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16/12/2010 | FRANCE | N°10DA01082

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 16 décembre 2010, 10DA01082


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 27 août 2010 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002042 du 23 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 juillet 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. Nesim A et désignant le pays de destination de cette mesure, lui a enjoint de proc

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Vu la requête, enregistrée le 26 août 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 27 août 2010 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002042 du 23 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 juillet 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. Nesim A et désignant le pays de destination de cette mesure, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de sa situation et a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bernard Foucher, président de la Cour, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Hanchard, pour M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 23 juillet 2010, l'arrêté du 19 juillet 2010 par lequel le PREFET DE L'EURE a décidé de reconduire à la frontière M. A, ressortissant turc, né le 8 mars 1978, et, par voie de conséquence, la décision du même jour désignant le pays de destination de cette mesure, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que M. A était fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige était insuffisamment motivé, dès lors que cet arrêté ne faisait aucune mention de la qualité de demandeur d'asile de l'intéressé, ni de ce que celui-ci avait fait état à plusieurs reprises d'éléments visant à établir qu'il encourrait des menaces en cas de retour dans son pays d'origine, ni, enfin, de l'arrêt du 26 novembre 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles avait annulé la décision désignant la Turquie comme pays de destination d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Considérant, toutefois, qu'ainsi que le fait valoir le PREFET DE L'EURE, qui forme appel de ce jugement, il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent notamment, sous le visa du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, que M. A, qui serait arrivé en France en juin 2006 sans être en mesure de justifier d'une entrée régulière, ni de la possession d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le cas visé par la disposition susmentionnée dudit code et permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière, d'autre part, qu'eu égard à sa situation personnelle et familiale, il ne serait pas porté au droit de l'intéressé, dont l'épouse était elle-même en situation irrégulière de séjour et qui n'établissait pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans le pays d'origine, une atteinte excessive ; qu'ainsi rédigés, ces motifs doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. A et permettant de s'assurer que le PREFET DE L'EURE s'est livré à un examen de la situation particulière de l'intéressé au regard des dispositions et stipulations applicables ; que, par suite, alors même que lesdits motifs ne font pas mention des demandes d'asile successivement formées par l'intéressé, ni de l'arrêt susmentionné de la Cour administrative d'appel de Versailles, ni ne reprennent l'ensemble des éléments caractérisant la situation privée et familiale de M. A, et même si certaines mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées, l'arrêté en litige répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions susrappelées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que par celles de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que, dès lors, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort sur le motif tiré de l'insuffisante motivation dudit arrêté pour en prononcer l'annulation et, par voie de conséquence, celle de la décision du même jour désignant le pays de renvoi ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au président de la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le président du Tribunal administratif de Rouen que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a déclaré être arrivé en France au début du mois de juin 2006, n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière, ni de ce qu'il aurait été alors en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il se trouvait ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue au 1° précité de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant le PREFET DE L'EURE à décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que

M. A, qui, ainsi qu'il a été dit, a déclaré, à la suite de son interpellation, être entré en France au cours du mois de juin 2006, fait état de ce qu'il aurait épousé religieusement une compatriote qui a donné naissance sur le territoire français le 2 mai 2010, à un enfant dont il a reconnu la paternité, ce dont il justifie par la production d'un extrait d'acte de naissance délivré par l'officier d'état civil de la commune de Mantes-la-Jolie, et avec laquelle la vie commune n'est pas sérieusement contestée ; qu'il ressort des derniers éléments d'information versés au dossier par M. A, que la Cour nationale du droit d'asile a reconnu à sa compagne le statut de réfugié, laquelle reconnaissance a une portée rétroactive ; qu'il est ainsi établi que la cellule familiale que l'intéressé a fondée en France ne pourrait, le cas échéant, se reconstituer sans risque dans son pays d'origine ; qu'ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard à l'intérêt qui s'attache à ce que M. A, dont au demeurant le rejet par l'Office de la demande de réexamen de sa situation, n'est pas devenu définitif, demeure auprès de sa compagne et de leur enfant en bas âge, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris et, dès lors, comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 23 juillet 2010, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 juillet 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A, de même que, par voie de conséquence, la décision du même jour désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé et, l'Etat étant dès lors partie perdante, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Nesim A.

Copie sera transmise au PREFET DE L'EURE.

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N°10DA01082 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard Foucher
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : HANCHARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 16/12/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA01082
Numéro NOR : CETATEXT000023958431 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-16;10da01082 ?
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