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16/12/2010 | FRANCE | N°10DA00627

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 16 décembre 2010, 10DA00627


Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 28 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par la SCP Frison et associés ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1000019 du 11 mai 2010 par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une mesure d'expertise tendant, après l'avoir examiné et pris conn

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Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 28 mai 2010 par la production de l'original, présentée pour M. Pascal A, demeurant ..., par la SCP Frison et associés ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1000019 du 11 mai 2010 par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une mesure d'expertise tendant, après l'avoir examiné et pris connaissance de tous documents utiles, à fixer la date de consolidation de son état, à préciser s'il demeure atteint d'une incapacité permanente partielle, dans l'affirmative, en fixer le taux, et à évaluer les divers préjudices subis à la suite des hospitalisations dont il a fait l'objet au centre hospitalier de Laon les 12 aout, 25 septembre et 8 octobre 2002 après un accident domestique ayant entraîné un fracture complète du talon droit ;

2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ;

M. A soutient que la première expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif d'Amiens le 3 juillet 2006, a conclu à l'existence d'une infection pouvant être qualifiée de nosocomiale ; que, pour écarter la nouvelle demande d'expertise qu'il lui avait présentée, le premier juge s'est livré à une interprétation erronée des circonstances de l'espèce, ainsi qu'à une inexacte application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; que le premier juge a statué ultra-petita en se prononçant sur la recevabilité du recours en indemnisation dirigé contre le centre hospitalier, alors que la demande qu'il avait présentée en référé, avait pour seul objet d'obtenir que soit ordonnée une expertise ; que sa lettre du 27 décembre 2002 a été regardée à tort comme constituant une demande préalable d'indemnisation ; qu'en effet, ce courrier ne mentionne ni le fait générateur de la créance invoquée, lequel était inconnu à la date à laquelle il a été rédigé, ni ne précise le montant de cette créance ; qu'à cette date, qui précédait plusieurs interventions ultérieures, son état de santé n'était pas consolidé et il ignorait qu'il avait contracté une infection nosocomiale ; qu'il entend invoquer la responsabilité pour risque en raison de l'infection nosocomiale dont il a été victime ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2010 par télécopie et régularisé le 8 septembre 2010 par la production de l'original, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dont le siège est 36 avenue du Général de Gaulle, Tour Galiéni II, à Bagnolet (93175) Cedex, représenté par son directeur en exercice, par l'association d'avocats Vatier et associés ; l'Office conclut à sa mise hors de cause ;

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales soutient qu'il entend s'en remettre à la sagesse de la Cour quant à la recevabilité et au bienfondé de la demande de complément d'expertise formée par

M. A ; qu'il fait cependant observer que la loi du 30 décembre 2002, qui a créé le régime de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales et qui a introduit à cet effet dans le code de la santé public un article L. 1142-1-1, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et que, le fait générateur du dommage invoqué en l'espèce par M. A étant apparu antérieurement à cette date, l'Office n'a pas vocation à prendre en charge les préjudices correspondants, au titre de la solidarité nationale ; que l'absence de caractère rétroactif de cette disposition a été confirmée par la jurisprudence ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2010 par télécopie et régularisé le 13 octobre 2010 par la production de l'original, présenté pour le Centre hospitalier de Laon, dont le siège est 33 rue Marcelin Berthelot à Laon (02009) Cedex 9, représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat aux conseils ; le Centre hospitalier de Laon conclut au rejet de la requête ;

