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17/11/2011 | FRANCE | N°11DA00512

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 novembre 2011, 11DA00512


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, régularisée par télécopie du 7 juin 2011 et confirmée par la production de l'original le 24 juin 2011, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003430 du 17 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé son arrêté du 2 novembre 2010 refusant à Mme Samya A née B la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de desti

nation en cas d'exécution d'office de cette obligation, d'autre part, lui ...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, régularisée par télécopie du 7 juin 2011 et confirmée par la production de l'original le 24 juin 2011, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003430 du 17 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé son arrêté du 2 novembre 2010 refusant à Mme Samya A née B la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette obligation, d'autre part, lui a ordonné de délivrer à Mme A née B un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a condamné l'Etat à verser à Mme A née B une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A née B devant le Tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille, et à son protocole ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Rouly, avocat, pour Mme A née B ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après être entrée sur le territoire français le 10 août 2006 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ainsi qu'accompagnée de ses trois enfants mineurs, Mme A, qui, née en 1967 en Algérie, est ressortissante algérienne, a, le 12 mars 2010, sollicité du PREFET DE LA SEINE-MARITIME la délivrance d'un certificat de résidence en application du paragraphe 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 2 novembre 2010, cette autorité a rejeté cette demande, assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette obligation ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et lui a ordonné de délivrer à Mme A un certificat de résidence ;

Sur les conclusions tendant au prononcé d'un non-lieu à statuer sur la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME :

Considérant qu'alors même que, par son jugement du 17 février 2011, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 novembre 2010 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ainsi qu'ordonné au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de lui délivrer un titre de séjour, M. A a quitté la France pour l'Algérie avant de revenir en France le 28 avril 2011 muni d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de type C à entrées multiples d'une durée de 90 jours valable du 27 mars au 22 septembre 2011 délivré le 27 mars 2011 par l'autorité consulaire française en Algérie et revêtu des mentions accord DDTEFP ; qu'à la suite de ce retour, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler a été délivré le 2 mai 2011 pour une durée de trois mois à M. A et que, corrélativement, un récépissé de même nature et de même durée à été délivré le même jour à son épouse, laquelle était demeurée en France ; que, toutefois, aucune de ces circonstances, qui n'ont en rien modifié l'état du droit résultant du jugement du Tribunal administratif de Rouen frappé d'appel dans la présente instance, n'est de nature à priver d'objet cet appel ;

Sur la recevabilité de la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite ;

Considérant que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE LA SEINE-MARITIME le 1er mars 2011 ; que la requête dirigée par le préfet contre ce jugement a été enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 2011 ; qu'ainsi et contrairement à ce que fait valoir l'intimée, cette requête n'est pas tardive ;

Sur la légalité de l'arrêté du 2 novembre 2010 :

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 2 novembre 2010 et ordonner à son auteur de délivrer un certificat de résidence à l'intimée, le jugement a considéré que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

