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25/01/2011 | FRANCE | N°09DA00803

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 25 janvier 2011, 09DA00803


Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. André A, demeurant ..., par Me Durand ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708182, en date du 12 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, droits et pénalités comprises, des rappels de TVA à laquelle a été assujettie la SARL Europ'ockas Auto au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
>3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'arti...

Vu la requête, enregistrée le 2 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. André A, demeurant ..., par Me Durand ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708182, en date du 12 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, droits et pénalités comprises, des rappels de TVA à laquelle a été assujettie la SARL Europ'ockas Auto au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'administration n'était pas en droit de mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue en cas d'opposition à contrôle fiscal, dès lors que le vérificateur ne s'est pas présenté au siège de la SARL Europ'Ockas Auto, à la date et à l'heure indiquées dans l'avis de vérification, et qu'il n'a donc pu constater l'opposition du contribuable au contrôle ; que le tribunal a dénaturé les faits et les pièces du dossier en considérant que la société contrôlée appliquait systématiquement la taxe sur la valeur ajoutée sur les prix de vente, alors que le vérificateur, dans la notification de redressements du 14 décembre 1998 a seulement indiqué que la société semblait appliquer systématiquement ladite taxe ; qu'à compter de l'entrée en vigueur des dispositions des articles 297A et 297 C du code général des impôts, transposant la 7ème directive communautaire, les livraisons effectuées par les revendeurs de biens d'occasion sont soumises de plein droit au régime particulier de la marge bénéficiaire, à moins qu'ils n'optent, opération par opération, en faveur du régime général ; que l'administration, dans la détermination du montant des rappels notifiés, a méconnu ces règles en n'appliquant pas le régime de la marge bénéficiaire ; que, pour justifier l'application de la majoration prévue à l'article 1730 du code général des impôts, les premiers juges se sont notamment appuyés sur la condamnation prononcée à l'encontre du requérant par le Tribunal de grande instance d'Arras, laquelle a été prononcée avant l'intervention de dégrèvements substantiels accordés par l'administration ; que le maintien des pénalités concernées ne peut davantage se justifier par la prétendue opposition du requérant au contrôle fiscal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 14 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, du fait du représentant de la SARL Europ'Ockas Auto qui a adressé au service un courrier en date du 25 juin 1998 l'informant qu'il était inutile de se rendre au siège social le 2 juillet suivant car la comptabilité n'y serait plus, la vérification de comptabilité de l'entreprise n'a pu avoir lieu, malgré les courriers qui lui ont été adressés les 18 mai et 9 et 15 juin 1998 ; que le service était dès lors fondé à mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que les impositions ayant été établies suivant cette procédure, le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en l'absence de dépôt de déclaration de TVA au titre de la période du 1er mars 1996 au 31 décembre 1997, la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-3° du même livre est également applicable ; qu'en vertu des dispositions de l'article 297 A du code général des impôts, le régime de la marge bénéficiaire ne s'applique que pour les livraisons de biens achetés auprès d'un non-redevable de la TVA ; que le service, ayant constaté que la société contrôlée appliquait systématiquement la TVA sur la totalité du prix de vente, a régulièrement fait application du régime de la marge pour les véhicules acquis auprès de non-redevables et appliqué le régime général aux ventes de véhicules acquis auprès de redevables de la taxe ; que M. A ne démontre pas que la taxation selon le régime de la marge a été insuffisamment pris en compte ; que l'opposition au contrôle étant caractérisée, l'administration a légalement assorti les impositions litigieuses de la majoration de 150 % prévue à l'article 1730 du code général des impôts ; que M. A, en qualité de gérant de la société contrôlée, a par ailleurs été reconnu coupable par la Cour d'appel de Douai d'avoir volontairement et frauduleusement soustrait la société à l'établissement et au paiement de la TVA due au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, et a été condamné au paiement solidaire des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ; qu'en application de l'ordonnance du 7 décembre 2005, le taux de la majoration a été ramené à 100 % à l'occasion de l'admission partielle de la réclamation de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A qui, par un arrêt de la Cour d'appel de Douai en date du 17 décembre 2002, a été condamné au paiement solidaire, pénalités y comprises, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle a été assujettie la SARL Europ'Ockas Auto, qui exploite un commerce de véhicules d'occasion, au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, relève appel du jugement, en date du 12 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions précitées ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Europ'Ockas Auto, dont le siège social était situé 1 rue Adéodat Lefèvre à Amiens (Somme), a été destinataire d'un avis de vérification de comptabilité en date du 30 avril 1998, adressé au lieu de son établissement principal situé 17 rue Emile Lenglet à Arras (Pas-de-Calais) ; que cet avis a été renvoyé au service avec la mention N'habite pas à l'adresse indiquée, retour à l'envoyeur ; que, le 18 mai 1998, un second avis de vérification a été remis en mains propres à M. Philippe B, associé de cette société, présent ce jour dans les locaux de l'entreprise situés à Arras ; que l'intéressé a contesté par écrit la compétence territoriale du vérificateur et indiqué que la comptabilité de l'entreprise ne se trouvait pas à Arras, mais au siège social à Amiens ou chez l'expert-comptable de la société ; que, par un courrier en date du 18 mai 1998, adressé au lieu de l'établissement d'Arras et au siège social de l'entreprise, le service a informé la société contrôlée de ce que les opérations de vérification relevaient de la direction des services fiscaux du Pas-de-Calais et l'a invitée à se rendre dans les locaux de l'administration le 3 juin 1998 afin d'évoquer les modalités pratiques du contrôle ; que, par un courrier en date du 27 mai 1998, la SARL Europ'Ockas Auto a répondu qu'elle n'avait pas d'établissement principal et que la vérification devait se dérouler à son siège social ou au cabinet de son expert-comptable ; que, par un courrier en date du 9 juin 1998, l'administration a donc informé la société concernée de ce que les opérations de contrôle seraient effectuées à Amiens ; qu'un troisième avis de vérification, en date du 15 juin 1998, a en conséquence été adressé au siège social de la société situé à Amiens, indiquant que la première intervention aurait lieu audit siège le 2 juillet suivant ; qu'en réponse à cet avis, la SARL Europ'Ockas Auto a adressé à la direction des services fiscaux du Pas-de-Calais un courrier, en date du 25 juin 1998, contestant une nouvelle fois la compétence territoriale de ladite direction, indiquant qu'en conséquence il était inutile de se présenter à Amiens le 2 juillet 1998 car la comptabilité n'y sera plus et précisant qu' il ne sera répondu à aucun courrier pendant la période de congés du gérant, allant du 29 juin au 3 août 1998 ; que, dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant sciemment fait obstacle à toute vérification de sa comptabilité ; que, dès lors, et sans que M. A puisse utilement se prévaloir de la circonstance que le vérificateur ne se serait pas présenté au siège social de l'entreprise à la date et à l'heure fixées par l'avis de vérification en date du 15 juin 1998, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales que les premiers juges ont estimé que l'attitude des dirigeants de la SARL Europ'Ockas Auto était constitutive d'une opposition à contrôle fiscal justifiant la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue audit article ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; qu'aux termes de l'article R.193-1 du même livre : Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ;

Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de dépôt par la SARL Europ'Ockas Auto de déclaration de TVA au cours de la période vérifiée, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise à partir de ses encaissements bancaires ; qu'ayant constaté, à partir d'un échantillon de factures, que la société contrôlée semblait appliquer systématiquement la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total , le vérificateur a déterminé le montant de la TVA collectée en tenant compte de cette manière de procéder ; que M. A, devant les premiers juges, n'a émis, sur ce point, aucune critique quant à la méthode suivie par le vérificateur ; qu'il n'a produit ni devant le tribunal, ni devant la Cour aucun élément de nature à établir que la pratique observée par le vérificateur sur un échantillon de factures ne correspondait pas à une pratique systématique de la société contrôlée ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les premiers juges, pour confirmer le montant des rappels opérés, auraient dénaturé les faits et les pièces du dossier en tenant pour acquis et non contesté que la SARL Europ'Ockas Auto appliquait systématiquement la TVA sur le prix de vente total des véhicules cédés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ; qu'aux termes de l'article 297 C du même code : Pour chaque livraison de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, les assujettis revendeurs peuvent appliquer les règles de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux autres assujettis ;

Considérant que M. A soutient que l'administration a méconnu les dispositions précitées des articles 297 A et 297 C du code général des impôts en déterminant le montant de la taxe collectée par la SARL Europ'Ockas Auto selon le régime général, en faveur duquel seul le revendeur pourrait opter, et non selon le régime de la TVA sur la marge prévu par le premier de ces articles et applicable de plein droit, selon le requérant, aux opérations de revente de biens d'occasion ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration, dans le cadre de sa reconstitution, a régulièrement fait application de ce régime particulier aux transactions entrant dans son champ d'application, lequel ne couvre que les livraisons de véhicules d'occasion acquis par la société contrôlée auprès de non-redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ou de personnes non autorisées à facturer cette taxe ; que la liste détaillée des opérations concernées a été communiquée à M. A, qui ne fournit aucun élément de nature à établir que les autres véhicules d'occasion revendus par la SARL Europ'Ockas Auto lui auraient été livrés par des non redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ou par des personnes qui n'étaient pas autorisées à facturer cette taxe au titre de ces livraisons ; que l'administration était dès lors fondée, en l'espèce, à appliquer le régime général de TVA aux opérations de revente de ces derniers véhicules ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : Dans le cas d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les suppléments de droits mis à la charge du contribuable sont assortis, outre l'intérêt de retard visé à l'article 1727 calculé dans les conditions définies à l'article 1727 A et au 2 de l'article 1729, d'une majoration de 150 p. 100 ; qu'aux termes de l'article 1732 du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 : La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés (...) ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales a été régulièrement mise en oeuvre par l'administration ; que celle-ci, qui a ultérieurement ramené le taux de la pénalité litigieuse à 100 % dans sa décision d'admission partielle en date du 12 octobre 2007, était dès lors fondée à assortir les rappels de TVA réclamés à la SARL Europ'Ockas Auto de la majoration prévue par l'article 1730 précité du code général des impôts en cas d'opposition à contrôle fiscal ; que l'hypothèse, formulée par M. A, selon laquelle les condamnations pénales prononcées à son encontre auraient été plus douces s'il avait été tenu compte des dégrèvements importants accordés, en définitive, par l'administration est sans incidence sur la nature et le taux des pénalités contestées, dont l'application ne procède que de la situation d'opposition à contrôle fiscal imputable à la SARL Europ'Ockas Auto ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. André A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°09DA00803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA00803
Date de la décision : 25/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CABINET DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-01-25;09da00803 ?
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