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29/12/2010 | FRANCE | N°09DA00826

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 décembre 2010, 09DA00826


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SOGEA CARONI venant aux droits de la société Sogea Nord SAS, dont le siège social est situé 274 boulevard Clemenceau à Marcq en Baroeul (59703), par Me Heyte, avocat ; la société SOGEA CARONI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202934 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné solidairement la société SOGEA CARONI et le Port autonome de Dunkerque à payer au syndicat mixte Dunkerque Neptune la somme de 44

9 184,16 euros, ainsi que les frais d'expertise de 23 155,97 euros et 1 0...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SOGEA CARONI venant aux droits de la société Sogea Nord SAS, dont le siège social est situé 274 boulevard Clemenceau à Marcq en Baroeul (59703), par Me Heyte, avocat ; la société SOGEA CARONI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202934 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné solidairement la société SOGEA CARONI et le Port autonome de Dunkerque à payer au syndicat mixte Dunkerque Neptune la somme de 449 184,16 euros, ainsi que les frais d'expertise de 23 155,97 euros et 1 000 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande du syndicat mixte Dunkerque Neptune et, subsidiairement, de limiter la responsabilité de la société SOGEA CARONI à 15 132,90 euros toutes taxes comprises et de condamner le Port autonome de Dunkerque à garantir la société de toute condamnation prononcée contre elle au profit du syndicat mixte Dunkerque Neptune et à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient qu'en application de l'article 9.6 du cahier des clauses administratives particulières, le délai de garantie fixé à un an pour l'ensemble des installations était expiré lorsque le syndicat mixte a recherché la responsabilité de la société ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré que cette clause n'écartait pas la garantie décennale ; que la jurisprudence admet la validité d'une clause contractuelle prévoyant l'aménagement ou la limitation de la responsabilité du cocontractant ; qu'à supposer la demande recevable la responsabilité de la société ne saurait être engagée qu'au titre du seul pieu rompu dans la nuit du 10 au 11 mars 2001 qui a fait l'objet de la demande contenue dans le mémoire introductif du syndicat le 2 août 2002 ; que les demandes portant sur les pieux n° 2, n° 3 et n° 4 n'ont été présentées que dans un mémoire enregistré le 20 octobre 2006 alors que la garantie des constructeurs était prescrite ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les demandes enregistrées le 2 août 2002 n'ont pu avoir d'effet interruptif s'agissant du pieu rompu dans la nuit du 8 au 9 février 2004 et des pieux rompus ultérieurement dans la mesure où ces demandes ne visaient qu'à l'examen des désordres affectant le pieu rompu dans la nuit du 10 au 11 mars 2001 ; que la demande de complément d'expertise, enregistrée le 25 novembre 2003, est également dépourvue d'effet interruptif à l'égard de ces autres pieux ; que, lors de l'appel de cette ordonnance devant la Cour administrative d'appel de Douai, il n'a à aucun moment été fait mention de la rupture de nouveaux pieux et, par conséquent, de nouveaux désordres ; que, par suite, l'ensemble de ces procédures de référé n'ont eu aucun effet interruptif de prescription s'agissant du second pieu rompu dans la nuit du 8 au 9 février 2004 ou des pieux rompus le 17 décembre 2005 et dans la nuit du 7 au 8 septembre 2006 ; que, par suite, le syndicat mixte Dunkerque Neptune ne peut rechercher la responsabilité de la société au titre des désordres affectant des pieux rompus dans la nuit du 8 au 9 février 2004, le 17 décembre 2005 et dans la nuit du 7 au 8 septembre 2006 ; que l'expert A a fait preuve de partialité en refusant d'admettre une autre cause que les faiblesses des soudures pour expliquer les désordres affectant les pieux ; que la société n'est pas responsable des désordres qui résultent exclusivement des interventions erronées du Port autonome de Dunkerque et des interventions ultérieures décidées par le syndicat mixte Dunkerque Neptune ; que le Port autonome de Dunkerque, qui a assuré la conception de l'ouvrage, a commis une erreur de conception en sous-estimant, selon un facteur de 2, l'incidence du clapot sur l'ouvrage ; que l'adjonction de pieux supplémentaires par le maître de l'ouvrage a abouti à un raidissement des liaisons entre les caissons, ce qui a encore aggravé la faiblesse de l'ensemble ; que, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, les résultats recueillis par le laboratoire national d'essais ne confirment