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25/11/2010 | FRANCE | N°10DA00607

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 25 novembre 2010, 10DA00607


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002474 du 22 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé son arrêté, en date du 18 avril 2010, décidant de reconduire M. Ismaël A à la frontière et les décisions distinctes, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et plaçant l'intéressé en réte

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Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002474 du 22 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé son arrêté, en date du 18 avril 2010, décidant de reconduire M. Ismaël A à la frontière et les décisions distinctes, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et plaçant l'intéressé en rétention administrative, d'autre part, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Lille ;

Le PREFET DU PAS-DE-CALAIS soutient que, pour annuler les arrêtés en litige, le premier juge s'est fondé, à tort, sur le motif tiré de ce qu'il n'avait pas été statué sur la demande d'asile formée par M. A antérieurement au prononcé de la mesure de reconduite à la frontière ; qu'en effet, si M. A a déclaré, à la suite de son interpellation, vouloir solliciter l'asile, il n'a toutefois formulé cette demande qu'après avoir été informé qu'une mesure de reconduite à la frontière pouvait être prise à son encontre ; que, d'ailleurs, l'intéressé n'a pas établi qu'il serait personnellement et directement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en outre, alors que M. A a déclaré aux services de police résider en France depuis août 2008, il n'a fait état d'aucune circonstance l'ayant empêché de former précédemment une telle demande d'asile ; qu'il ressort, en outre, du procès-verbal retraçant son audition, que M. A avait l'intention de se rendre en Grande-Bretagne, qu'il avait organisé son départ avec une tierce personne et qu'il s'était procuré de faux documents d'identité belges ; que la demande que l'intéressé a formulée dans ces conditions a pu, ainsi, être valablement regardée comme présentant un caractère dilatoire, au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisque n'ayant été présentée que dans le but de faire échec à une mesure d'éloignement ; qu'enfin, subsidiairement, M. A ne s'est pas manifesté auprès de l'administration depuis le prononcé du jugement attaqué et n'a entrepris aucune démarche auprès des autorités françaises afin de déposer une demande d'asile dans les formes requises ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée à M. A qui n'a produit aucun mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai a désigné M. Daniel Mortelecq, président de la 2ème chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président désigné, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 22 avril 2010, l'arrêté du 18 avril 2010 du PREFET DU PAS-DE-CALAIS décidant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant congolais né le 20 mai 1979, ainsi que, par voie de conséquence de cette annulation, les décisions distinctes, du même jour, désignant la République démocratique du Congo comme pays de destination de cette mesure et plaçant l'intéressé en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a estimé, qu'alors que M. A avait indiqué, au cours de l'audition qui a suivi son interpellation, vouloir demander l'asile en France, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS, qui se trouvait ainsi saisi d'une demande d'admission au séjour au titre de l'asile, n'avait pu légalement prendre, avant d'avoir statué sur cette demande, une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre de l'intéressé ; que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève de l'autorité administrative compétente ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité

d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne (...) ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 du même code : Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1 ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document ;

Considérant que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui, sur le fondement des dispositions des 2° à 4° de l'article L. 741-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider la reconduite à la frontière de l'étranger ;

Considérant qu'en admettant même que, comme le soutient le PREFET DU

PAS-DE-CALAIS, la demande d'asile formulée au cours de son audition par M. A pouvait être regardée comme n'ayant été présentée, au sens et pour l'application du 4° de l'article L. 741-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS se soit expressément prononcé sur la demande d'admission de M. A au séjour avant de prendre l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, d'autre part, la transmission à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande d'asile formulée par l'intéressé, qui pourrait être regardée comme révélant l'existence d'une telle décision de refus d'admission au séjour, n'a été effectuée par le préfet que le 20 avril 2010, soit à une date postérieure à celle à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière en litige a été pris ; que, dès lors, ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'a pu prendre ledit arrêté sans méconnaître les dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 18 avril 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A, de même que les décisions distinctes, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure et plaçant l'intéressé en rétention administrative, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU PAS-DE-CALAIS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Ismaël A.

Copie sera transmise au PREFET DU PAS-DE-CALAIS.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 10DA00607
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-11-25;10da00607 ?
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