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17/03/2011 | FRANCE | N°09DA01468

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 mars 2011, 09DA01468


Vu le recours, enregistré le 9 octobre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif d'Amiens n° 0700443 du 11 juin 2009 qui a accordé à la Selas Pharmacie Grande Rue la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et 2002 et des rappels d

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Vu le recours, enregistré le 9 octobre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif d'Amiens n° 0700443 du 11 juin 2009 qui a accordé à la Selas Pharmacie Grande Rue la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et 2002 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2000 au 30 juin 2002 ;

2°) de rétablir les impositions en litige ;

3°) de condamner la Selas Pharmacie Grande Rue à lui rembourser la somme de 1 000 euros au paiement de laquelle l'Etat a été condamné en première instance au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que la Selas Pharmacie Grande Rue, qui exploite une officine de pharmacie à La Capelle (Aisne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos en 2001, 2002 et 2003 ; que le vérificateur a rehaussé le chiffre d'affaires des deux premiers exercices d'un montant égal à la différence entre celui figurant en comptabilité sur les comptes de recettes d'exploitation et celui figurant sur les récapitulatifs mensuels des recettes tirées des feuilles de soins présentées par les clients de la pharmacie, soit 120 412 euros pour l'exercice clos en 2001 et 60 210 euros pour l'exercice clos en 2002, et a notifié par proposition de rectification du 8 décembre 2004 des rappels d'imposition en matière d'impôt sur les sociétés, contribution sur l'impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée ; que suite aux observations du contribuable et à la saisine de la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires de l'Aisne, le service a confirmé l'intégralité des redressements et mis en recouvrement les impositions contestées le 20 octobre 2006 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT interjette appel du jugement du Tribunal administratif d'Amiens susvisé qui a accordé la décharge des impositions contestées sur la demande de la Selas Pharmacie Grande Rue qui faisait suite au rejet de sa réclamation préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ; qu'il résulte de l'instruction que les redressements en litige ont été notifiés selon la procédure contradictoire et que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Aisne a rendu un avis le 14 avril 2006, sur saisine de la Selas Pharmacie Grande Rue ; qu'il incombe par suite à l'administration fiscale d'établir le bien-fondé de l'imposition ;

Considérant que le vérificateur a réintégré au bénéfice imposable des exercices clos en 2001 et 2002 un montant égal à la différence, d'une part, entre le chiffre d'affaires ressortant de l'édition mensuelle des feuilles de soins adressées par la pharmacie aux organismes tiers payants, appelée liste détaillée des factures , et, d'autre part, le chiffre d'affaires effectivement comptabilisé au journal des ventes et aux comptes de produits de la classe 70 correspondants ; qu'il n'est pas contesté que l'édition mensuelle des feuilles de soins était le seul document justificatif des recettes d'exploitation qui a été présenté au cours du contrôle et que celui-ci retraçait l'intégralité des opérations de ventes effectuées au cours de la période concernée sur présentation des feuilles de soins des clients, nonobstant la circonstance qu'il ne correspondait pas à un récapitulatif de factures émises à l'occasion de ces opérations ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'insuffisance du chiffre d'affaires déclaré par la société pour les deux exercices en litige, au regard des éléments ressortant de l'examen de la comptabilité de l'entreprise ; que si la Selas Pharmacie Grande Rue soutient qu'au sein de ce document, les sommes inscrites au crédit du compte intitulé CPAM ANNUL 590 sous le code 300, correspondaient en réalité à une seconde facturation de certaines feuilles de soins pour lesquelles les organismes tiers payants avaient opposé un refus de remboursement et qu'il convenait, par suite, d'en extourner le montant des sommes à inscrire en recettes d'exploitation, la société n'a produit, que ce soit au cours du contrôle, de la procédure de redressement ou de l'instance juridictionnelle, aucun élément de nature à établir que le chiffre d'affaires résultant de ce document, constituant la seule pièce justificative de ses ventes, comportait une double facturation de certaines feuilles de soins et qu'il convenait par suite de corriger cette erreur comptable ; que si la société soutient que la reconstitution est incohérente au regard du nombre excessivement faible d'annulations opérées au cours de l'exercice clos en 2001 et des quatre premiers mois de l'exercice clos en 2002, elle n'établit ni que le taux moyen d'annulations dans les officines de sa catégorie est effectivement celui qu'elle invoque, ni que ce faible taux serait dû à autre chose qu'un comportement délibéré de sa part ayant consisté à ne pas rectifier les écritures d'origine malgré les rejets opérés par les tiers payants ; que si elle soutient ensuite qu'il résulte de la reconstitution du service un taux de marge brute excessif, elle n'apporte aucun élément au dossier de nature à établir la réalité des taux moyens de marge brute observés dans la profession alors qu'en tout état de cause, l'écart de marge peut s'expliquer, ainsi que le soutient le service, par la circonstance qu'au cours de la période vérifiée, une enquête judiciaire a révélé l'existence d'escroqueries commises par le gérant de la société au préjudice des tiers payants et consistant à demander et obtenir le remboursement de médicaments facturés fictivement par l'officine ; qu'enfin, la société n'apporte pas la preuve que les remboursements effectués sur ses comptes bancaires par les tiers payants étaient inférieurs aux montants des recettes reconstituées sur les deux exercices, alors qu'elle ne conteste pas que le chiffre d'affaires reconstitué résultant des données de la liasse fiscale était inférieur au montant des remboursements effectués sur ses comptes bancaires par les tiers payants au moins pour l'exercice clos en 2001 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Selas Pharmacie Grande Rue la décharge des impositions contestées ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer l'annulation du jugement attaqué ;

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

Considérant, en premier lieu, qu'en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les sommes réintégrées au bénéfice social ne pouvaient être qualifiées de revenus distribués aux associés de la Selas Pharmacie Grande Rue est sans influence sur le bien-fondé des impositions contestées qui ne concernent que les rappels assignés à la société elle-même ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors en vigueur : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (..) ; que dès lors que l'administration a fondé la mauvaise foi de la Selas Pharmacie Grande Rue sur la circonstance qu'au cours des deux exercices clos en 2001 et 2002, celle-ci a procédé à une minoration délibérée de son chiffre d'affaires en transmettant à son comptable de façon systématique et répétée des renseignements erronés sur la réalité de ses recettes d'exploitation, elle doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 précité du code général des impôts ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation des pénalités de mauvaise foi doit, par suite, être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la Selas Pharmacie Grande Rue doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'en revanche, dès lors que le jugement de première instance est annulé et qu'il est fait droit aux conclusions d'appel du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, celui-ci est fondé à demander la condamnation de la Selas Pharmacie Grande Rue à rembourser à l'Etat la somme de 1 000 euros que ce dernier a été condamné, par les premiers juges, à lui verser ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens n° 0700443 du 11 juin 2009 est annulé.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquels a été assujettie la Selas Pharmacie Grande Rue au titre des exercices clos en 2001 et 2002 et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la même société a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2000 au 30 septembre 2003 sont remis à sa charge.

Article 3 : La Selas Pharmacie Grande Rue est condamnée à rembourser la somme de 1 000 euros à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La demande de la Selas Pharmacie Grande Rue fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la Selas Pharmacie Grande Rue.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°09DA01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01468
Date de la décision : 17/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-06-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Établissement de l'impôt. Bénéfice réel. Questions concernant la preuve.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : ATLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-03-17;09da01468 ?
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