Considérant que Mme A est entrée en France en août 2006 après avoir vécu pendant trente-neuf ans en Algérie, où elle s'est mariée le 5 septembre 1999 avec un ressortissant algérien avec lequel elle a eu trois enfants, nés en Algérie le 27 mars 1998, le 1er février 2001 et le 14 septembre 2003 ; qu'à la date du 2 novembre 2010, la durée de son séjour sur le territoire français demeure, eu égard à son âge lors de l'entrée en France, récente ; qu'en outre, l'intéressée s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration, le 6 septembre 2006, de la durée de validité du visa de court séjour qui lui avait été délivré le 12 mars 2006 par le consul général de France à Alger ; que c'est seulement le 12 mars 2010, après plus de trois ans et demi de séjour irrégulier en France, qu'elle a, pour la première fois, demandé la délivrance d'un titre de séjour, la lettre de deux associations adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME le 24 novembre 2006 ne constituant pas une demande de titre de séjour présentée personnellement par l'intéressée ; que Mme A, qui a obtenu d'une université de Tizi-Ouzou en 1999 un diplôme de magister en biologie, exerçait en Algérie, dans la même université, la profession de maître-assistante ; que, si M. A réside en France depuis 2010, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, par un arrêté du 2 novembre 2010, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. et Mme A ne sont pas dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale en Algérie, où elle s'est entièrement constituée et ce, alors même que les conditions de scolarisation de ses enfants en Algérie ne les satisferaient pas ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments caractérisant la situation personnelle de Mme A, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour, à titre de mesure de régularisation, délivrer le certificat de résidence prévu au paragraphe 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 à une ressortissante algérienne ne remplissant pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance, pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il en résulte que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort qu'au motif tiré d'une telle erreur, le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 novembre 2010 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A, notamment ceux dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français, aucune circonstance n'ayant privé d'objet les conclusions de sa demande de première instance dirigées contre cette mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 2 novembre 2010 énonce, de façon complète et précise, les raisons de droit comme de fait qui constituent le fondement de la décision de son auteur de rejeter la demande de délivrance d'un certificat de résidence présentée par Mme A ; qu'il en résulte que le moyen tiré d'une méconnaissance des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi susvisée du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination, fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ; que cette décision est, en outre, suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle mentionne la nationalité, algérienne, de Mme A, laquelle mention constitue le fondement nécessaire et suffisant de la désignation du pays dont elle a la nationalité comme pays de destination ; que, contrairement à ce qui est soutenu et dès lors que le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne constituent pas le fondement de la décision fixant le pays de destination, l'obligation de motiver cette décision n'emporte pas l'obligation pour son auteur d'indiquer que ou en quoi le renvoi vers le pays désigné n'expose pas le ressortissant étranger à un risque réel pour sa personne ; que c'est ainsi sans y être tenu que l'arrêté du 2 novembre 2010 énonce que cette décision ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en résulte que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la désignation du pays de renvoi doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la lettre de deux associations au PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 24 novembre 2006 ne constitue pas une demande de titre de séjour présentée personnellement par Mme A ; que le préfet n'a donc pas commis d'erreur de fait en estimant que cette dernière n'a effectué aucune démarche en vue d'obtenir un titre de séjour entre 2006 et 2010 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord susvisé du 27 décembre 1968 : Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A, si elle est arrivée régulièrement en France en août 2006, s'y est ensuite maintenue irrégulièrement pendant plus de trois ans et demi ; qu'elle a vécu habituellement pendant trente-neuf ans en Algérie avant son arrivée en France ; que sa famille s'est intégralement constituée en Algérie, où elle s'est mariée et a eu trois enfants ; qu'elle a réalisé ses études en Algérie, où elle a également accompli jusqu'en août 2006 l'ensemble de son activité professionnelle ; que, si son époux réside en France depuis 2010, il a fait l'objet, le 2 novembre 2010, de décisions lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que, si elle se prévaut de la circonstance qu'elle et son époux disposent de ressources importantes ainsi que d'un patrimoine, cette circonstance est sans influence, l'application des stipulations précitées n'étant pas fonction de considérations d'une telle nature ; que, compte tenu de ces éléments comme de la durée et des conditions du séjour de Mme A en France, cette dernière, qui ne fait état d'aucune attache particulière familiale ou privée dans ce pays avant son arrivée en août 2006, ne peut être regardée comme y justifiant d'attaches d'une ancienneté, d'une intensité et d'une stabilité telles que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME aurait porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels cette décision a été prise ;

Considérant, en outre, que, la scolarisation en Algérie des enfants de Mme A née B y étant possible, il n'y pas d'impossibilité pour cette dernière et son époux de reconstituer leur cellule familiale dans ce pays ; que le contrat de travail signé entre le centre hospitalier universitaire de Rouen et M. A est en date du 20 janvier 2011 et à effet du 1er avril 2011 ; qu'il est ainsi postérieur à l'arrêté du 2 novembre 2010 en litige ; que l'obligation de quitter le territoire français ne remet pas en cause l'acquisition par son époux, le 18 novembre 2009, d'un fonds de commerce de café-hôtel-restaurant à Abbeville et de parts de la société civile immobilière propriétaire de l'immeuble où est exploité ce fonds ; qu'ainsi, l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ne porte pas non plus une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, ne méconnaît pas les stipulations précitées ; qu'elle ne procède pas d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1. de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant, d'une part, que, dès lors que M. A fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, les décisions refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ont pas pour effet de priver l'un quelconque de leurs trois enfants de la présence habituelle de l'un ou l'autre de leurs parents en assurant l'éducation et l'entretien ; qu'il en va d'autant plus ainsi que, depuis l'arrivée de son épouse en France en août 2006, M. A, qui continuait à résider habituellement en Algérie jusqu'en 2010, n'a plus vécu habituellement avec son épouse et leurs enfants ;

