La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2011 | FRANCE | N°11DA00785

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 septembre 2011, 11DA00785


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2011 et régularisée par la production de l'original le 23 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Anouar A, demeurant ..., par Me Clément ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007326, en date du 23 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 21 septembre 2010, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une oblig

ation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et, à défa...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2011 et régularisée par la production de l'original le 23 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Anouar A, demeurant ..., par Me Clément ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007326, en date du 23 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 21 septembre 2010, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et, à défaut pour lui d'y satisfaire, a fixé le pays à destination duquel il devrait être reconduit, d'autre part, à ce que le tribunal enjoigne à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 21 septembre 2010, du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président de chambre, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain né le 1er avril 1985, est entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses dires, le 2 septembre 2006 ; que, le 23 juillet 2008, il a sollicité, auprès de la préfecture du Nord, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ; que, par un arrêté en date du 21 septembre 2010, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ; que, par un jugement en date du 23 février 2011, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné du 21 septembre 2010 ; que M. A relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

Considérant que M. A reprend, en appel, le même moyen appuyé par les mêmes éléments tirés de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée en fait et en droit ; que ce même moyen, qui a été présenté devant le tribunal administratif, n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la décision litigieuse ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de l'écarter ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que M. A soutient qu'il vit en France depuis son arrivée, le 2 septembre 2006 ; qu'établi en France depuis plus de quatre ans, il a développé des liens personnels forts et s'est créé un réseau social important, ainsi qu'en témoignent les attestations d'amis et de membres de sa famille proche, présents en France ; qu'il fait preuve d'une réelle volonté d'intégration au sein de la société française ; qu'il parle parfaitement la langue française et dispose de plusieurs promesses d'embauche dont une, en date du 1er février 2009, pour un contrat à durée indéterminée afin d'exercer la fonction de caissier vendeur ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. A est célibataire, sans enfant à charge et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où demeurent, ainsi qu'il l'a lui-même déclaré à l'administration, ses parents, son frère et ses quatre soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que les circonstances selon lesquelles M. A vit en France depuis plus de quatre ans à la date de l'arrêté attaqué et dispose de plusieurs promesses d'embauche, dont une pour un contrat à durée indéterminée, ne sont pas suffisantes pour établir que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; que, contrairement à ce que soutient M. A et ainsi qu'il a été précédemment dit, la décision du préfet du Nord refusant de l'admettre au séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise en application des dispositions de l'article L. 511-1 précité, n'est pas dépourvue de base légale ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus en ce qui concerne le refus de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'aux termes de l'article L. 511-3 du même code : La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code suscité : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 précité lequel est, du reste, visé dans la décision attaquée ; que le législateur ayant décidé, par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007, de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, M. A n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, par ailleurs, cette décision est suffisamment motivée en fait dès lors qu'elle mentionne la nationalité de M. A et indique que celui-ci pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, si M. A soutient que cette décision est insuffisamment motivée, en ce qu'elle se borne à viser les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que le préfet aurait dû se prononcer sur les risques qu'il encourrait en cas de retour au Maroc, il ressort cependant des pièces du dossier que le requérant qui, par ailleurs, n'a jamais effectué de demande d'asile, n'établit pas avoir fait état auprès du préfet de risques particuliers pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, M. A ne peut utilement soutenir que le préfet ne se serait pas livré à un examen de sa situation personnelle notamment au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que la mesure d'obligation de quitter le territoire français opposée à M. A par le préfet du Nord n'est entachée d'aucune illégalité ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire à l'encontre de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (...) ;

Considérant, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A en faveur de son avocat doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Anouar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

''

''

''

''

N°11DA00785 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00785
Date de la décision : 20/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-09-20;11da00785 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award