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14/12/2010 | FRANCE | N°09DA01551

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 décembre 2010, 09DA01551


Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marguerite A, demeurant ..., par Me Lamoril ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0806478 en date du 24 août 2009 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande dirigée contre la décision lui refusant le bénéfice de l'exonération de droits de mutation prévue à l'article 795 A du code général des impôts ; r>
2°) d'annuler la décision, en date du 26 juin 2008, par laquelle le ministre ...

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marguerite A, demeurant ..., par Me Lamoril ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0806478 en date du 24 août 2009 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande dirigée contre la décision lui refusant le bénéfice de l'exonération de droits de mutation prévue à l'article 795 A du code général des impôts ;

2°) d'annuler la décision, en date du 26 juin 2008, par laquelle le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique lui a refusé le bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 795 A du code général des impôts ;

3°) de condamner l'Etat à supporter les dépens de l'instance et à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que son recours tendait à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision, en date du 26 juin 2008, par laquelle le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a refusé de signer la convention, prévue par l'article 795 A du code général des impôts, en vue du bénéfice de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit afférents à un immeuble dont elle a hérité, sis à Gennes Ivergny (Pas-de-calais) ; qu'un tel litige relève de la compétence de la juridiction administrative ; que la décision attaquée se fonde, à tort, sur la circonstance que la déclaration de succession n'a pas été déposée dans le délai prévu à l'article 641-1 du code général des impôts, dès lors que ce délai n'est pas fixé à peine de forclusion, ni à peine de rejet de la demande de convention ; qu'en estimant que le manoir de Gennes Ivergny ne présentait pas d'intérêt patrimonial suffisant, le ministre a, en outre, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que cet immeuble est en effet inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1976 et présente un intérêt patrimonial unanimement reconnu ;

Vu l'ordonnance et la décision attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 10 mars 2010 et régularisé par la production de l'original le 16 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision, par laquelle le ministre du budget refuse de conclure avec les héritiers d'immeubles classés ou inscrits la convention exigée par l'article 795 A du code général des impôts pour l'exonération des droits de mutation à titre gratuit, constitue un acte détachable de la procédure d'imposition aux droits de mutation, susceptible d'être contesté devant la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'en l'espèce, la demande de première instance aurait dû être présentée devant le Tribunal administratif de Paris, territorialement compétent par application des dispositions de l'article R. 312-1 du code de justice administrative ; que la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lille ne contenait pas de conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse et était donc irrecevable ; qu'il résulte de la combinaison des articles 795 A, 641 et 1649 nonies A-1 du code général des impôts et de l'article 281 bis de l'annexe III au même code, que le bénéfice du régime d'exonération des droits de mutation est subordonné au dépôt, dans le délai de six mois, de la déclaration de succession et de la demande de convention ; que cette formalité n'ayant pas été accomplie, la demande de la requérante pouvait, pour ce seul motif, être rejetée ; qu'au fond, l'ouverture de l'immeuble au public constitue une condition substantielle du bénéfice du régime d'exonération ; qu'en l'espèce, les conditions d'accessibilité et de sécurité des visiteurs n'étaient pas remplies et l'intérêt de la visite était trop limité, de sorte que la demande d'exonération ne pouvait qu'être rejetée au fond ;

Vu la lettre en date du 19 novembre 2010, enregistrée au greffe le même jour, de Me Lamoril et de Me Vinchant, avocats au barreau d'Arras, informant la Cour du décès de Mme A et demandant le renvoi de l'affaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Lamoril, pour Mme A ;

Considérant, qu'à la suite du décès de son frère survenu le 3 juin 2005, Mme A a hérité de la moitié du manoir de Gennes-Ivergny (Pas-de-Calais), immeuble inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, qu'elle avait acquis avec lui en indivision et a demandé le bénéfice de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévu à l'article 795 A du code général des impôts ; que, par une décision en date du 26 juin 2008, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a refusé de signer la convention exigée par ledit article ; que Mme A a relevé appel de l'ordonnance, en date du 24 août 2009, par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande contre cette décision comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant qu'à la date de la notification à la Cour du décès de Mme A, l'affaire était en état d'être jugée ; qu'il y a, dès lors, lieu de statuer sur la requête présentée pour l'intéressée ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 795 A du code général des impôts : Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les biens immeubles par nature ou par destination qui sont, pour l'essentiel, classés ou inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que les biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, dès lors que les héritiers, les donataires ou les légataires ont souscrit avec les ministres chargés de la culture et des finances une convention à durée indéterminée prévoyant le maintien dans l'immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d'accès du public ainsi que les conditions d'entretien des biens exonérés, conformément à des dispositions types approuvées par décret ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 312-7 du code de justice administrative : Les litiges relatifs (...), de manière générale, aux décisions concernant des immeubles relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouvent les immeubles faisant l'objet du litige ;

Considérant que la décision par laquelle le ministre chargé des finances refuse de signer la convention prévue par les dispositions précitées de l'article 795 A du code général des impôts constitue un acte administratif détachable de la procédure d'établissement et de recouvrement des droits de mutation ; que cette décision est ainsi susceptible d'être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'un tel recours, dirigé contre une décision relative à l'exonération des droits de mutation dont bénéficient les biens immeubles visés par l'article 795 A précité du code général des impôts, entre dans les prévisions de l'article R. 312-7 du code de justice administrative précité et relève, par suite, de la compétence territoriale du Tribunal administratif dans le ressort duquel sont situés les immeubles concernés ;

Considérant, en vertu des principes ainsi rappelés, que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle précitée, en date du 26 juin 2008, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par ailleurs, l'immeuble faisant l'objet de la décision attaquée étant situé dans le ressort territorial du Tribunal administratif de Lille, la demande de Mme A relève de la compétence de ce dernier et, par suite, de celle de la Cour de céans ; que, dans ces conditions, de compétence rationae materiae et rationae loci , il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de

non-recevoir opposée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Considérant qu'aux termes de l'article 281 bis de l'annexe III au code général des impôts : Les héritiers, donataires ou légataires, qui demandent à bénéficier des dispositions des premier et dernier alinéa de l'article 795 A du code général des impôts doivent remettre à la recette des impôts compétente pour enregistrer l'acte de donation ou la déclaration de succession, dans les délais prévus pour cet enregistrement, une copie de la demande de convention ou d'adhésion à une convention existante, certifiée par le service du département de la culture compétent ; qu'aux termes de l'article 641 du même code : Les délais pour l'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont : - de six mois, à compter du jour du décès (...) ;

Considérant qu'il est constant, qu'en méconnaissance des dispositions précitées, Mme A n'a pas remis aux services compétents, dans les six mois consécutifs au décès de son frère, de déclaration de succession accompagnée d'une copie de la demande de convention certifiée par le service compétent de la direction régionale des affaires culturelles de la région Nord/Pas-de-Calais ; que cette condition à l'octroi de l'exonération demandée n'étant pas remplie, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique était fondé, pour ce seul motif, à en refuser le bénéfice à Mme A ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'apprécier le bien-fondé des autres motifs surabondants opposés par le ministre, Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en date du 26 juin 2008 ;

Sur les conclusions relatives aux dépens :

Considérant qu'aucun dépens n'a été engagé dans le cadre de la présente instance ; que, dès lors, les conclusions présentées à cet égard par Mme A sont dépourvues d'objet et, par suite, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0806478 du président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Lille, en date du 24 août 2009, est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux héritiers de Mme Marguerite A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA01551
Date de la décision : 14/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL CABINET ANDRE SIPP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-14;09da01551 ?
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