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08/11/2011 | FRANCE | N°10DA01122

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 08 novembre 2011, 10DA01122


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Nathalie A, agissant en son nom personnel et pour le compte de ses enfants, Quentin et Erwan A, demeurant ..., par la Selarl Coubris, Courtois et associés, avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802608 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Laon à lui verser une somme de 11 389,14 euros, ainsi qu'une somme de 10 000 euros à chacun de ses deux enfants ;

2°) de cond

amner le centre hospitalier de Laon à lui verser une somme totale de 642...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Nathalie A, agissant en son nom personnel et pour le compte de ses enfants, Quentin et Erwan A, demeurant ..., par la Selarl Coubris, Courtois et associés, avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802608 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Laon à lui verser une somme de 11 389,14 euros, ainsi qu'une somme de 10 000 euros à chacun de ses deux enfants ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser une somme totale de 642 914,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2008 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Laon à supporter les dépens et à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A demande la réformation du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Amiens, après avoir jugé que le centre hospitalier de Laon avait commis une faute ayant fait perdre à M. Pascal B une chance de ne pas succomber aux complications de son opération de gastroplastie, a condamné le centre hospitalier de Laon à lui verser une somme de 11 389,14 euros, ainsi qu'une somme de 10 000 euros à chacun de ses deux enfants, et rejeté le surplus de ses conclusions ; que le centre hospitalier de Laon, qui ne conteste pas sa responsabilité, conclut au rejet de la requête ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la perte de chance :

Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation, qui incombe à l'hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il n'est plus contesté en appel que le centre hospitalier de Laon a commis une faute dans le suivi post opératoire de M. B en s'abstenant de réaliser les examens radiographiques qui s'imposaient au vu des symptômes alarmants qu'il manifestait ; que ces examens auraient permis de vérifier l'hypothèse d'une perforation gastrique et de procéder, le cas échéant, à une nouvelle intervention chirurgicale ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les causes du décès de M. B n'ont pu être déterminées, l'expert ayant seulement envisagé l'hypothèse d'une embolie pulmonaire dont le traitement est aléatoire, ou celle d'une perforation gastrique qui aurait pu être traitée par une réintervention chirurgicale ; que, par suite, il n'apparaît pas qu'un suivi post opératoire plus attentif aurait très probablement permis d'éviter le décès de M. B ; que, dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué à 50 % la perte de chance de survie résultant pour M. B de la faute commise par le centre hospitalier de Laon ;

En ce qui concerne les préjudices de M. B :

Considérant que le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; que le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; que, toutefois, le décès d'une victime ne peut, en tant que tel, ouvrir à celle-ci un droit à réparation susceptible d'être transmis à ses héritiers ;

Considérant que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme A tendant à la réparation, entre ses mains, du préjudice subi par son époux du fait de la perte de chance de survivre à son opération ;

Considérant que les conclusions par lesquelles Mme A demande l'indemnisation des souffrances morales et physiques subies par son époux lors de son hospitalisation avant son décès, présentées pour la première fois en appel, ne sont en tout état de cause assorties d'aucune justification quant à leur montant et leur existence même ; qu'elles doivent donc être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices des ayants droit de M. B :

Considérant que le préjudice économique subi par les ayants droit du fait du décès d'un patient est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à leur entretien compte tenu de leurs propres revenus éventuels et déduction faite, le cas échéant, des prestations reçues en compensation de ce même préjudice matériel ;

Considérant que Mme A soutient en appel, sans être contestée ni contredite par l'instruction, qu'hormis un capital décès de 5 615,10 euros, aucune rente n'a été versée à elle-même ou à ses enfants à raison du décès de M. Pascal B ; qu'elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice économique subi par elle-même et ses enfants du fait du décès de M. B ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B percevait, au moment de son décès, des revenus professionnels d'un montant annuel de 18 979 euros ; que du fait de ce décès, son épouse a été privée de la fraction de ses seuls revenus, et non des revenus de l'ensemble du ménage, qu'il consacrait à son entretien ; que cette fraction peut être arrêtée à 40 % de ses revenus ; que compte tenu de l'âge de M. B lors de son décès et de la perte de chance retenue, le montant capitalisé des pertes de revenus subies par Mme A doit être fixé à la somme de 91 866 euros, déduction faite du capital décès perçu ;

Considérant que Mme A n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le décès de son époux serait à l'origine directe de la baisse de ses propres revenus professionnels au cours des années 2006 et 2007 ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Laon à l'indemniser de ces pertes de revenus propres ;

Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que Quentin A, âgé de 12 ans lors du décès de son père, a été privé de la fraction de ses revenus que celui-ci consacrait à son entretien, laquelle fraction peut être arrêtée à 15 % ; que compte tenu de la perte de chance retenue, le montant capitalisé de ces pertes de revenus jusqu'à l'âge de sa majorité doit être fixé à la somme de 9 308 euros ;

Considérant de même, que Erwan A, âgé de 8 ans lors du décès de son père, a été privé de la fraction de ses revenus que celui-ci consacrait à son entretien, laquelle fraction peut être arrêtée à 15 % ; que compte tenu de la perte de chance retenue, le montant capitalisé de ces pertes de revenus jusqu'à l'âge de sa majorité doit être fixé à la somme de 13 985 euros ;

Considérant qu'il est en outre constant que Mme A a supporté des frais d'obsèques pour un montant de 2 778, 28 euros ;

Considérant, enfin, que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice moral subi par Mme A et par ses deux enfants en condamnant le centre hospitalier de Laon à leur verser, à ce titre, la somme de 10 000 euros chacun, compte tenu de la perte de chance ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Laon à lui verser une somme de 103 255,14 euros en réparation des préjudices subis par elle-même et une somme de 19 307 euros au nom de son fils mineur Quentin ainsi qu'une somme de 23 984 euros au nom de son fils mineur Erwan ;

Sur les intérêts :

Considérant que la requérante a droit aux intérêts des sommes allouées à compter du 15 septembre 2008, date de réception par le centre hospitalier de Laon de sa demande préalable d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Laon a été condamné à verser à Mme A par le jugement susvisé est portée à 103 255,14 euros, celle qu'il a été condamné à verser à Quentin A est portée à 19 307 euros et celle qu'il a été condamné à verser à Erwan A est portée à 23 984 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2008.

Article 2 : Le centre hospitalier de Laon est condamné à verser à Mme A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 0802608 du Tribunal administratif d'Amiens, en date du 3 juin 2010, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nathalie A, au centre hospitalier de Laon et à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon.

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N°10DA01122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 10DA01122
Date de la décision : 08/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel. Perte de revenus. Perte de revenus subie du fait du décès d'une personne.


Composition du Tribunal
Président : M. Durand
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL COUBRIS COURTOIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-11-08;10da01122 ?
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