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14/12/2010 | FRANCE | N°10DA00828

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 décembre 2010, 10DA00828


Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marayad A, demeurant ..., par Me Cardon, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907845 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 12 juin 2009, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler l'a

rrêté, en date du 12 juin 2009, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui dé...

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marayad A, demeurant ..., par Me Cardon, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907845 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 12 juin 2009, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 12 juin 2009, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder, dans ce même délai, à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 3 020,50 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Elle soutient que sa requête, qui a été présentée dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, est recevable ; que la décision de refus de séjour est entachée d'incompétence, son signataire ne bénéficiant pas d'une délégation de signature régulière ; que cette décision, qui se réfère seulement à l'avis, insuffisamment motivé, de la commission du titre de séjour, est elle-même insuffisamment motivée ; que le préfet a commis une erreur de droit en considérant que la présence en France de la requérante depuis 18 ans ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en considérant qu'elle ne justifiait pas de motifs exceptionnels pour se voir délivrer un titre de séjour, alors qu'elle est présente depuis 18 ans en France, où vit également son mari et où se situe l'ensemble de ses relations sociales, amicales ou professionnelles, alors qu'elle n'a jamais menacé l'ordre public, qu'elle n'est pas polygame et qu'elle présente de graves problèmes de santé, le préfet a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation ; que le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la durée de son séjour en France et de l'intensité des liens qu'elle y a tissés ; qu'aucune nécessité d'ordre public ne justifie cette décision ; qu'elle a subi une hystérectomie, intervention qui requiert un suivi médical ; que l'obligation de quitter le territoire a été signée par une autorité incompétente ; que cette obligation est insuffisamment motivée en droit et en fait ; que l'illégalité du refus de séjour la prive de base légale ; qu'en ne fixant pas le pays de renvoi, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est, comme le refus de séjour et pour les mêmes motifs, entachée d'erreur de droit, d'erreur dans la qualification juridique des faits et de violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la seule mention d'un retour dans le pays d'origine ne saurait constituer, en l'absence d'autres éléments pertinents, une décision fixant précisément le pays de renvoi ; que le signataire de la décision fixant le pays de renvoi ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ; que l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prive cette décision de base légale ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 7 juin 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2010, présenté par le préfet du Nord qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le signataire des décisions attaquées disposait d'une délégation de signature régulière ; que le refus de séjour est suffisamment motivé ; que la requérante ne s'est prévalue que de la durée de sa présence en France, qui ne constitue pas, par elle-même, un motif exceptionnel d'admission au séjour, et d'aucune autre considération humanitaire relevant de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée ne parle pas le français et n'a jamais témoigné d'une volonté d'intégration dans la société française ; qu'elle séjourne de manière irrégulière sur le territoire français avec son époux et ne fait état d'aucune circonstance s'opposant à la reconstitution de la cellule familiale en Thaïlande, où se trouvent toutes ses attaches familiales ; qu'ainsi, malgré la durée du séjour en France et les liens tissés dans ce pays, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si elle dispose de promesses d'embauche, elle ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'état de santé de la requérante, qui n'a pas demandé la délivrance d'un titre en qualité d'étranger malade, ne justifie pas son maintien sur le territoire national ; que l'obligation de quitter le territoire est suffisamment motivée ; que la requérante n'entre pas dans les prévisions des dispositions protectrices de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et peut, dès lors, être éloignée vers son pays d'origine ; que, compte tenu de ce qui précède, l'obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi se réfère nécessairement à la Thaïlande, pays dont la requérante est ressortissante ; que cette décision n'est pas dépourvue de base légale et ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A, ressortissante thaïlandaise née le 24 octobre 1961, relève appel du jugement, en date du 11 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 12 juin 2009, par lequel le préfet du Nord a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

Sur la légalité du refus d'admission exceptionnelle au séjour :

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté en date du 3 novembre 2008, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, M. Guillaume B, secrétaire général adjoint de ladite préfecture, a reçu délégation de signature du préfet du Nord à l'effet de signer, notamment, tous arrêtés et décisions relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques, au nombre desquelles figurent les décisions prises en matière de police des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de séjour attaqué manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la commission du titre de séjour : Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément à ces dispositions, un procès-verbal de l'audition de Mme A et de son époux devant la commission du titre de séjour a été établi et transmis au préfet ; que l'avis défavorable émis le 16 avril 2009 par ladite commission sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour des intéressés indique que ladite demande ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir ; que ledit avis satisfait ainsi à l'exigence de motivation posée à l'article R. 312-8 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que le refus de séjour attaqué comporte l'indication des circonstances de droit ou de fait sur lesquelles il se fonde et, par suite, est suffisamment motivé ; que, contrairement à ce que soutient Mme A, le préfet du Nord, pour justifier ledit refus, ne s'est pas borné à faire état de l'avis défavorable de la commission du titre de séjour, mais s'est également référé à des éléments précis de la situation personnelle et familiale de la requérante, qui a donc fait l'objet d'un examen particulier ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne postulent pas que le fait de résider habituellement en France depuis plus de dix ans constituerait un motif exceptionnel d'admission au séjour, laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; qu'en appréciant ainsi le bien-fondé de la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par Mme A au regard de l'ensemble des éléments de fait caractérisant sa situation personnelle et qu'elle a pu faire valoir devant la commission du titre de séjour, sans estimer que la durée de son séjour en France constituait à elle seule un motif exceptionnel d'admission au séjour, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que si Mme A, dont la présence en France depuis 1991 n'est pas contestée par le préfet, expose qu'elle a noué dans ce pays l'ensemble de ses relations sociales, amicales ou professionnelles, elle a indiqué devant la commission du titre de séjour n'être sortie de l'ombre qu'à partir de l'année 2005, et elle ne justifie d'aucune relation autre que celle qu'elle entretient avec son époux, avec lequel elle s'est unie en octobre 2006, et qui se maintient également de manière irrégulière sur le territoire national depuis plus de dix-huit ans ; qu'elle ne conteste pas ne pas maîtriser la langue française et vivre d'expédients, et ne fait état d'aucun élément témoignant d'une insertion réelle dans la société française ; qu'elle ne s'est pas prévalue, à l'appui de sa demande, de la gravité de son état de santé, qui n'est, en tout état de cause, pas démontrée ; qu'elle n'invoque aucune autre circonstance s'opposant à son retour en Thaïlande, où vivent l'ensemble de ses proches ainsi que ceux de son époux ; que, dans ces conditions, nonobstant la durée de son séjour en France et les circonstances qu'elle ne vive pas en état de polygamie et ne représente pas une menace pour l'ordre public, le refus d'admission exceptionnelle au séjour que lui a opposé le préfet du Nord n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, pour les mêmes motifs, ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ;

Considérant, en premier lieu, que, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'obligation faite à Mme A de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le moyen tiré par Mme A de l'insuffisante motivation en droit et en fait de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire est inopérant et doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de séjour et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué rappelle expressément, dans ses visas, que Mme A a la nationalité thaïlandaise et indique, en son article 3, que celle-ci pourra, à l'expiration du délai d'un mois qui lui est imparti pour quitter le territoire national, être reconduite d'office à la frontière à destination du pays dont elle a la nationalité ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A, le préfet du Nord a fixé avec une précision suffisante le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée et satisfait, ainsi, aux prescriptions rappelées ci-dessus de l'article L. 511-1 ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision distincte fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et de l'absence de fixation du pays de renvoi doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral, en date du 12 juin 2009 ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marayad A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.

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N°10DA00828 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CARDON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 14/12/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA00828
Numéro NOR : CETATEXT000023564018 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-14;10da00828 ?
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