Vu la décision du Conseil d'Etat n° 318941 en date du 16 avril 2010, statuant sur le pourvoi de M. Philippe A, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 07DA01769 du 3 juin 2008 et renvoyant l'affaire à la Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Philippe A, demeurant ..., par Me Planchat, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 0607004 du 23 octobre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément versées au titre de l'année 2004 ;
2°) de prononcer la restitution des impositions en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le principe de neutralité fiscale oblige le gouvernement français à faire bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 261-4-1° du code général des impôts, toute personne qui délivre des actes d'ostéopathie de qualité équivalente à ceux accomplis par les membres de professions de santé exerçant de tels actes et bénéficiant de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en l'absence de règlement organisant la profession avant la parution des décrets du 25 mars 2007 pris en application de la loi du 4 mars 2002, il y a lieu d'examiner la nature des soins délivrés par le requérant ainsi que sa formation ; que M. A a suivi un cursus universitaire adapté et s'est installé en tant qu'ostéopathe depuis 2002 ; qu'il délivre des actes de qualité au moins équivalente à celle d'un médecin ayant suivi au mieux 300 heures d'enseignement spécifique à l'ostéopathie ; qu'il peut donc solliciter la restitution des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au cours de l'année 2004 à tort ; qu'il est fondé à le faire même si, avant le 25 mars 2007, la profession d'ostéopathe n'était pas organisée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que le contribuable n'établit pas que les actes litigieux pratiqués et qu'il qualifie lui-même d'ostéopathie, constitueraient des soins dispensés dans le cadre de la profession réglementée de masseur-kinésithérapeute et seraient donc exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ; que M. A doit la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au seul motif qu'il l'a faite figurer sur ses factures, en application de l'article 283-3° du code général des impôts ; que malgré l'existence d'une réglementation de la profession d'ostéopathe, le Conseil d'Etat considère néanmoins que seuls les actes d'ostéopathie effectués par un docteur en médecine sont exonérés ; que l'article 261-4-1° du code général des impôts transpose les dispositions de l'article 132 c de la directive 2006/112/CE qui exonère de taxe sur la valeur ajoutée, les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice de professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné ; que le principe de neutralité invoqué par le contribuable doit être mis en balance avec le principe d'interprétation stricte visant le champ d'application des exonérations de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, seules les prestations de soin d'un niveau de qualité suffisant peuvent être exonérées ; que la décision prise d'agréer l'activité de M. A, qui lui reconnaît cette qualité, est postérieure à la période d'imposition contestée ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, et soutient au surplus que le critère d'appréciation du respect du principe de neutralité fiscale retenu par la Cour de justice des communautés européennes, est celui de la qualité des soins dispensés et non celui du statut professionnel de celui qui les dispense ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu, après renvoi, le mémoire, enregistré le 4 mai 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que par son arrêt du 16 avril 2010 (n° 318941 Barel), le Conseil d'Etat a reconnu que pour déterminer si un praticien en ostéopathie pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de l'article 261-4-1°, il y a lieu de rechercher si les actes d'ostéopathie accomplis peuvent être regardés comme de qualité équivalente à ceux dispensés par des personnes bénéficiant de cette exonération, et que le juge ne peut se borner à écarter la demande d'un contribuable au seul motif qu'il ne fait pas partie d'une profession réglementée ; que la loi du 4 mars 2002 a reconnu l'existence d'une profession d'ostéopathe ; que les textes d'application de cette loi prévoient que le diplôme d'ostéopathe est délivré aux personnes ayant suivi une formation d'au moins 2 660 heures comportant 1 435 heures d'enseignement théorique de sciences fondamentales et de biologie et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques d'ostéopathie ; que les critères de ce décret peuvent être utilisés par le juge pour apprécier la qualification du requérant ; qu'en l'espèce, M. A réunit ces critères puisqu'il lui a été délivré en 2008, l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe en vertu des critères définis par le décret du 25 mars 2007 pris pour l'application de la loi du 4 mars 2002 ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et soutient au surplus qu'il revient au contribuable d'établir qu'il remplit l'ensemble des conditions légales exigées pour bénéficier de l'exonération sollicitée, ce que ne fait pas M. A en l'espèce, puisque l'autorisation d'exercer dont il se prévaut est postérieure à la période d'imposition ; qu'en tout état de cause, il n'a obtenu le diplôme d'ostéopathe que le 2 octobre 2004 et n'établit pas que les actes qu'il a accomplis au cours de la période en litige étaient des actes d'ostéopathie ; que dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée inscrite sur une facture est due du seul fait de sa mention, en vertu de l'article 283-3° du code général des impôts, M. A ne peut utilement en demander la restitution ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus, que les dispositions de l'article 283-3° du code général des impôts ne peuvent s'appliquer à la situation de M. A ; que M. A a achevé sa formation dès 2002, seul le diplôme délivré en sus par l'association française des ostéopathes étant daté du 2 octobre 2004 ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la réglementation de l'usage du titre d'ostéopathe n'a pas donné rétroactivement à cette activité le caractère d'une profession médicale réglementée ; que M. A n'établit pas qu'il se serait abstenu de pratiquer des actes désormais interdits aux membres de la profession réglementée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Planchat, pour M. Philippe A ;
Considérant que M. Philippe A, qui exerce l'activité d'ostéopathe, a demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions du 1° de l'article 261-4 du code général des impôts, relatives à l'exonération de cette taxe ; qu'il interjette appel du jugement du 23 octobre 2007 du Tribunal administratif de Lille rejetant cette demande de restitution ;
Sur les conclusions tendant à la restitution des impositions contestées :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13 A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres, la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13 A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de TVA qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations, qu'à la condition d'en établir le mal fondé ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts et de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, qu'il y a lieu, au cas d'espèce, de rechercher si M. A, dans l'exercice de sa profession, a, au cours de la période en litige, dispensé des actes d'ostéopathie d'une qualité équivalente à celle fournie par des personnes bénéficiant de l'exonération prévue au 1° de l'article 261-4 du code général des impôts pour déterminer son droit à demander la restitution des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée qu'il soutient avoir acquittées à tort entre le 1er janvier et le 31 décembre 2004 ; qu'il ressort des pièces qu'il produit au dossier, qu'il a exercé la profession d'ostéopathe depuis l'année 2002, a obtenu en 2002, à l'issue d'une formation s'étant déroulée entre 1997 et 2002, le diplôme d'ostéopathe délivré par l'établissement privé Ostéo-Bio, validant un cursus de formation comprenant 1 435 heures de formation de théorie en sciences fondamentales et biologie humaine et 1 225 heures de théorie et pratique d'ostéopathie et que, d'ailleurs, la détention de ce diplôme a permis ultérieurement à M. A de recevoir, le 14 avril 2008, l'agrément d'exercer sa profession d'ostéopathe dans le cadre de la réglementation de cette profession, organisée par le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ; que, toutefois, M. A ne produit au dossier, aucun élément relatif à sa pratique, qui permettrait d'appréhender la nature des actes qu'il a accomplis entre janvier et décembre 2004 sous la dénomination d'actes d'ostéopathie ou les conditions dans lesquelles ces actes ont été effectués, ainsi que l'oppose l'administration dans ses derniers mémoires et pour la première fois dans l'instance ; que le contribuable n'établit pas, ainsi, que les actes qu'il a accomplis durant cette période peuvent être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui seraient exonérés en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°10DA00477