Le Centre hospitalier de Laon soutient que, contrairement à ce qu'allègue M. A, le premier juge n'est pas sorti des limites relevant de sa compétence par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors qu'il lui appartenait d'apprécier l'utilité des mesures d'expertise sollicitées au regard des actions contentieuses engagées ou susceptibles de l'être par des recours recevables ; que c'est à bon droit que le caractère définitif de la décision prise le 9 avril 2003 par l'établissement exposant a été opposé à M. A pour dénier toute utilité à la mesure d'expertise qu'il sollicitait ; qu'il sera observé que l'intéressé ne conteste pas avoir reçu, le 11 avril 2003, notification de cette décision rejetant la demande d'indemnisation qu'il avait expressément et sans ambiguïté formulée dans un courrier adressé à l'établissement exposant le 27 décembre 2002, alors même que ce courrier ne comportait pas une demande chiffrée et que l'état de l'intéressé n'était alors pas consolidé ; que la mesure d'expertise sollicitée devant le premier juge le 5 janvier 2010, ne visait pas à lui permettre d'envisager une action en responsabilité dirigée contre l'établissement exposant et portant sur la réparation de préjudices distincts de ceux qui avaient fait l'objet de sa demande préalable d'indemnisation devenue définitive ; que, dans ces circonstances, le premier juge a pu écarter à bon droit cette demande d'expertise comme dépourvue du caractère utile requis, alors même que M. A avait pu invoquer l'aggravation de son état depuis le dépôt de sa demande préalable d'indemnisation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 octobre 2010 par télécopie et régularisé le 27 octobre 2010 par courrier original, par lequel M. A conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

M. A soutient, en outre, que si sa lettre du 27 décembre 2002 était regardée comme pouvant constituer une demande préalable d'indemnisation, il faudrait alors constater que celle-ci ne tendait qu'à la mise en jeu de la responsabilité pour faute de l'hôpital, au regard d'un préjudice évalué en 2002 ; que si l'exposant venait à engager une action aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice sur la base de la première expertise prescrite en référé et concluant au caractère nosocomial de l'infection qu'il a contractée, cette action porterait sur une cause juridique distincte de celle de sa demande préalable et serait, dès lors, recevable ; qu'en outre, en refusant de faire droit à la demande d'expertise que l'exposant lui avait présentée, le premier juge a remis incidemment en cause la précédente décision du juge des référés, en date du 3 juillet 2006, prescrivant une expertise, alors même que cette décision avait autorité de chose jugée au provisoire ; qu'enfin, le juge d'appel ne saurait confirmer le rejet prononcé par le premier juge sans méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibe les règles d'accès au juge qui seraient de nature à égarer le justiciable ou à altérer l'effectivité de son recours, dès lors que l'exposant n'a pas été informé, au stade du rejet de sa réclamation, des conséquences susceptibles de résulter d'une absence de contestation de sa part dans le délai imparti ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 novembre 2010 par télécopie, par lequel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés. et qu'aux termes de l'article R. 532-1 du même code : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ;

Considérant que, le 10 août 2002, M. A, alors âgé de 35 ans, a été admis en urgence au centre hospitalier de Laon (Aisne) après avoir été victime d'un accident domestique consistant en une chute d'une hauteur de 2,50 mètres ; qu'un bilan radiographique ayant révélé une fracture du talon droit avec enfoncement, l'intéressé a été opéré le surlendemain ; que cette intervention a été suivie de complications, se manifestant par des douleurs vives et par des nécroses cutanées, qui ont rendu nécessaire une deuxième opération chirurgicale, pratiquée le 8 octobre 2002 ; qu'au cours de cette intervention, une infection a été mise en évidence ; que, les complications persistant, M. A a subi, le 12 septembre 2006, une nouvelle intervention, puis plusieurs greffes de peau au centre hospitalier de Reims ; qu'aux termes d'un rapport déposé le 19 décembre 2006, M. le Docteur Jarde, expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif d'Amiens, a estimé, d'une part, que le Centre hospitalier de Laon avait administré à M. A des soins adaptés à son état, d'autre part, que l'infection que l'intéressé a contractée pouvait toutefois être qualifiée de nosocomiale, enfin, que, l'état de M. A n'étant pas consolidé, les chefs de préjudices subis par lui ne pouvaient être déterminés ; que M. A forme appel de l'ordonnance en date du 11 mai 2010 par laquelle le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à ce qu'une mesure d'expertise complémentaire tendant notamment, après l'avoir examiné et pris connaissance de tous documents utiles, à fixer la date de consolidation de son état et à évaluer les divers préjudices subis à la suite des hospitalisations dont il a fait l'objet au centre hospitalier de Laon, soit prescrite ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dont les dispositions, issues de la loi susvisée du 4 mars 2002, étaient en vigueur à la date des faits en cause : I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute./Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II.- Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail./Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ;

