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17/03/2011 | FRANCE | N°08DA02131

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 17 mars 2011, 08DA02131


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 24 décembre 2008, présentée pour la SAFER FLANDRES ARTOIS, dont le siège social est situé 68 rue Jean Sans Peur, BP 1296 à Lille (59014 cedex), par Me Bué, avocat ; la SAFER FLANDRES ARTOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607825 du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de deux courriers de la direction régional

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Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 24 décembre 2008, présentée pour la SAFER FLANDRES ARTOIS, dont le siège social est situé 68 rue Jean Sans Peur, BP 1296 à Lille (59014 cedex), par Me Bué, avocat ; la SAFER FLANDRES ARTOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607825 du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de deux courriers de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt du Nord/Pas-de-Calais du 20 juin 2006 et de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Nord du 5 juillet 2006 relatifs à l'établissement de ses droits à paiement unique, ensemble de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre chargé de l'agriculture sur le recours hiérarchique qu'elle lui a présenté le 29 août 2006 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de statuer sur la demande d'attribution des droits à paiement unique formulée par la SAFER FLANDRES ARTOIS dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;

Vu le règlement (CE) n° 795/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application du régime de paiement unique prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes-Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Bué, pour la SAFER FLANDRES ARTOIS ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 5 juillet 2006 :

Considérant que les documents de calcul des droits historiques et la synthèse des droits à paiement unique ont pour objet la détermination du montant de l'aide au revenu accordée aux agriculteurs en application des dispositions du règlement susvisé du 29 septembre 2003 ; qu'ils ne constituent que le premier élément du calcul des droits préparant des décisions ultérieures relatives au régime de paiement unique institué par ledit règlement ; que, par suite, ces documents préparatoires ne présentent pas le caractère d'actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

Considérant que le courrier daté du 5 juillet 2006, par lequel le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Nord s'est borné à faire la synthèse des droits à paiement unique de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (SAFER) FLANDRES ARTOIS ne constitue qu'une indication sur les droits actualisés de l'intéressée ; que ce courrier, qui précise que les droits à paiement unique ne sont pas encore attribués de manière définitive, doit être regardé comme ne constituant qu'un élément intermédiaire du calcul des droits préparant la décision ultérieure fixant les droits à paiement unique définitifs ; qu'un tel document préparatoire ne présente pas le caractère d'un acte faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre ce document sont irrecevables ; qu'il en résulte que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre cette lettre ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 20 juin 2006 et la décision implicite née du silence ministériel gardé sur la demande du 29 août 2006 :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de la lettre contestée en date du 20 juin 2006 du directeur régional et départemental de l'agriculture et de la forêt du Nord/Pas-de-Calais qu'en réponse à un courrier de la société requérante en date du 2 juin 2006, cette autorité informe cette société qu'elle ne sera pas attributaire de droits à paiement unique historiques sur la période de référence ; que la SAFER FLANDRES ARTOIS soutient, sans être contestée, qu'en réponse à cette demande, aucune autre décision ne l'a, s'agissant de l'année 2006, informée qu'elle bénéficiait, ou non, de tels droits ; qu'ainsi, alors même que l'auteur de la lettre du 20 juin 2006 indique aviser la société requérante d'une information obtenue de l'administration centrale du ministère chargé de l'agriculture, cette lettre renferme un acte administratif unilatéral individuel faisant grief, comme tel susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en résulte que la SAFER FLANDRES ARTOIS est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande dirigées contre cette décision du 20 juin 2006 ;

Considérant, en second lieu, que, si la lettre du 29 août 2006 se présente comme un recours hiérarchique et rappelle l'existence de la décision susmentionnée du 20 juin 2006, cette lettre ne constitue pas, en réalité, un recours hiérarchique dirigé contre un acte d'un subordonné, mais tend à obtenir du ministre de l'agriculture l'expression d'un point de vue de portée générale sur les conditions d'application du règlement communautaire susvisé du 29 septembre 2003 aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, dont la requérante, et ce, en vue de susciter, selon les termes de cette lettre, une modification dans l'interprétation actuelle de la réglementation communautaire faite par l'administration centrale du ministère de l'agriculture ; que le silence gardé par le ministre à la suite de la réception, le 30 août 2006, de la lettre dont s'agit, n'a pas fait naître une décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge administratif ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande dirigées contre le silence gardé par le ministre sur une telle demande ;

