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29/12/2010 | FRANCE | N°10DA00788

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 décembre 2010, 10DA00788


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000968, en date du 1er juin 2010, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté, en date du 2 mars 2010, par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Tracy A, l'a obligé à quitter le territoire et fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant

le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que M. A ne justifie pas être pr...

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000968, en date du 1er juin 2010, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté, en date du 2 mars 2010, par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Tracy A, l'a obligé à quitter le territoire et fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que M. A ne justifie pas être présent en France avant la date du 23 avril 2008 ; que Mme C, mère de son second fils, né le 20 septembre 2009, n'est titulaire que d'un titre de séjour délivré par les autorités allemandes, et n'a donc pas vocation à rester durablement sur le territoire national ; que les documents produits par M. A, qui ne vit pas avec les mères de ses fils, ne démontrent pas qu'il participe effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ; que, s'il soutient vivre avec Mme C, il a toujours déclaré aux services préfectoraux vivre chez M. B ; que, dans ces conditions, le tribunal n'était pas fondé à estimer que la décision attaquée méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que cette décision n'est, par ailleurs, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 27 septembre 2010 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 8 décembre 2010 et régularisé par la production de l'original le 9 décembre 2010, présenté pour M. Tracy A, demeurant chez Mme Carol C, ..., par la Selarl Eden Avocats ; M. A conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au non-lieu à statuer, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à verser à la Selarl Eden Avocats la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il soutient que la requête d'appel, qui n'articule aucun moyen à l'encontre du jugement attaqué, est irrecevable ; que la délivrance, le 14 juin 2010, d'un récépissé de demande de carte de séjour prive d'objet le litige, à tout le moins en ce qui concerne l'éloignement de l'intimé ; que le jugement attaqué a retenu à bon droit que l'arrêté préfectoral du 2 mars 2010 méconnaissait l'intérêt supérieur des deux enfants de l'intimé, qui justifie contribuer effectivement à leur éducation et à leur entretien ; que les autres moyens soulevés en première instance sont, en tout état de cause, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté litigieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, les observations de M. A ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

Considérant que si M. A s'est vu délivrer le 14 juin 2010 un récépissé de demande de carte de séjour, valable jusqu'au 13 septembre 2010, cette mesure a été prise pour assurer l'exécution de l'injonction ordonnée par le jugement attaqué ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y aurait plus lieu à statuer sur sa requête ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :

Considérant que la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME, si elle reprend l'argumentation développée en première instance, comporte une critique des motifs retenus par les premiers juges pour prononcer l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. A, elle répond aux exigences de motivation des requêtes prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et, est, par suite, recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant nigérian, déclarant sans pouvoir en justifier être entré en France en 2006, a reconnu être le père de l'enfant Willems D, né à Rouen le 23 avril 2008 de sa relation avec Mme D, également de nationalité nigériane, et séjournant en France en qualité de réfugiée ; que M. A a également reconnu être le père de l'enfant Kristal E, né à Rouen le 25 septembre 2009 de sa relation avec Mme C, ressortissante seychelloise ;

Considérant, en premier lieu, que les documents produits par M. A attestent seulement qu'entre la naissance de son premier fils et le mois de mars 2009, il a accompagné régulièrement ce dernier à la crèche et chez le pédiatre ; qu'aucune pièce postérieure au 9 mars 2009 ne démontre que M. A, qui s'est séparé de Mme D et déclare vivre en concubinage avec la mère de son second fils depuis février 2009, ait continué à entretenir des liens avec l'enfant, ni qu'il contribuerait effectivement à son entretien et son éducation ;

Considérant, en second lieu, que la mère du second fils de M. A dispose d'un droit au séjour permanent en Allemagne, et n'a donc pas vocation à séjourner durablement en France ; qu'il n'est pas établi qu'elle ne puisse pas suivre le père de son enfant au Nigeria, ni que la cellule familiale ne puisse se reconstituer en Allemagne ou aux Seychelles ;

Considérant, dans ces conditions, que l'arrêté attaqué n'a, par lui-même, pour effet ni de priver le premier fils de M. A de la présence de son père, avec lequel il n'a plus de relation depuis mars 2009, ni d'éclater la cellule familiale constituée par l'intimé, sa concubine et son second fils ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé, au motif qu'il aurait été pris en violation des stipulations rappelées ci-dessus de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le refus de séjour opposé à M. A et, par voie de conséquence l'obligation lui étant faite de quitter le territoire français, sous peine d'être reconduit à destination de son pays d'origine ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif ;

Sur les autres moyens d'annulation présentés en première instance :

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant, compte tenu de ce qui précède, et eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A en France, que le refus de séjour qui lui a été opposé ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde, ni que cette obligation aurait été prise en violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation lui étant faite de quitter le territoire ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A n'établit nullement que sa qualité de père d'un enfant né d'une réfugiée nigériane l'expose à des risques particuliers en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A ne peut utilement invoquer la violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de renvoi laquelle n'a pas, par

elle-même, pour effet de le séparer de ses enfants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué, en date du 2 mars 2010 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen, en date du 1er juin 2010, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Rouen et les conclusions d'appel de l'intéressé sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Tracy A.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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N°10DA00788 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/12/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA00788
Numéro NOR : CETATEXT000023564015 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-12-29;10da00788 ?
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