Considérant que, pour rejeter, par l'ordonnance attaquée, la demande d'expertise complémentaire que lui avait présentée M. A, le vice-président du Tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'alors que la demande préalable d'indemnisation que l'intéressé avait formée auprès du directeur du Centre hospitalier de Laon le 27 décembre 2002, avait été rejetée par une décision expresse en date du 9 avril 2003, devenue depuis définitive, l'expertise qu'il sollicitait dans le but de recueillir les éléments utiles à lui permettre d'introduire une action en responsabilité à l'encontre du Centre hospitalier de Laon en vue d'obtenir la réparation des mêmes préjudices, imputées aux mêmes fautes, ne présentait pas le caractère d'utilité exigé par les dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

Considérant, toutefois, que le rejet définitif du recours indemnitaire dirigé par

M. A contre le Centre hospitalier de Laon n'a pas pour effet de le priver de la possibilité d'engager l'action prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ni même de la faculté de rechercher la responsabilité du Centre hospitalier à raison de faits et causes juridiques distincts de ceux qu'il avait invoqués au soutien de son recours ; que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ce rejet définitif n'a, par suite, pu, par lui-même, priver d'utilité, au sens des dispositions sus-rappelées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, la mesure d'expertise sollicitée par M. A ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire ladite mesure au contradictoire du Centre hospitalier de Laon, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la Caisse primaire d'assurance maladie de Laon ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de l'ordonnance attaquée ni les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ladite ordonnance, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise médicale soit prescrite ;

ORDONNE :

Article 1er: L'ordonnance n°1000019 du vice-président du Tribunal administratif d'Amiens en date du 11 mai 2010 est annulée.

Article 2 : M le docteur Pierre B, élisant domicile au centre hospitalier Laennec, B.P.72, à Creil (60109) Cedex, est désigné comme expert avec mission, au contradictoire de M. A, du Centre hospitalier de Laon, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la Caisse primaire d'assurance maladie de Laon et après s'être fait communiquer tous documents utiles :

1°- d'examiner M. A ;

2°- de décrire les lésions et séquelles dont M. A est atteint, en distinguant celles qui seraient en lien direct avec les hospitalisations dont il a fait l'objet au centre hospitalier de Laon les 12 aout, 25 septembre et 8 octobre 2002, en particulier avec l'infection contractée par lui, et celles susceptibles de résulter de l'évolution prévisible de l'état qui était le sien avant son admission dans cet établissement ;

3°- de fixer la date de consolidation de son état ;

4°- de dire si M. A reste atteint d'une incapacité fonctionnelle partielle, dans l'affirmative, d'en déterminer le taux ;

5°- de fournir au juge les éléments propres à lui permettre de déterminer les autres préjudices subis par M. A, en particulier, celui lié à la période d'incapacité fonctionnelle totale, le pretium doloris, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique, ainsi que le préjudice lié aux troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ;

6°- plus généralement, de donner tous les éléments techniques permettant au juge d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues.

Article 3 : Après avoir prêté serment par écrit et conduit ses opérations conformément aux dispositions des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport en deux exemplaires au greffe de la Cour au plus tard le 30 avril 2011. Il en notifiera simultanément un exemplaire à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Pascal A, au Centre hospitalier de Laon, à l'Office national d'indemnisation des accidents iatrogènes et des infections nosocomiales, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Laon et à M. le docteur B, ès qualité d'expert.

Copie sera transmise au ministre de la santé et des sports.

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N°10DA00627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 10DA00627
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-16;10da00627 ?
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