, après avoir été suivie à compter du 4ème trimestre 2008 par la mission pour l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de Clichy, a signé le 28 août 2009 un contrat de travail pour un emploi de caissière à Paris dont il ressort que l'adresse de la requérante est alors fixée dans la commune de Clichy et non de Bapaume ; que, par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'autorité préfectorale a pu, à bon droit, estimer que la condition de communauté de vie posée par les textes susrappelés n'était plus remplie à la date à laquelle elle a pris l'arrêté litigieux ;

Considérant que Mme A est sans enfant à charge ; que, nonobstant la circonstance que certains membres de sa famille, à savoir une soeur et un frère, résident régulièrement en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans, et où résident son père et deux de ses frères ; que, dès lors, dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, qu'il n'est pas davantage établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le refus de renouvellement du titre de séjour en litige n'est pas entaché d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, l'obligation en litige ne porte pas, dans les circonstances de l'espèce, au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale, laquelle n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant à Mme A le renouvellement de son titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Hasnaa A née B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2009 rejetant, d'une part, sa demande de renouvellement de carte de séjour temporaire, d'autre part, sa demande tendant à la délivrance d'une carte de résident, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Hasnaa A née B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

''

''

''

''

N°10DA00715 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Sylvie Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : COTTA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/11/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA00715
Numéro NOR : CETATEXT000023493726 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-11-04;10da00715 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award