nullement une mauvaise réalisation des soudures ; que le tribunal a retenu une condamnation d'un montant de 490 165,62 euros TTC alors que le rapport d'expertise établissait un préjudice total de 224 328,31 euros TTC, dans la mesure où le total des factures s'élevait à 182 386,81 euros TTC, et non à 205 561,86 euros, et qu'il y a lieu de déduire la somme de 58 161,49 euros correspondant aux travaux de maintenance réalisés par le maître de l'ouvrage ; que le montant à prendre en compte serait donc de 124 225,32 euros, somme à laquelle il faudrait ajouter une somme de 6 793,95 euros, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise ; que la réclamation portant sur 490 165,62 euros est donc sans commune mesure avec le montant du marché initial et avec les montants détaillés au cours des opérations d'expertise ; qu'ainsi, le montant total d'indemnisation ne pouvait excéder 131 589,27 euros ; qu'il en va de même s'agissant du prix de réparation de pieux qui s'élève à 21 618,42 euros TTC alors que le syndicat réclamait une somme de 69 558,53 euros TTC ; que la société SOGEA CARONI n'a pas à supporter des frais de réparations injustifiés constituant un enrichissement sans cause pour le syndicat ; qu'à supposer que la Cour retienne la responsabilité de la société pour le premier pieu, celle-ci ne doit pas être condamnée à une somme supérieure à 15 132,90 euros TTC ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 août 2009, présenté pour le Port autonome de Dunkerque, dont le siège social est situé Terre plein Guillain, BP 6539 à Dunkerque cedex 1 (59140), par Me Hanicotte, avocat ; il forme appel incident contre le jugement du tribunal administratif dont il demande l'annulation, conclut à ce que le syndicat mixte Dunkerque Neptune soit débouté de ses demandes et, subsidiairement, de limiter la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge en excluant du préjudice indemnisable les dépenses relatives aux 2ème, 3ème et 4ème pieux et à la condamnation du syndicat mixte Dunkerque Neptune à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les motifs que la durée de garantie des ouvrages était limitée à un an, en vertu des stipulations de l'article 9.6 du cahier des clauses administratives particulières, et que cette limitation de garantie est également applicable en ce qui concerne le maître d'oeuvre de l'opération ; que les garanties susceptibles d'être mises en jeu doivent tenir compte des dates de bris des pieux, soit le mois de mars 2001 en ce qui concerne le premier pieu, puis le mois de février 2004 en ce qui concerne le second, le mois de décembre 2005 s'agissant du troisième et, enfin, le mois de septembre 2006 pour ce qui est du quatrième ; que la garantie décennale des constructeurs n'est pas susceptible de s'appliquer, s'agissant des bris des 2ème, 3ème et 4ème pieux, dès lors que la demande initiale du 2 août 2002 ne visait que le seul premier pieu rompu en mars 2001 et que l'extension des opérations d'expertise à l'ensemble des pieux n'a pas fait référence à la rupture du second pieu en février 2004 ; que le maître d'ouvrage a fait référence, pour la première fois, au bris du second pieux le 20 octobre 2006, alors que le délai de garantie décennale expirait le 28 mai 2004 ; que les procédures de référé expertise engagées ne pouvaient interrompre la prescription que pour les désordres visés par ces procédures ; que le maître d'ouvrage n'a pas interrompu le délai de garantie décennale pour les 2ème, 3ème et 4ème pieux ; que la prescription n'a pas été interrompue à l'égard du Port autonome de Dunkerque dans la mesure où celui-ci n'a été saisi de la procédure que par la communication de la demande par le tribunal ou par celle de la société SOGEA CARONI ; que le syndicat mixte Dunkerque Neptune n'a fait valoir de demande à l'encontre du Port autonome de Dunkerque que par un mémoire enregistré le 20 octobre 2006, postérieurement à l'expiration du délai de garantie le 28 mai 2004 ; que le port autonome, maître d'oeuvre des travaux, n'est aucunement responsable du bris des pieux qui est entièrement imputable à des défauts de soudure et non à un défaut de conception ; que le Port autonome de Dunkerque n'a, par la suite, aucunement participé au remaniement des pieux opéré par le maître d'ouvrage ; que dès la phase de conception du projet le Port autonome de Dunkerque avait informé le maître d'oeuvre que le dimensionnement et l'implantation des installations ne permettaient pas de garantir la solidité de l'ouvrage contre les vagues d'étrave créées par le passage des bateaux ; que la part de responsabilité de 30 % imputée au Port autonome de Dunkerque est excessive et doit être réduite dès lors que l'entière responsabilité des bris incombe au sous-traitant chargé des soudures par la