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29/11/2011 | FRANCE | N°11DA00583

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 novembre 2011, 11DA00583


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 avril 2011 et régularisée par la production de l'original le 19 avril 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100063 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2010 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire franç

ais et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 avril 2011 et régularisée par la production de l'original le 19 avril 2011, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100063 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2010 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me Mary, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

Vu l'accord-cadre franco-tunisien du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public, aucune partie n'étant ni présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien né le 1er janvier 1987, déclare être entré en France en 2006 ; qu'après avoir fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière le 21 janvier 2007, il a sollicité, le 3 juin 2010, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'accord franco-tunisien de 1988, modifié ; que, par un arrêté en date du 6 décembre 2010, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que M. A relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision de refus de séjour :

Considérant qu'à l'appui de sa requête d'appel, M. A soutient, comme en première instance, que la décision serait insuffisamment motivée, qu'elle procéderait d'un défaut d'examen de sa situation particulière et que le préfet de la Seine-Maritime aurait omis de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; qu'il n'apporte, en appel, aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens ; que, par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter ;

Considérant que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique sous réserve des conventions internationales ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, (...) reçoivent après contrôle médical et sur présentation du contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention salarié (...). Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix (...) ; que l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 et publié par le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ajoute un article 3 bis à l'accord susvisé qui stipule que (...) 2.3. : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention salarié , prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ; que cette liste, intitulée liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens , énumère 74 métiers, classés par secteur d'activité sans condition géographique ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant que les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 ajoutant un article 3 bis audit accord font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que la liste fixant les conditions dans lesquelles la situation de l'emploi ne peut pas être opposée à un étranger est établie par métier et par zone géographique, et de celles de l'article L. 313-14 du même code, qui renvoient, en ce qui concerne la délivrance d'une carte de séjour portant la mention salarié ou travailleur temporaire dans le cadre du régime d'admission exceptionnelle au séjour, audit article L. 313-10 ; que, par suite, lorsqu'il est saisi par un ressortissant tunisien d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié, le préfet, s'il lui est toujours loisible d'examiner dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire la demande de l'intéressé, est tenu de se prononcer sur cette demande au regard des stipulations des articles 3 et 3 bis de l'accord franco-tunisien ajouté par l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne peut utilement soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article L. 313-11 7° du même code ;

Considérant que, si M. A soutient que c'est à tort que le préfet de la Seine-Maritime lui a opposé l'absence de recherches de candidats par son employeur, et que l'emploi de commis de cuisine envisagé figure sur la liste des emplois annexée au protocole du 28 avril 2008 précité, en tout état de cause, il est constant qu'il n'a pas présenté de contrat de travail visé pour cet emploi par les services compétents ; que, par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'accord franco-tunisien ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est célibataire, sans charge de famille et est hébergé à titre temporaire par une amie ; qu'il n'est pas dépourvu de liens avec son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge d'au moins 19 ans ; qu'ainsi, et nonobstant la résidence, à la supposer établie, de ses parents et frères et soeurs en France, compte tenu notamment des conditions et de la durée, non établie, de son séjour en France, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de la situation personnelle de M. A ;

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé, en fait, sa décision en indiquant que le requérant, qui n'a, d'ailleurs, jamais déposé de demande d'asile, pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité, en l'occurrence la Tunisie, ou de tout autre pays de son choix sous réserve qu'il établisse y être légalement admissible ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, saisi d'une demande ne faisant état d'aucune menace en cas de retour en Tunisie, a méconnu l'étendue de sa compétence et omis de vérifier que la décision ne méconnaissait pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00583
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : MARY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-11-29;11da00583 ?
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