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02/12/2010 | FRANCE | N°09DA01621

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 02 décembre 2010, 09DA01621


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par Me Vibert, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600478-0600479-0600480-0600481-0600483-0600484 du 25 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003, 2004 et 2005 dans les rôles des communes de La Neuve Lyre et Rugles et, d'autre part, à

la condamnation de l'Etat à lui payer, dans chaque instance, une so...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par Me Vibert, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0600478-0600479-0600480-0600481-0600483-0600484 du 25 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003, 2004 et 2005 dans les rôles des communes de La Neuve Lyre et Rugles et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer, dans chaque instance, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge, ou subsidiairement la réduction, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005 ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les premiers juges ont méconnu l'article 1476 du code général des impôts, qui subordonne l'assujettissement à la taxe professionnelle à l'exercice effectif d'une activité professionnelle et non pas à la perception des revenus ; qu'il a fait l'objet d'une interdiction judicaire d'exercice le plaçant en dehors du champ d'application de la taxe professionnelle ; que l'administrateur nommé par le tribunal de grande instance était dès lors seul redevable de la taxe professionnelle au titre de l'activité notariale exercée par ce dernier au sein de l'office notarial ; que la suspension provisoire entraîne pour la personne en faisant l'objet l'obligation de s'abstenir de toute activité professionnelle ; que, s'agissant d'une société civile professionnelle, c'est au niveau de l'associé personne physique qu'est appréciée la condition d'exercice professionnel ; que, subsidiairement, la base d'imposition devrait correspondre uniquement à la moitié des éléments d'assiette, dès lors que l'administrateur a droit à la moitié des produits nets de l'étude ; que les membres des sociétés civiles professionnelles n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés doivent être imposés à la taxe professionnelle sur une base établie en prenant en compte la fraction de chacun des éléments d'assiette correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement ; que peu importe que l'assiette soit la valeur locative d'immobilisations ou un pourcentage des recettes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que le requérant exerce l'activité de notaire et que, dès lors qu'il est l'unique associé de la SCP, l'imposition a été régulièrement établie à son nom ; que la suspension provisoire ne prive pas le notaire suspendu de l'ensemble de ses revenus et l'activité doit être regardée comme continuant d'être exercée par le notaire suspendu qui perçoit d'ailleurs la moitié des revenus de l'étude ; que la suspension provisoire ne saurait être assimilée à une cessation de l'activité en cause ; que M. A a été soumis à la taxe sur la base de la valeur locative des immobilisations et non de ses recettes et ce, eu égard au nombre de salariés ; qu'il ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'a perçu que la moitié des produits nets des études ; que l'article 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945 n'emporte aucune conséquence quant à la détermination des bases de la taxe professionnelle due par l'officier ministériel suspendu ; que sa situation n'est pas assimilable à celle d'une SCP ayant deux associés disposant chacun de la moitié des parts ; qu'il demeure l'unique associé de sa SCP ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 septembre 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la nomination d'une SCP de notaires en qualité d'administrateur par jugement du 10 octobre 2003 a, au regard du IV de l'article 1478 du code général des impôts, emporté changement d'exploitant, en sorte que seul cet administrateur était redevable de la taxe professionnelle au titre des années 2004 et 2005 ; que la perception d'un revenu ne constitue pas, à la différence de l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, une condition d'assujettissement à la taxe professionnelle ;

Vu les observations, enregistrées le 27 octobre 2010, présentées par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-1418 modifiée du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Vibert, pour M. A ;

Considérant que M. Didier A exerce la profession de notaire au sein de la société civile professionnelle (SCP) Didier Plaine, notaire associé, dont il est l'unique associé et dont l'établissement principal se trouvait, au cours des années concernées par les impositions en litige, à La Neuve Lyre (Eure), tandis que son établissement secondaire se trouvait à Rugles (Eure) ; que, par ordonnance du 10 octobre 2003, le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Evreux, statuant par application de l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 28 juin 1945, a prononcé à son encontre une mesure de suspension provisoire pour une durée d'un an et désigné une autre SCP de notaires en qualité d'administrateur pour la même durée ; que, par jugement du 17 septembre 2004, le Tribunal de grande instance d'Evreux a confirmé cette SCP, autrement désignée, dans ces fonctions d'administrateur, pour une nouvelle durée d'un an ; que M. A relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles il a été assujetti dans les rôles des communes de la Neuve Lyre et Rugles au titre des années 2003, 2004 et 2005 et, devant la Cour, demande la décharge de celles de ces cotisations établies au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions en décharge concernant les années 2004 et 2005 :