société SOGEA CARONI ; que le préjudice qui pourrait être invoqué par le maître d'ouvrage s'élève au maximum à 146 021,48 euros TTC ; que les causes des ruptures des 2ème, 3ème et 4ème pieux ne sont pas établies par une expertise et ont simplement été réputées identiques à celle du premier pieu ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2009, présenté pour le syndicat mixte Dunkerque Neptune, dont le siège social est situé à l'Hôtel de Ville de Dunkerque, place Charles Valentin à Dunkerque (59140), par Me Cattoir, avocat ; le syndicat mixte conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Lille du 31 mars 2009 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes tendant à la condamnation de la société SOGEA CARONI et du Port autonome de Dunkerque à lui payer une somme de 503 907,66 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 18 juillet 2002 avec capitalisation à compter du 18 juillet 2003 ainsi qu'aux entiers dépens et à une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le délai de garantie d'un an mentionné à l'article 9.6 du CCAP ne concerne que la garantie de bon fonctionnement et non la garantie décennale ; que la réception des travaux étant intervenue le 28 mai 1994, la requête à fin d'expertise enregistrée le 18 juillet 2002 est intervenue avant l'expiration du délai de 10 ans le 28 mai 2004 et a donc pu valablement interrompre le délai de garantie décennale ; que les désordres qui ont affecté les 2ème, 3ème et 4ème pieux étant de même nature et de même origine que ceux qui ont motivé l'introduction de la procédure d'expertise par suite de la rupture du premier pieu, le maître d'ouvrage bénéficie de l'interruption de la prescription pour les désordres affectant l'ensemble des pieux ; que l'installation est affectée de vices de conception tenant à l'emploi de matériaux impropres ou insuffisants dont la mise en oeuvre n'a pas fait l'objet de notes de calcul, contrairement à ce qui était prévu par l'article I-4 du cahier des clauses techniques particulières, et à des notes de calcul établies sur des paramètres erronés et de vices de construction tenant à la mauvaise exécution des travaux de soudure qui n'ont fait l'objet ni d'un protocole d'assemblage ni d'une procédure de contrôle, lesquels vices sont imputables à la société SOGEA CARONI ; que la responsabilité du Port autonome de Dunkerque est engagée par suite des défauts dans la direction et la surveillance des travaux, relevés par l'expert, ainsi que par les négligences dans les fonctions de conseil de vérification ; qu'il y a lieu d'ajouter à la somme retenue par le tribunal administratif un montant de 54 381,05 euros correspondant aux travaux supplémentaires de réfection des attaches ; que les montants invoqués par la société SOGEA CARONI et par le Port autonome de Dunkerque pour contester l'indemnité mise à leur charge omettent de tenir compte de certains travaux ou en qualifient à tort d'autres de travaux de maintenance ; que le coût total du chantier correspond aux travaux nécessaires au remplacement des pieux défaillants qui ont tous été posés par la société SOGEA CARONI et n'emporte donc aucun enrichissement sans cause du syndicat mixte ; que des frais de personnel de 6 840,05 euros correspondent au temps passé pour la mise en sécurité du site et pour le suivi des travaux de réparation ; qu'il y a lieu d'ajouter à la condamnation initiale une somme de 13 742,04 euros correspondant à la réfection du 4ème pieu ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2010, présenté pour le Grand port maritime de Dunkerque venant aux droits du Port autonome de Dunkerque, par Me Hanicotte ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ; il ajoute, en outre, que si l'expert judiciaire a fait part de griefs techniques à l'encontre du maître d'oeuvre, ces griefs ne sont pas la cause directe de la rupture des pieux, laquelle reste la mauvaise qualité des soudures et que, s'agissant de la conception, le maître d'ouvrage a refusé de procéder aux études complémentaires suggérées par la maîtrise d'oeuvre ; que, par ailleurs, le cahier des clauses techniques particulières ne contient aucune instruction quant à l'assemblage des viroles et au contrôle des soudures ; que, s'agissant des soudures, les attributions du maître d'oeuvre se limitaient à valider la note de calcul ; que l'absence de prescription sur le mode d'assemblage des viroles dans le CCTP résultait du choix de réaliser des pieux en usine pour les livrer ensuite sur site ; que les matériaux utilisés correspondent aux préconisations techniques, nonobstant ce qu'évoque le rapport d'expertise sans l'établir ; que le Grand port maritime de Dunkerque a assuré un suivi constant et attentif du chantier, ainsi qu'il ressort de l'organisation mise en place ;

