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09/12/2010 | FRANCE | N°09DA01377

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 09 décembre 2010, 09DA01377


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 18 septembre 2009, présentée pour M. Hervé B, demeurant ..., Melle Laurence B demeurant ... et Mme Marie-Christine A demeurant ..., venant aux droits de la société SOPROVIM, par le cabinet Jean-Louis Debré Avocat ; M. B, Melle B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702514 du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société SOPROVIM tendant à l'annulation des deux arrêtés du 4 avril 2007 du maire de la commune de Caugé

refusant de lui délivrer les permis de construire qu'elle sollicitait ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 18 septembre 2009, présentée pour M. Hervé B, demeurant ..., Melle Laurence B demeurant ... et Mme Marie-Christine A demeurant ..., venant aux droits de la société SOPROVIM, par le cabinet Jean-Louis Debré Avocat ; M. B, Melle B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702514 du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société SOPROVIM tendant à l'annulation des deux arrêtés du 4 avril 2007 du maire de la commune de Caugé refusant de lui délivrer les permis de construire qu'elle sollicitait pour la réalisation de deux maisons d'habitation sur les lots A et B d'un terrain cadastré section ZK n° 85 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Caugé de prendre une nouvelle décision après instruction dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Caugé la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement doit être annulé dans la mesure où si le Tribunal a estimé à bon droit que le maire de Caugé avait commis une erreur de droit en fondant son refus sur les articles R. 111-9 à 12 du code de l'urbanisme dès lors que la commune était dotée d'un plan d'occupation des sols et que ces articles n'étaient pas applicables, en revanche il n'en a pas tiré toutes les conséquences en refusant d'annuler l'arrêté attaqué ; que les lots lui appartenant sont situés à proximité immédiate d'habitations déjà desservies en eau et en électricité et l'extension des réseaux à réaliser ne porterait que sur quelques mètres pour le lot B et quelques dizaines de mètres pour le lot A et en tout cas moins de 50 mètres ; que si le maire indique dans l'arrêté attaqué qu'il n'envisage pas dans l'immédiat cette extension, la jurisprudence considère que n'apparaît pas le défaut d'équipement public si la commune prévoit l'extension à court ou moyen terme ; que dans ces conditions, le maire ne pouvait fonder son refus sur le défaut d'équipement public en application de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme ; que par ailleurs le maire n'a jamais établi que les réseaux auraient une capacité insuffisante pour permettre le branchement de ses terrains, les avis de la Communauté d'agglomération d'Evreux et du syndicat intercommunal de l'électricité et du gaz de l'Eure ne lui ayant pas été communiqués malgré ses demandes ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2009, présenté pour la commune de Caugé, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société SOPROVIM de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que l'erreur de droit commise par son maire était sans incidence sur la légalité des arrêtés dès lors qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme ainsi que le jugement l'a relevé ; que la société reconnaît qu'une extension des réseaux est nécessaire et ne conteste pas l'appréciation des organismes gestionnaires des réseaux publics ainsi que celle du maire sur les capacités des réseaux d'électricité et d'eau, ceux-ci indiquant qu'une extension du réseau d'eau et un renforcement de celui d'électricité seraient nécessaires ; qu'elle a d'autant plus refusé le permis que le réseau d'eau relève de la compétence de la Communauté d'agglomération d'Evreux et celui d'électricité de celle du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure ; que si les arrêtés font référence à l'absence de travaux dans l'immédiat , cela ne signifie pas que des travaux seraient entrepris à court ou moyen terme ; que les travaux ne relevant pas de sa compétence, il est impossible d'indiquer à quelle date ils seraient réalisés ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2010, présenté pour M. B, Melle B et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que les avis des gestionnaires des réseaux sur lesquels le maire indique s'être fondé ne lui ont jamais été communiqués alors même qu'elle avait demandé leur production durant l'instruction en première instance ; qu'il est étonnant que le Tribunal se soit fondé sur ces avis qui n'étaient pas joints au dossier et n'ont pu faire l'objet d'un débat contradictoire ; que, de ce fait, la commune n'établit pas l'insuffisance des réseaux permettant le branchement des terrains ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2010, présenté pour la commune de Caugé qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle fait valoir, en outre, qu'elle a communiqué au Tribunal l'avis du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure en date du 24 juin 2009 faisant état de la nécessité d'une extension du réseau ; que le certificat d'urbanisme du 1er mars 2007, également communiqué, précise également l'obligation d'une extension du réseau d'eau et d'un renforcement du réseau d'électricité ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2010, présenté pour M. B, Melle B et Mme A qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que le jugement doit être annulé dès lors que l'avis du 24 juin 2009 du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure n'a été enregistré au greffe du Tribunal que le jour de son intervention et qu'il lui a été communiqué par télécopie le jour même alors que l'audience s'est tenue le 25 juin 2009 et que l'instruction était close trois jours francs avant cette date, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, ce qui fait que cet avis devait être exclu des débats alors que cela n'a pas été le cas puisque le jugement se fonde sur l'appréciation des organismes gestionnaires des réseaux publics ; qu'en application des dispositions des articles R. 423-50 et R. 423-52 du code de l'urbanisme, le maire devait consulter les gestionnaires des réseaux dans le cadre de l'instruction des demandes de permis de construire présentées puisqu'un refus de permis ne peut être opposé en application de l'article L. 421-5 du même code que si le maire a accompli les diligences nécessaires pour recueillir les informations auprès des services et organismes susceptibles d'intervenir ; que le maire n'avait pas en sa possession les avis des gestionnaires et n'a rien fait pour les solliciter durant l'instruction des demandes de permis de construire ; qu'ainsi l'avis du gestionnaire du réseau d'eau n'a jamais été produit en justice et celui du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure du 24 juin 2009 n'a aucune valeur probante dès lors qu'il ne s'applique pas expressément aux parcelles objet de la demande de permis et est postérieur à l'instruction du dossier qui a eu lieu lors du premier trimestre 2007 ce qui démontre qu'il n'a pas été sollicité en temps utile ; que la commune n'établit pas l'insuffisante capacité technique des réseaux ; que l'avis du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure ne fait état d'aucun élément permettant d'apprécier cette capacité, se bornant à mentionner que depuis le 1er août 2008, soit postérieurement aux décisions attaquées, les terrains situés à plus de 25 mètres du réseau basse tension existant doivent faire l'objet d'une extension de réseau, sans plus de précision ; que le maire de Caugé a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Woldanski, pour la société SOPROVIM et Me Pulvermacker pour la commune de Caugé ;