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1447, alors applicable, du code général des impôts : I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ; qu'aux termes de l'article 1476 du même code : La taxe professionnelle est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes, sous les mêmes sanctions ou recours. / Pour les sociétés civiles professionnelles, les sociétés civiles de moyens et les groupements réunissant des membres de professions libérales, l'imposition est établie au nom de chacun des membres. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux sociétés civiles professionnelles, à compter de l'année qui suit celle où elles sont, pour la première fois, assujetties à l'impôt sur les sociétés ; qu'aux termes de l'article 1478 dudit code : I. La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois, le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la taxe pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité (...). / IV. En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au II, deuxième alinéa. / Si le changement d'exploitant prend effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé pour l'année du changement sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 32 de l'ordonnance susvisée du 28 juin 1945 : Tout officier public ou ministériel qui fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire peut se voir suspendre provisoirement de l'exercice de ses fonctions. / En cas d'urgence, la suspension provisoire peut être prononcée même avant l'exercice des poursuites pénales ou disciplinaires, si des inspections ou vérifications ont laissé apparaître des risques pour les fonds, effets ou valeurs qui sont confiés à l'officier public ou ministériel à raison de ses fonctions ; qu'aux termes de l'article 33 : La suspension provisoire est prononcée par le tribunal de grande instance à la requête soit du procureur de la République, soit du président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci. / Toutefois, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 32, la suspension provisoire est prononcée par le juge des référés saisi par le procureur de la République agissant à la demande ou après avis de l'un des organismes mentionnés à l'article 28, soit par le président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci. / Dans tous les cas, lorsque la suspension est prononcée, la juridiction compétente commet un administrateur dans les conditions prévues à l'article 20. / Toutefois, l'administrateur n'a droit qu'à la moitié des produits nets de l'étude ; qu'aux termes de l'article 34 : Les effets de la suspension provisoire sont ceux prévus par les articles 26 (alinéas 1er et 3), 27, 29 et 31 ci-dessus (...) ; que, d'après l'article 26 de cette ordonnance : L'officier public ou ministériel interdit ou destitué doit, dès l'époque où le jugement est devenu exécutoire, s'abstenir de tout acte professionnel, et notamment de revêtir le costume professionnel, de recevoir la clientèle, de donner des consultations ou de rédiger des projets d'actes ; en aucun cas il ne fait état dans sa correspondance de sa qualité d'officier public ou ministériel ; qu'enfin, aux termes de l'article 20 de l'ordonnance dont s'agit : la juridiction qui prononce une peine d'interdiction ou de destitution commet un administrateur qui remplace l'officier public ou ministériel interdit ou destitué. / L'administrateur perçoit à son profit les émoluments et autres rémunérations relatifs aux actes qu'il a accomplis. Il paie, à concurrence des produits de l'office, les charges afférentes au fonctionnement de cet office ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'ordonnance susvisée du 28 juin 1945 qu'en cas de suspension provisoire, l'administrateur de l'étude agit pour le compte du notaire qui a fait l'objet de cette mesure et qui en perçoit la moitié des produits nets ; qu'une telle suspension provisoire ne peut être assimilée à une cessation d'activité au sens des dispositions du I de l'article 1478 du code général des impôts et que la nomination de cet administrateur ne peut non plus être assimilée à un changement d'exploitant au sens des dispositions du IV du même article ; que, dès lors, c'est sans méconnaître les dispositions précitées des articles 1447 et 1476 du code général des impôts que l'administration a estimé que, nonobstant la suspension provisoire dont il faisait alors l'objet, M. A demeurait redevable de la taxe professionnelle au titre des années 2004 et 2005 et a établi l'imposition à son nom ;

En ce qui concerne les modalités de détermination des bases de la taxe professionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a) la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période. (...) / 2° Dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux, des agents d'affaires et intermédiaires de commerce, employant moins de cinq salariés et n'étant pas soumis de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés, le dixième des recettes et la valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie au a du 1° (...) ; qu'aux termes de l'article 1467 A du même code : Sous réserve des II, III, IV, IV bis et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de la taxe professionnelle est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou, pour les immobilisations et les recettes imposables, le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ; qu'enfin, aux termes de l'article 310 HA de l'annexe II audit code : Pour l'application de la taxe professionnelle et des taxes additionnelles : (...) - Le nombre de salariés est calculé sur la période de référence définie à l'article 1467 A du code général des impôts, et pour l'ensemble de l'entreprise ; pour le calcul de ce nombre, les travailleurs à mi-temps ou saisonniers sont retenus à concurrence de la durée de leur travail (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCP Didier Plaine, notaire associé a employé respectivement 7 et 6 salariés au cours des années 2002 et 2003, périodes de référence à retenir pour l'établissement de la taxe professionnelle due par M. A respectivement au titre des années 2004 et 2005 ; que, dès lors, c'est à bon droit que cette taxe a été établie par application des dispositions précitées du 1° de l'article 1467 du code général des impôts ; que M. A, qui est demeuré l'unique associé de la SCP Didier Plaine, notaire associé, ne saurait dès lors prétendre que, par application des dispositions du second alinéa de l'article 1476 du code général des impôts et au motif que la SCP de notaires désignée administrateur de son étude en avait droit à la moitié des produits nets, cette taxe aurait dû être établie en ne prenant en compte que la moitié de la valeur locative mentionnée audit 1° ; que la circonstance que le requérant n'a, conformément aux dispositions combinées des articles 20 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945, perçu que la moitié de ces produits nets est sans influence sur l'application en l'espèce du 1° de l'article 1467 du code général des impôts, ces dispositions n'ayant pour objet que de déterminer les modalités de répartition desdits produits entre le notaire provisoirement suspendu et l'administrateur provisoire ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la taxe professionnelle mise à sa charge au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. A à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°09DA01621 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01621
Date de la décision : 02/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DHALLUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-02;09da01621 ?
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