Vu l'ordonnance, en date du 22 juin 2010, fixant la clôture de l'instruction au 20 août 2010 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juillet 2010, présenté pour le syndicat mixte Dunkerque Neptune ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2010, présenté pour la société SOGEA CARONI ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu l'entier dossier des instances en référé administratif n° 02-2918 et 03-5514, les ordonnances du président du tribunal en date du 9 octobre 2002, du 2 janvier 2003 et du 21 janvier 2004, le rapport d'expertise enregistré le 9 septembre 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Le Briquir, pour la société SOGEA CARONI, Me Cattoir, pour le syndicat mixte Dunkerque Neptune, et Me Carlier, substituant Me Hanicotte, pour le Grand Port maritime de Dunkerque ;

Considérant que, pour protéger les bateaux amarrés dans le bassin du Grand Large au Port Est de Dunkerque, le syndicat mixte Dunkerque Neptune a fait installer un brise clapot flottant amarré à des pieux ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée au Port autonome de Dunkerque par le syndicat susnommé et la construction de l'ouvrage à la société Sogea Nord, par acte d'engagement en date du 22 décembre 1993 ; que, par suite de la rupture de pieux de fixation des caissons, le syndicat mixte Dunkerque Neptune a obtenu la condamnation solidaire de la société SOGEA CARONI et du Port autonome de Dunkerque à l'indemniser des divers préjudices consécutifs à ces ruptures de pieux ; que la société SOGEA CARONI, venant aux droits de la société Sogea Nord, relève appel du jugement du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a solidairement condamnée, avec le Port autonome de Dunkerque, à verser au syndicat mixte Dunkerque Neptune une somme de 449 184,16 euros sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par appel incident, le Grand Port Maritime de Dunkerque venant aux droits du Port autonome de Dunkerque demande sa mise hors de cause et le syndicat mixte demande à ce que la condamnation soit portée à 503 907,66 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 18 juillet 2002 avec capitalisation à compter du 18 juillet 2003 ;

Sur les conclusions d'appel principal de la société SOGEA CARONI et d'appel incident du Port autonome de Dunkerque :

En ce qui concerne l'appel principal de la société SOGEA CARONI :