Considérant que le 30 janvier 2007, la société SOPROVIM a sollicité du maire de la commune de Caugé la délivrance de deux permis de construire portant chacun sur la réalisation d'une maison d'habitation, sur les lots A et B d'un terrain cadastré section ZK n° 85, dans le prolongement d'un lotissement existant ; que par deux arrêtés du 4 avril 2007, le maire lui a opposé un refus ; que M. B, Melle B et Mme A, venant aux droits de la société SOPROVIM, relèvent appel du jugement du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de celle-ci, tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Considérant que, pour refuser les permis de construire sollicités par la société SOPROVIM, le maire de Caugé s'est fondé sur trois motifs, le premier tenant à la méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 111-8, R. 111-9 à 12 du code de l'urbanisme et les deux autres tenant à l'absence de desserte des terrains par des réseaux publics d'eau et d'électricité de caractéristiques suffisantes pour alimenter les deux habitations sans qu'un renforcement ne soit envisagé dans l'immédiat ; que le jugement attaqué, après avoir considéré que le premier de ces motifs était illégal et confirmé la légalité des deux autres a toutefois estimé que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces derniers ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme alors en vigueur, devenu l'article L. 111-4 du même code : Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que les lots devant servir d'assiette aux projets sont desservis par les réseaux publics d'eau et d'électricité, qui assurent la desserte des habitations situées à proximité immédiate, et qu'ils ne sont séparés de ces derniers que par une distance de quelques dizaines de mètres pour le lot A le plus éloigné ; qu'au contraire, il ressort des certificats d'urbanisme, délivrés par le maire de Caugé le 1er mars 2007, mentionnant la nécessité d'une extension de 50 mètres pour le réseau d'eau, et du courrier du syndicat intercommunal de l'électricité et du gaz de l'Eure, en date du 17 mars 2008 adressé à un géomètre, indiquant que le lot B était desservi en électricité et que le lot A nécessitait une extension d'environ 50 mètres , que, compte tenu de la faible longueur en cause, confirmée d'ailleurs par un courrier du géomètre du 11 mars 2008, un simple raccordement au réseau est exigé et non des travaux au sens des dispositions précitées de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme ; que contrairement à ce que fait valoir la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que les réseaux en cause présenteraient une capacité insuffisante ; qu'en effet, la commune de Caugé se borne, d'une part, à produire un avis du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure établi le 24 juin 2009, postérieurement à l'arrêté attaqué, relatif à la desserte par le réseau d'électricité sans précision quant au terrain concerné et faisant état d'une norme en vigueur au 1er juillet 2008 seulement et, d'autre part, à se prévaloir des certificats d'urbanisme déjà évoqués du 1er mars 2007 qui, s'ils font état de la nécessité, outre d'une extension de 50 mètres pour le réseau d'eau, d'un renforcement du réseau public d'électricité , ne sauraient constituer, par eux-mêmes, un élément de preuve ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Caugé aurait accompli les diligences appropriées auprès du syndicat intercommunal d'électricité et du gaz de l'Eure et de la communauté d'agglomération d'Evreux compétents, respectivement, pour les réseaux d'électricité et d'eau, afin de recueillir les informations nécessaires à son appréciation s'agissant de la réalisation des travaux allégués ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme est fondé et, eu égard à l'autre motif d'illégalité retenu par les premiers juges et non contesté par la commune de Caugé, de nature à entraîner l'annulation des arrêtés attaqués ;

Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les requérants n'est, en l'état de l'instruction, de nature à entraîner l'annulation des décisions attaquées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B, Melle B et Mme A, venant aux droits de la société SOPROVIM, sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande présentée par cette dernière tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Caugé en date du 4 avril 2007 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui annule les refus opposés par le maire de Caugé aux demandes de permis de construire présentées par la société SOPROVIM, implique nécessairement que le maire statue de nouveau sur cette demande ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de le faire dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme de 2 000 euros demandée par la commune de Caugé soit mise à la charge de M. B, Melle B et Mme A, venant aux droits de la société SOPROVIM, qui ne sont pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Caugé une somme globale de 1 500 euros qui sera versée à M. B, Melle B et Mme A, venant aux droits de la société SOPROVIM, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 16 juillet 2009 et les arrêtés du maire de Caugé en date du 4 avril 2007 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Caugé de statuer de nouveau sur les demandes de permis de construire présentées par la société SOPROVIM aux droits de laquelle viennent M. B, Melle B et Mme A dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai.

Article 3 : La commune de Caugé versera à M. B, Melle B et Mme A venant aux droits de la société SOPROVIM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé B, Melle Laurence B, Mme Marie-Christine A et à la commune de Caugé.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

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N°09DA01377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01377
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : CABINET JEAN-LOUIS DEBRÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-09;09da01377 ?
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