La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2011 | FRANCE | N°10DA00595

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (ter), 15 décembre 2011, 10DA00595


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 mai 2010, présentée pour Mme Marie-France D épouse C et M. Benoît C, demeurant ..., par la SCP d'avocats Croissant, de Limerville, Orts, Legru ; Mme D épouse C et M. C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701715 du 6 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2007 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé à M. Benoît C l'autorisation d'exploiter 51 hectares 96 ares de terres situées sur le

territoire des communes de Pontruet, Bellicourt et Bony, propriété de M...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 mai 2010, présentée pour Mme Marie-France D épouse C et M. Benoît C, demeurant ..., par la SCP d'avocats Croissant, de Limerville, Orts, Legru ; Mme D épouse C et M. C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701715 du 6 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2007 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé à M. Benoît C l'autorisation d'exploiter 51 hectares 96 ares de terres situées sur le territoire des communes de Pontruet, Bellicourt et Bony, propriété de Mme D épouse C ;

2°) d'annuler ledit arrêté du 25 mai 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, par un arrêté du 25 mai 2007, le préfet de l'Aisne a refusé à M. Benoît C l'autorisation d'exploiter 51 hectares 96 ares de terres situées sur le territoire des communes de Pontruet, Bellicourt, Bony, mises en valeur par l'EARL du Lotier ; que Mme Marie-France D épouse C et son fils M. Benoît C relèvent appel du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 6 avril 2010 ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. et Mme C soutiennent que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que M. Benoît C ne relevait pas du régime de l'autorisation mais de celui de la déclaration préalable ; qu'il ne ressort pas des termes du jugement que le Tribunal ait répondu audit moyen, lequel n'était pas inopérant ; que cette omission à statuer entache d'irrégularité le jugement attaqué ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement ;

Considérant qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme D épouse C et M. Benoît C devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-4 du code rural : L'autorisation est périmée si le fonds n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui suit la date de sa notification. Si le fond est loué, l'année culturale à prendre en considération est celle qui suit le départ effectif du preneur, sauf si la situation personnelle du demandeur au regard des dispositions du présent chapitre est modifiée ;

Considérant que les requérants soutiennent que l'arrêté en litige présenterait un caractère superfétatoire dès lors que M. Benoît C avait obtenu une autorisation d'exploitation par un arrêté du préfet de l'Aisne en date du 24 août 1998 et que sa situation personnelle n'a pas changé depuis ; que toutefois, ainsi que le soutient le préfet sans être contesté, la surface exploitée par l'intéressé est passée de 105 hectares 71 ares à 173 hectares 70 ares entre sa première demande d'autorisation d'exploiter formée en juillet 1998, et sa seconde demande qui a fait l'objet de la décision de rejet en litige ; que, par suite, sa situation personnelle ne peut être regardée, au regard des dispositions du chapitre 1er du titre III du livre III du code rural comme n'ayant pas été modifiée ; qu'il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige présenterait pour ce motif un caractère superfétatoire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 : (...) II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. /(...) ;

Considérant que, si M. C soutient que sa demande relève du régime de la déclaration dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions requises par le II de l'article L. 331-2 du code rural suscité, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la condition du caractère libre des biens était remplie à la date de la décision attaquée dans la mesure où le congé délivré à M. E, preneur en place, par Mme D épouse C le 8 mars 2006, ne prenait effet que le 11 novembre 2008 ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'ensemble des parcelles concernées par la reprise était détenu par un parent ou allié jusqu'au troisième degré depuis neuf ans au moins à la date de la décision litigieuse ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le demandeur relevait du régime de déclaration préalable ;

Considérant, en troisième lieu, que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure tiré du défaut de motivation de l'avis rendu par la commission départementale d'orientation agricole, dès lors que l'obligation de motiver ledit avis, qui est en tout état de cause suffisamment motivé, a été supprimée par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 et le décret du 14 mai 2007 modifiant le code rural applicable à compter du 15 mai 2007 ;

Considérant, en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que les motifs de l'arrêté du 25 mai 2007 sont en contradiction avec ceux de l'arrêté du 24 août 1998 ; que toutefois, les demandes d'autorisation présentées par M. C en 1998 et en 2007 portaient sur des superficies de terres très sensiblement différentes ; qu'un nouveau schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne a par ailleurs été publié le 29 mars 2002 ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer un moyen tiré d'une contradiction entre les motifs de l'arrêté du 24 août 1998 ayant accordé à M. C une autorisation d'exploiter et ceux de l'arrêté de refus contesté, fondé notamment sur le fait que l'opération de reprise envisagée n'était pas conforme à deux orientations du schéma directeur des structures agricoles de l'Aisne ;

Considérant, en cinquième lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que, si le préfet a mentionné dans l'arrêté attaqué que les surfaces en cause représentaient 17,9 % de la surface totale mise en valeur par M. E au sein de l'EARL du Lotier , il a bien pris en compte, pour apprécier le seuil de démembrement, la totalité de la surface exploitée par l'EARL du Lotier, soit 290 hectares ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural : L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : (...) 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées (...) ; que le schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne a, entre autres, comme objectif d'une part d' éviter les démembrements successifs d'exploitations d'agricoles, y compris les exploitations regroupées, entrant dans l'un des critères suivants : - démembrement au delà de 10 % pour les exploitations inférieures à 3 UR - démembrement au delà de 20 % pour les exploitations supérieures à 3 UR , et d'autre part de favoriser le non éloignement des parcelles reprises par rapport au siège d'exploitation ;

Considérant que les requérants font valoir qu'il n'est pas établi que la reprise envisagée aurait des conséquences économiques néfastes sur l'activité de l'EARL du Lotier alors que la demande de M. C est conforme à l'orientation du schéma départemental visant à conforter, par des agrandissements, l'exploitation à responsabilité personnelle afin de constituer des exploitations d'une superficie comprise entre 1,5 UR et 3 UR ; que toutefois le préfet de l'Aisne, qui a pris en compte, comme le prévoient aussi les dispositions susrappelées, la situation de M. E, lequel est marié, père de trois jeunes enfants et exploite les terres litigieuses au sein d'une superficie totale de 290 hectares, ainsi que celle de M. C, célibataire et sans enfant exploitant une superficie de 173 hectares 70 ares, soit 1,73 UR, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de délivrer l'autorisation demandée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D épouse C et M. C ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2007 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé d'accorder à M. Benoît C l'autorisation d'exploiter sollicitée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D épouse C et M. C demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants, solidairement, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E, ensemble, et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. et Mme C la somme demandée par l'Etat au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701715 du Tribunal administratif Amiens en date du 6 avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D épouse C et M. C devant le Tribunal administratif d'Amiens et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Mme D épouse C et M. C verseront une somme de 1 500 euros à M. Olivier E et à Mme Odile F veuve E sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-France D épouse C, à M. Benoît C, à M. Olivier E, à Mme Odile F veuve E et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

''

''

''

''

2

N°10DA00595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 10DA00595
Date de la décision : 15/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 Agriculture, chasse et pêche. Exploitations agricoles. Cumuls. Cumuls d'exploitations.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: Mme Maryse Pestka
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP CROISSANT-DE LIMERVILLE-ORTS-LEGRU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-15;10da00595 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award