Considérant que les stipulations de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières écartent toute dérogation aux documents généraux ; que l'article 45 du cahier des clauses administratives générales -travaux-, lequel figure parmi les documents généraux du marché, prévoit l'application du régime de responsabilité résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par suite, la société SOGEA CARONI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les stipulations de l'article 9.6 du cahier des clauses administratives particulières, qui prévoient un délai de garantie de 1 an pour l'ensemble des installations, n'avaient ni pour objet ni pour effet de limiter la durée de la garantie des constructeurs à cette dernière durée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M. A, expert désigné par le président du tribunal administratif, que l'ouvrage est constitué par un ensemble de quatre caissons de béton armé de 25 mètres de long, 5 mètres de large et 2 mètres de hauteur, les caissons étant raccordés longitudinalement entre eux par une chaîne et arrimés à l'une de leur extrémité à un pieu métallique ancré dans le fond ; que lesdits pieux, dont la réalisation incombait à la société Sogea Nord, qui constituent la base du dispositif d'ancrage de l'ensemble, sont constitués, selon le CCTP, par un tube métallique de 666 mm de diamètre et ont une longueur de 22 mètres ; que l'ouvrage en cause a fait l'objet d'une réception, à effet du 28 mai 1994, sans réserve quant aux pieux d'ancrage ; que, postérieurement à cette réception, le syndicat mixte Dunkerque Neptune a fait installer, à son initiative, un premier pieu supplémentaire en janvier 1995 pour renforcer l'attache du caisson n° 2, désormais retenu par un pieu à chacune de ses extrémités longitudinales, puis, en 2000, un second pieu supplémentaire, selon le même principe d'implantation, à l'extrémité du caisson n° 1 ; que l'ouvrage a été affecté par la rupture, le 10 mars 2001, du pieu d'ancrage n° 3 du caisson n° 2, puis par les ruptures, le 9 février 2004, du pieu d'ancrage n° 5 du caisson n° 3, le 17 décembre 2005 du pieu d'ancrage n° 4 du caisson n° 2 et le 8 septembre 2006 du pieu d'ancrage n° 1 du caisson n° 1 ;

Considérant, en premier lieu, que les deux premières ruptures de pieux sont intervenues les 10 mars 2001 et 9 février 2004, soit avant l'expiration du délai d'épreuve le 28 mai 2004 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise susmentionné, que du fait de la liaison des caissons et des contraintes que subit l'ensemble constitué par les caissons et leurs pieux d'arrimage, la rupture d'un seul pieu est suffisante pour remettre en cause la solidité de l'ensemble ; qu'ainsi, la rupture d'un seul pieu suffit pour rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, par suite, les désordres résultant des ruptures de pieux survenues postérieurement à l'expiration du délai d'épreuve, et qui ont la même cause tenant à la fragilité des soudures, sont de même nature que ceux qui sont consécutifs aux ruptures de pieux survenues durant ce délai, et engagent également la responsabilité de la société SOGEA CARONI au titre de la garantie des constructeurs ; que ladite société n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la demande d'expertise formulée par le maître de l'ouvrage, le 18 juillet 2002, avait eu pour effet d'interrompre le délai d'épreuve en ce qui concerne les ruptures de pieux survenues après le 28 mai 2004 et que sa responsabilité, au titre de la garantie des constructeurs, serait limitée aux désordres résultant des ruptures de pieux antérieures au 28 mai 2004 ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, que les pieux, longs de 22 mètres et constitués par deux viroles soudées, n'avaient pas été définis selon des notes de calcul conformes au cahier des clauses techniques particulières ; qu'il ressort du même rapport d'expertise que toutes les ruptures de pieux sont intervenues à la réunion des deux viroles, en raison du fait que les soudures n'ont pas été réalisées dans les règles de l'art et ont laissé apparaître des défauts de nature à affecter la solidité des assemblages ; que, selon l'étude réalisée par le cabinet Acri In le 6 octobre 2004 à la demande de la société Sogea Nord, l'adjonction des pieux supplémentaires après la réception de l'ouvrage aurait eu pour effet de raidir l'ancrage et de soumettre l'ouvrage à des efforts supplémentaires nouveaux par rapport à son état initial ; que, toutefois, selon le rapport susmentionné de l'expert, contrairement à ce que soutient la société SOGEA CARONI, cette adjonction de pieux supplémentaires n'a pas significativement modifié le comportement de l'ouvrage, les ruptures de pieux ayant affecté indifféremment un pieu associé à un caisson dont l'arrimage était renforcé par un deuxième pieu et un pieu associé à un caisson dont l'arrimage n'avait pas été modifié ; que, dès lors, la cause des désordres est constituée par la rupture des pieux résultant de leur seule mauvaise qualité ; que, par suite, la société SOGEA CARONI n'est pas fondée à soutenir que les modifications apportées à l'ouvrage par le syndicat mixte sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité de constructeur ;

Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le montant total des préjudices retenu par les premiers juges s'élève à la somme de 449 184,16 euros ; que pour contester ce montant, la société SOGEA CARONI se base, d'une part, sur un préjudice total qui aurait été évalué par l'expert à 224 328,31 euros, dont elle soutient également que le montant devrait être réduit à 182 386,81 euros et, d'autre part, sur la remise en cause à hauteur de 24 932,28 euros d'une somme de 31 726,23 euros, comprenant divers frais liés à l'expertise, retenue par l'expert ; que, toutefois, il ne ressort pas des éléments invoqués par la société SOGEA CARONI, laquelle se borne, pour justifier sa contestation, à totaliser les factures dont elle demande la prise en compte pour déterminer le montant du préjudice sans préciser celles dont elle demande l'exclusion, que le tribunal administratif aurait retenu à tort un préjudice total de 449 184,16 euros ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que les écarts importants de coûts observés en fonction des pieux remplacés sont justifiés par l'acheminement de certains équipements spécifiques au travail en mer qui n'étaient pas disponibles à Dunkerque au moment où le remplacement est intervenu ; que, par suite, la société SOGEA CARONI n'est pas davantage fondée à soutenir que l'indemnité mise à sa charge entraînerait un enrichissement sans cause du syndicat mixte Dunkerque Neptune ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SOGEA CARONI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille l'a déclarée responsable, au titre de la garantie des constructeurs, des désordres résultant de la rupture des pieux d'arrimage des caissons et l'a condamnée sur la base d'un préjudice évalué à 449 184,16 euros ;

En ce qui concerne l'appel incident du Port autonome de Dunkerque :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du Port autonome de Dunkerque ;

Considérant que le syndicat mixte Dunkerque Neptune a directement mis le Port autonome de Dunkerque en cause dans les désordres qui ont affecté les brise-clapot flottants pour la première fois dans un mémoire enregistré le 20 octobre 2006, ainsi qu'il ressort de la demande de première instance ; que cette mise en cause au titre de la garantie des constructeurs est donc intervenue après l'expiration du délai d'action de dix ans le 28 mai 2004 ; que, ni la procédure de référé, engagée le 2 août 2002 par le syndicat mixte Dunkerque Neptune, dans laquelle le port autonome n'a été appelé qu'à la demande de la société Sogea Nord, ni l'instance au fond engagée également le 2 août 2002, dans laquelle le Port autonome de Dunkerque a été appelé à l'initiative du tribunal administratif, ne constituent des actes interruptifs du délai de 10 ans dont disposait le syndicat mixte Dunkerque Neptune pour rechercher la responsabilité du Port autonome de Dunkerque au titre de la garantie des constructeurs ; que, dès lors, ce dernier est fondé à soutenir qu'avant la date du 24 mai 2004, à laquelle expirait la garantie décennale attachée à l'ouvrage, le syndicat mixte Dunkerque Neptune n'avait accompli à son égard aucun acte de nature à interrompre ce délai ; que, par suite, le Port autonome de Dunkerque est fondé à soutenir qu'il ne pouvait être condamné, au titre de la garantie des constructeurs, s'agissant de l'ouvrage constitué par le brise clapot litigieux ;

Sur l'appel incident du syndicat mixte Dunkerque Neptune :

Considérant que le syndicat mixte Dunkerque Neptune demande que la condamnation prononcée par le tribunal administratif au titre de la garantie des constructeurs soit portée à 503 907,66 euros, correspondant à la prise en compte d'une somme de 13 742,04 euros relative à la réparation du désordre occasionné par la rupture du 4ème pieu survenue en septembre 2006 ; que, toutefois, la réalité et l'objet de cette dépense ne sont attestés que par la production d'un mandat de paiement adressé à la société Degaie SA le 6 septembre 2007 en paiement d'une facture du 31 août 2007 relative à la fourniture et à la pose d'un ponton ; qu'il ne ressort pas de ces documents que ladite dépense serait directement en rapport avec le désordre associé à la rupture du 4ème pieu ; que, par suite, les conclusions du syndicat mixte Dunkerque Neptune, tendant à ce que la condamnation prononcée à ce titre par le tribunal administratif soit portée à 503 907,66 euros, doivent être rejetées ;

