La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2011 | FRANCE | N°10DA01477

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 10 mars 2011, 10DA01477


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 23 novembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 25 novembre 2010, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par Me Mary ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002056 du 21 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 16 juin 2010, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une oblig

ation de quitter le territoire française et a fixé le pays de destinatio...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 23 novembre 2010 et régularisée par la production de l'original le 25 novembre 2010, présentée pour M. Emmanuel A, demeurant ..., par Me Mary ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002056 du 21 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 16 juin 2010, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire française et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Mary, avocat de M. A, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant rwandais, né en 1975, et déclarant être entré sur le territoire français en septembre 2007, relève appel du jugement du 21 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 16 juin 2010, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement desdites dispositions ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant ; que, dès lors, les moyens tirés, respectivement, de l'absence de consultation du médecin inspecteur de santé publique et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme inopérants ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il est intégré en France dès lors qu'il est actif dans le milieu associatif et qu'il suit avec succès des cours à l'université du Havre en vue d'obtenir une licence de sociologie ; que, toutefois, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. A, célibataire, qui n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident ses parents, ladite décision n'a pas porté au droit de l'intéressé, au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen que fait valoir M. A tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, enfin, que, pour les motifs précédemment exposés, la décision litigieuse refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émette un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la demande de titre de séjour de l'intéressé et du certificat médical d'un médecin psychiatre joint à cette demande, que M. A indique souffrir d'une pathologie psychiatrique post-traumatique liée aux évènements qui l'ont conduit à quitter le Rwanda ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime était tenu, alors même que l'intéressé n'a pas sollicité un titre de séjour en invoquant son état de santé, d'obtenir préalablement à l'intervention de la décision en litige l'avis du médecin inspecteur de santé publique, aux fins notamment de s'assurer que le défaut de prise en charge médicale de la pathologie de M. A ne serait pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et d'être informé sur les possibilités d'accès effectif à un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir qu'en ayant estimé que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Tribunal administratif de Rouen a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs aux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions contenues dans les articles 2 et 3 de l'arrêté du 16 juin 2010 du préfet de la Seine-Maritime ; qu'il est fondé à demander l'annulation de ces seuls articles de l'arrêté préfectoral attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté en litige, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, implique la délivrance à l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et également que le préfet, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, se prononce sur son droit à un titre de séjour ; que M. A est, dès lors, fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative d'une astreinte journalière ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Mary, conseil de M. A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de Me Mary au versement de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002056 du 21 octobre 2010 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 16 juin 2010.

Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 16 juin 2010 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Mary une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emmanuel A, au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

''

''

''

''

N°10DA01477 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA01477
Date de la décision : 10/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : MARY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-03-10;10da01477 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award