Considérant, d'autre part, que Mme A soutient qu'en Algérie, ses deux enfants les plus âgés étaient scolarisés dans un établissement d'enseignement privé à Tizi-Ouzou, établissement dispensant à titre principal l'enseignement en langue française ; qu'elle se prévaut de la circonstance qu'à la suite de l'entrée en vigueur d'une ordonnance algérienne n° 05-07 du 23 août 2005 fixant les règles générales régissant l'enseignement dans les établissements privés d'éducation et d'enseignement, cet établissement a été autoritairement fermé ; que l'article 3 de cette ordonnance subordonne la création d'un établissement privé d'éducation et d'enseignement à une autorisation ministérielle préalable, tandis que son article 8 prévoit qu'hormis l'enseignement des langues étrangères, l'enseignement dans les établissements privés d'éducation et d'enseignement est assuré obligatoirement en langue arabe dans toutes les disciplines et à tous les niveaux d'enseignement ; qu'elle ajoute que, kabyles et défendeurs de la culture kabyle, elle et son époux refusent que leurs enfants, qui sont francophones, suivent un enseignement en langue arabe ;

Considérant, néanmoins, qu'il n'est pas soutenu et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation des enfants de Mme A en Algérie serait, en elle-même, impossible ; qu'elle y serait possible et, d'ailleurs, obligatoire eu égard aux âges de ces enfants ; que le refus de parents algériens d'enfants de nationalité algérienne que la scolarisation de leurs enfants soit assurée à titre principal dans la langue imposée par la loi de ce pays et leur désir que cet enseignement soit assuré dans une autre langue, ainsi le français, ne sauraient avoir pour conséquence, par application de l'article 3-1. de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'imposer à l'autorité d'un Etat partie à cette convention, ainsi l'autorité administrative française, de délivrer des titres de séjour aux parents de tels enfants ; que Mme A n'est, dès lors, pas fondée à opposer à cette autorité son refus que l'enseignement de ses enfants en Algérie soit assuré en langue arabe ; qu'ainsi, alors même que, pour l'année 2010/2011, l'aîné des trois enfants est scolarisé en classe de cinquième dans un collège de Rouen, où il obtient de bons résultats, que la cadette est scolarisée en 2ème année de cours moyen dans une école primaire de Rouen et que la benjamine est scolarisée en 1ère année de cours moyen dans la même école, mais dès lors que leur scolarisation en Algérie n'est nullement impossible et que ces enfants, eu égard à leurs âges, sont à même de s'adapter rapidement à un enseignement principal dans une autre langue que le français, ainsi en langue arabe, l'obligation de quitter le territoire français faite à la mère de ces trois enfants, qui peut avoir pour effet de les contraindre à interrompre leur scolarisation en France avant de la reprendre en Algérie, ne méconnaît pas leur intérêt supérieur ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1. de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions et stipulations combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant qu'au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées, Mme A se prévaut essentiellement de circonstances concernant, non sa personne, mais celle de son époux, dont il est allégué qu'il est adhérent d'un mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, ce qui, selon elle, serait de nature à l'exposer à un risque pour sa personne en Algérie ; que, cependant, Mme A, qui a vécu pendant 39 ans en Algérie, ne justifie d'aucun élément témoignant d'un engagement actif de sa part pendant cette période dans une activité de nature politique ; qu'elle ne justifie pas davantage avoir fait l'objet d'une persécution à ce titre ou même avoir été simplement inquiétée ; que, dans ces conditions, il n'existe pas de motifs sérieux et avérés de croire qu'elle serait exposée en Algérie à un risque réel pour sa personne ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si Mme A se prévaut également d'une méconnaissance des articles 9, relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion, 10, relatif à la liberté d'expression et 11, relatif aux libertés de réunion et d'association, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'établit pas en quoi l'arrêté du 2 novembre 2010, notamment en ce qu'il fixe le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office, méconnaîtrait les stipulations de ces articles ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de Mme A ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande, y compris les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à ce préfet de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence et celles tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme A la somme qu'elle demande à ce titre en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1003430 du 17 février 2011 du Tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A née B devant le Tribunal administratif de Rouen, autres que celles rejetées par l'article 4 de ce jugement, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Mme A née B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à Mme Samya A née B.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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N°11DA00512 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 17/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11DA00512
Numéro NOR : CETATEXT000024815285 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-11-17;11da00512 ?
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