Sur l'appel en garantie de la société SOGEA CARONI :

Considérant que la société SOGEA CARONI demande la condamnation du Port autonome de Dunkerque, aux droits duquel vient le Grand Port Maritime de Dunkerque, à la garantir, en sa qualité de maître d'oeuvre, à hauteur d'au moins 50 % des condamnations prononcées contre elle ; qu'il résulte de l'instruction que les caractéristiques et le dimensionnement de l'ouvrage définis par le CCTP, élaboré par le maître d'oeuvre, se situent au minimum de ce qui est requis pour un tel ouvrage ; que le maître d'oeuvre n'a, par ailleurs, pas vérifié au cours du chantier que le respect de ces exigences minimales avait été assuré au stade de la réalisation de l'ouvrage ; que, dès lors, le Grand Port Maritime de Dunkerque n'est pas fondé à soutenir que les désordres, dont il est demandé réparation, seraient exclusivement imputables aux fautes commises par la société SOGEA CARONI et à la société sous traitante chargée d'exécuter les travaux de soudure ; que les manquements ainsi commis dans l'exécution de sa mission par le maître d'oeuvre constituent une faute caractérisée et d'une gravité suffisante de nature à engager sa responsabilité envers la société SOGEA CARONI ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant le Port autonome de Dunkerque à garantir la société SOGEA CARONI à concurrence de 30 % du montant de la réparation des chefs de préjudice, chiffrée à la somme de 449 184,16 euros ;

Sur les frais de l'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ;

Considérant que si le Grand Port Maritime de Dunkerque est relevé de la condamnation solidaire mise à sa charge par les premiers juges avec la société SOGEA CARONI, ledit port est néanmoins appelé à garantir la société SOGEA CARONI ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner par le présent arrêt, la société SOGEA CARONI et le Grand Port Maritime de Dunkerque à supporter, respectivement à concurrence de 16 155,97 euros pour la première et 7 000 euros pour le second, les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 23 155,97 euros ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société SOGEA CARONI doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société SOGEA CARONI à payer au syndicat mixte Dunkerque Neptune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, en troisième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le syndicat mixte Dunkerque Neptune à verser au Grand port Maritime de Dunkerque une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, enfin, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du Grand Port Maritime de Dunkerque ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2ème du jugement n° 0202934 du 31 mars 2009 du Tribunal administratif de Lille sont annulés en tant qu'ils ont condamné solidairement le Grand Port Maritime de Dunkerque à verser avec la société SOGEA CARONI une somme de 449 184,16 euros au syndicat mixte Dunkerque Neptune au titre de la réparation des désordres affectant un brise clapot flottant au port Est de Dunkerque et une somme de 23 155,97 euros au titre des frais d'expertise.

Article 2 : Le Grand Port Maritime de Dunkerque est condamné à garantir la société SOGEA CARONI à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 23 155,97 euros sont mis à la charge de la société SOGEA CARONI, à hauteur de 16 155,97 euros, et du Grand Port Maritime de Dunkerque, à hauteur de 7 000 euros.

Article 4 : La société SOGEA CARONI versera au syndicat mixte Dunkerque Neptune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le syndicat mixte Dunkerque Neptune versera au Grand Port Maritime de Dunkerque une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société SOGEA CARONI, du Grand Port maritime de Dunkerque et du syndicat mixte Dunkerque Neptune est rejeté.

Article 7 : Le jugement n° 0202934 du Tribunal administratif de Lille, en date du 31 mars 2009, est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOGEA CARONI venant aux droits de la société Sogea Nord, au Grand Port Maritime de Dunkerque, venant aux droits du Port autonome de Dunkerque et au syndicat mixte Dunkerque Neptune.

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N°09DA00826 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00826
Date de la décision : 29/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP CATTOIR JOLY ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-29;09da00826 ?
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