Considérant, compte tenu de ce qui précède, qu'il n'y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement que sur les conclusions de la demande de première instance de la SAFER FLANDRES ARTOIS dirigées contre la décision du 20 juin 2006 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du règlement susvisé du 29 septembre 2003 : Le présent règlement établit : (...) - une aide au revenu des agriculteurs (ci-après dénommée le régime de paiement unique ) ; qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : Aux fins du présent règlement, on entend par : a) agriculteur : une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national au groupement ainsi qu'à ses membres, dont l'exploitation se trouve sur le territoire de la Communauté, tel que défini à l'article 299 du traité, et qui exerce une activité agricole (...) ; c) activité agricole : la production, l'élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l'élevage et la détention d'animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, telles que définies à l'article 5 ; qu'aux termes de l'article 33 du même règlement : Admissibilité au bénéfice de l'aide. 1. Les agriculteurs ont accès au régime de paiement unique : a) s'ils se sont vu octroyer un paiement au cours de la période de référence visée à l'article 38 au titre d'au moins un des régimes de soutien visés à l'annexe VI (...) ; qu'aux termes de l'article 34 du même règlement : 1. La première année d'application du régime de paiement unique, l'autorité compétente de l'Etat membre adresse un formulaire de demande à l'agriculteur visé à l'article 33, paragraphe 1, point a), en indiquant : a) le montant visé au chapitre 2 (ci-après dénommé le montant de référence ) ; b) Le nombre d'hectares visés à l'article 43 ; c) le nombre et la valeur de droits au paiement par hectare tels que définis au chapitre III. 2. Les agriculteurs adressent leur demande de participation au régime de paiement unique d'ici une date fixée par les Etats membres, mais au plus tard le 15 mai (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code rural : I. - Des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent être constituées pour contribuer, en milieu rural, à la mise en oeuvre du volet foncier de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire rural, dans le cadre des objectifs définis à l'article L. 111-2. Elles ont pour mission d'améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ou forestiers, par l'accroissement de la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, par la mise en valeur des sols et, éventuellement, par l'aménagement et le remaniement parcellaires. Elles concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique. Elles assurent la transparence du marché foncier rural (...). II. - Pour la réalisation des missions définies au I, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent : 1° Acquérir, dans le but de les rétrocéder, des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières ; 2° Se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession (... ) 3° Acquérir, dans le but d'améliorer les structures foncières, des parts de sociétés civiles à objet agricole (...) 4° Se livrer ou prêter leur concours, en vertu d'un mandat écrit, à des opérations immobilières portant sur les biens d'autrui et relatives au louage régi par le livre IV (nouveau) ; qu'aux termes de l'article L. 143-1 du code rural : Il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains à vocation agricole (...). Lorsque l'aliénation à titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement unique créés en application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ce droit de préemption peut s'exercer globalement sur l'ensemble ainsi constitué aux seules fins d'une rétrocession conjointe des terrains et des droits ainsi acquis, selon des modalités fixées par décret ; qu'aux termes de l'article L. 143-2 du même code : L'exercice de ce droit a pour objet, dans le cadre des objectifs définis par l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole : 1° L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ; 2° L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes (...) ; 3° La préservation de l'équilibre des exploitations (...) ; 4° La sauvegarde du caractère familial de l'exploitation ; 5° La lutte contre la spéculation foncière ; 6° La conservation d'exploitations viables existantes (...) ; 7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l'amélioration des structures sylvicoles (...) ; 8° La réalisation des projets de mise en valeur des paysages et de protection de l'environnement (...) ; 9° (...) la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains ; qu'aux termes de l'article R. 142-5 du code rural : Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ne peuvent, pour l'application des articles L. 141-1 à L. 141-5, garder des immeubles plus de cinq ans sous réserve des dispositions de l'article L. 142-5 ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des articles 1er et 33 du règlement précité du 29 septembre 2003 que, pour bénéficier du régime de paiement unique, au titre de terres qu'elle a acquises et non encore rétrocédées, une SAFER doit avoir la qualité d'agriculteur au sens du a de l'article 2 du règlement (CE) n° 1782/2003 précité et pour ce faire exercer une activité agricole au sens du c du même article ; qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 141-1, L. 143-1 et L. 143-2 du code rural que l'exercice direct d'une activité agricole ne fait pas partie des missions dévolues aux SAFER par la loi ; que, dès lors, les SAFER ne peuvent avoir la qualité d'agriculteur au sens de l'article 2 du règlement (CE) n° 1782/2003 précité ;

Considérant, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation, que, faute pour la SAFER FLANDRES ARTOIS, par application des dispositions combinées du règlement (CE) n° 1782/2003 et des articles L. 141-1, L. 143-1 et L. 143-2 du code rural et quel que soit à cet égard l'objet social que lui confèrent ses statuts, de pouvoir se prévaloir de la qualité d'agriculteur, cette société ne pouvait, en tout état de cause, prétendre percevoir les aides correspondant à des droits à paiement unique ; que, par suite, le directeur régional et départemental de l'agriculture et de la forêt du Nord/Pas-de-Calais était tenu de rejeter la demande de cette société tendant au bénéfice de droits à paiement unique historiques sur la période de référence ; qu'il en résulte que les moyens de la requête tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2006 ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution et que, dès lors, les conclusions de la SAFER FLANDRES ARTOIS tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet du Nord de statuer sur une demande d'attribution de droits à paiement unique ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la SAFER FLANDRES ARTOIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 0607825 du 9 octobre 2008 est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions de la demande de la SAFER FLANDRES ARTOIS tendant à l'annulation de la décision du directeur régional et départemental de l'agriculture et de la forêt du Nord/Pas-de-Calais du 20 juin 2006.

Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance de la SAFER FLANDRES ARTOIS tendant à l'annulation de la décision du directeur régional et départemental de l'agriculture et de la forêt du Nord/Pas-de-Calais du 20 juin 2006 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SAFER FLANDRES ARTOIS est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAFER FLANDRES ARTOIS et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

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N°08DA02131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA02131
Date de la décision : 17/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture - chasse et pêche - Institutions agricoles - Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

Agriculture - chasse et pêche - Exploitations agricoles - Aides communautaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : BUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-03-17;08da02131 ?
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