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13/12/2011 | FRANCE | N°11DA00157

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 13 décembre 2011, 11DA00157


Vu la requête sommaire, enregistrée le 2 février 2011, et le mémoire ampliatif, enregistré par télécopie le 28 mars 2011 et régularisé par la production de l'original le 29 mars 2011, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES, dont le siège social est situé BP 29 à Fourmies (59611), par Me Le Prado ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505113 du 12 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut une somme de 242 137,24 euros, à lui rembourser les dépenses f

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Vu la requête sommaire, enregistrée le 2 février 2011, et le mémoire ampliatif, enregistré par télécopie le 28 mars 2011 et régularisé par la production de l'original le 29 mars 2011, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES, dont le siège social est situé BP 29 à Fourmies (59611), par Me Le Prado ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505113 du 12 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut une somme de 242 137,24 euros, à lui rembourser les dépenses futures de santé d'Oranne A à hauteur de 90 %, et à verser aux époux A une somme de 675 528,41 euros, outre une rente mensuelle, ainsi que la somme de 81 000 euros à M. et Mme Angy A ;

2°) de rejeter les conclusions de M. et Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Mazé-Villeseche pour M. et Mme A ;

Considérant que l'enfant Oranne A est née le 15 avril 2003 au CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES en état de mort apparente, avant d'être réanimée ; qu'elle demeure atteinte de très lourdes séquelles neurologiques ; que, par jugement du 12 novembre 2010, le Tribunal administratif de Lille, saisi par la caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge, a, après avoir ordonné un complément d'expertise par jugement avant dire droit, condamné le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES à indemniser Oranne A, M. et Mme A ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge des divers préjudices résultant pour eux de la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES dans la surveillance du travail de Mme A ; que le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES, qui ne conteste plus en appel sa responsabilité, demande l'annulation de ce jugement ; que M. et Mme A demandent, par la voie de l'appel incident, la réévaluation des indemnités mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES au profit de leur fille Oranne ;

Considérant, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant, qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Sur les préjudices de nature patrimoniale de l'enfant :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que, pas plus en appel qu'en première instance, M. et Mme A, qui se bornent à produire des factures de matériels et produits sans établir leur absence de prise en charge par l'assurance maladie, n'établissent avoir conservé à leur charge des frais médicaux au-delà de la somme de 528,41 euros retenue par les premiers juges ;

Considérant que, compte tenu du caractère incertain du coût et de la prise en charge par l'assurance maladie des frais de santé futurs qui resteront à la charge de M. et Mme A pour le traitement de leur fille Oranne, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES au remboursement de 90 % de ces frais au fur et à mesure des dépenses et non sous forme d'un capital ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

Considérant que lorsque le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré ; que les autres chefs de préjudice demeurés à la charge de l'enfant doivent être indemnisés par ailleurs, sous la forme soit d'un capital, soit d'une rente distincte ;

Considérant que M. et Mme A, par la production d'une attestation d'un centre d'adaptation relative à l'accueil d'Oranne sur la période 2007 à 2011, n'établissent pas que l'enfant, prise en charge alternativement au domicile familial et dans une institution spécialisée, aurait passé, avant la date de consolidation de son état de santé en novembre 2009, un total de 2 006 jours au domicile familial ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande de versement d'un capital au titre de ces frais échus, mais ont condamné le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES à indemniser, pour la totalité de la période antérieure à la majorité d'Oranne, les préjudices résultant de la nécessité de l'aide d'une tierce personne sous forme d'une rente trimestrielle revalorisable, dont le montant n'est d'ailleurs pas contesté, au prorata du nombre de nuits passées par l'enfant au domicile familial ;

En ce qui concerne l'incidence professionnelle et scolaire :

Considérant qu'il est constant que les handicaps dont souffre Oranne A s'opposent à toute scolarisation ainsi qu'à toute activité professionnelle future ; que ce préjudice présente un lien de causalité avec la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES, qui a fait perdre à l'enfant une chance sérieuse d'échapper à l'aggravation des conséquences de sa bradycardie foetale ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de ces préjudices en allouant à ce titre, compte tenu de la perte de chance subie, une somme de 45 000 euros à M. et Mme A agissant pour le compte de leur fille ;

Sur les préjudices personnels de l'enfant :

Considérant qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord ; que s'agissant, en revanche, des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise complémentaire ordonnée par les premiers juges, qu'Oranne A, dont l'état de santé est consolidé depuis le 24 novembre 2009, souffre depuis sa naissance d'une infirmité motrice cérébrale avec tétraparésie spastique entraînant un déficit fonctionnel permanent de 90 %, endure des souffrances évaluées par l'expert à 6 sur une échelle de 7 et subit un préjudice esthétique évalué à 5 sur une même échelle ; que les premiers juges ont fait une juste évaluation des troubles dans les conditions d'existence de toute nature, y compris le préjudice sexuel et d'établissement, en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES à verser à Oranne A, compte tenu de la perte de chance subie, une indemnité d'un montant de 630 000 euros qu'il a pu à bon droit fixer, dans les circonstances de l'espèce, sous la forme d'un capital ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES et M. et Mme A ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué, qui est par ailleurs suffisamment motivé ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut :

Considérant qu'aux termes de l'alinéa 9 de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ; que l'arrêté du 10 novembre 2010 a porté, à compter du 1er janvier 2011 à 980 euros et 97 euros, respectivement, les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée notamment à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut est, dès lors, fondée à demander la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES à lui verser la somme de 980 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut une somme de 980 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement n° 0505113 du Tribunal administratif de Lille, en date du 12 novembre 2010, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES est condamné à verser à M. et Mme A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE FOURMIES, à M. et Mme Angy A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut.

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N°11DA00157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00157
Date de la décision : 13/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Erreur de diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-13;11da00157 ?
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