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15/12/2011 | FRANCE | N°11DA00293

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 15 décembre 2011, 11DA00293


Vu la décision du Conseil d'Etat n° 332454 en date du 2 février 2011, statuant sur le pourvoi de Mme A, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 08DA00306 du 30 juillet 2009 et renvoyant l'affaire à la Cour ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, le 19 février 2008, présentée pour Mme Françoise A, demeurant ..., par Me Ottaviani ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503164 du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulati

on de la décision du 8 septembre 2005 par laquelle la Commission départemen...

Vu la décision du Conseil d'Etat n° 332454 en date du 2 février 2011, statuant sur le pourvoi de Mme A, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 08DA00306 du 30 juillet 2009 et renvoyant l'affaire à la Cour ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, le 19 février 2008, présentée pour Mme Françoise A, demeurant ..., par Me Ottaviani ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503164 du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime a rejeté sa réclamation relative aux opérations de remembrement menées sur la commune de Bretteville du Grand Caux, ensemble la décision du 6 décembre 2004 de la commission intercommunale et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du préfet de la Seine-Maritime à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;

2°) d'annuler lesdites décisions des 6 décembre 2004 et 8 septembre 2005 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, par lettre du 31 mai 2005, Mme A a saisi la commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime d'une demande tendant à la réattribution d'une parcelle cadastrée C n° 426 située sur la commune de Bretteville du Grand Caux et dont elle était propriétaire, parcelle qui, à l'issue des opérations de remembrement, a été attribuée, avec d'autres, à Mme B ; qu'au soutien de cette réclamation, Mme A, d'une part, soutenait, que cette parcelle présente, selon elle, le caractère d'un terrain à bâtir et que, dès lors, elle devait lui être réattribuée conformément à l'article L. 123-3 du code rural et, d'autre part, demandait que cette parcelle lui soit réattribuée en application de l'article L. 123-16 du code rural ou, à défaut, que lui soit allouée en réparation une indemnité de 150 000 euros ; que, par une décision du 8 septembre 2005, la commission départementale d'aménagement foncier a rejeté cette réclamation en estimant, d'une part, qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai prévu par l'article R. 121-6 du code rural et, d'autre part, qu'elle n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 123-16 du même code ; que par une décision du 2 février 2011, le Conseil d'Etat a renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Douai, après annulation de l'arrêt de cette dernière du 30 juillet 2009, la requête présentée pour Mme A tendant à l'annulation du jugement du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Rouen qui a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime du 8 septembre 2005, ensemble celle du 6 décembre 2004 de la commission intercommunale d'aménagement foncier, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ; que les conclusions dirigées contre une décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier du 6 décembre 2004 doivent être regardées comme dirigées contre la décision de cette commission du 25 août 2004, la date du 6 décembre 2004 étant celle de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime ayant ordonné le dépôt en mairie du plan définitif du remembrement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, la requête de Mme A ne constitue pas la seule reproduction littérale de sa demande présentée au Tribunal administratif de Rouen ; qu'elle est suffisamment motivée ; que, dès lors, la fin de non-recevoir ainsi opposée par le ministre doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier du 25 août 2004 :

Considérant que le recours préalable prévu par l'article L. 121-7 du code rural présente un caractère obligatoire et que, dès lors, la décision de la commission départementale d'aménagement foncier prise sur un tel recours se substitue à celle frappée de ce recours ; qu'il en résulte que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier du 25 août 2004 ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 8 septembre 2005 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions ;

Considérant que, pour rejeter les conclusions de la demande de Mme A tendant à l'annulation de cette décision du 8 septembre 2005, qui est motivée comme il a été dit ci-dessus, les premiers juges ont exposé, d'une part, que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'article L. 123-16 du code rural et, d'autre part, qu'elle n'est pas non plus fondée, en tout état de cause, à soutenir que la commission départementale d'aménagement foncier aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions du 4° de l'article L. 123-3 du code rural en refusant de lui réattribuer la fraction de la parcelle cadastrée C n° 426 présentant, d'après Mme A, un caractère constructible ;

Considérant, tout d'abord, qu'aux termes de l'article L. 121-7 du code rural : Les décisions prises par la commission communale ou intercommunale peuvent être portées par les intéressés (...) devant la commission départementale d'aménagement foncier ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 123-14 du même code relatif à la commission communale ou intercommunale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les décisions de la commission sont notifiées et affichées dans les conditions prévues aux derniers alinéas des articles R. 121-4 et R. 121-5 et, le cas échéant, font l'objet de réclamations devant la commission départementale dans les conditions prévues à l'article R. 121-6 ; que le dernier alinéa de chacun des deux articles R. 121-4 et R. 121-5 du même code dispose que : Les décisions de la commission sont affichées, pendant quinze jours au moins, à la mairie (...) ; qu'aux termes de son article R. 121-6 : Les réclamations formées contre les décisions de la commission communale ou intercommunale doivent être introduites devant la commission départementale dans un délai d'un mois à dater de la notification ou, dans le cas où il n'a pu être procédé à la notification, dans un délai d'un mois à dater de la publication de ces mêmes décisions ;

Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 123-3 du code rural : Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement : (...) 4° Les immeubles présentant, à la date de l'arrêté fixant le périmètre de remembrement, les caractéristiques d'un terrain à bâtir au sens du 1°) du paragraphe II de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (...) ; qu'aux termes de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : II. 1°) La qualification de terrain à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 11-1, sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois : / a) Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ; / b) Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou par un document d'urbanisme en tenant lieu, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie de la commune désignée conjointement comme constructible par le conseil municipal et le représentant de l'Etat dans le département ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code rural : Sous réserve des droits des tiers, tout propriétaire ou titulaire de droits réels, évincé du fait qu'il n'a pas été tenu compte de ses droits sur des parcelles peut, pendant une période de cinq années à compter de l'affichage en mairie prévu à l'article L. 121-12, saisir la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de rectification des documents de remembrement. / Si la commission estime impossible de procéder à ladite rectification, elle attribue à l'intéressé une indemnité correspondant à l'intégralité du préjudice subi par lui (...) ;

Considérant, en premier lieu, que si Mme A soutient que la parcelle cadastrée C n° 426, qui présenterait selon elle un caractère constructible, aurait dû lui être réattribuée, une telle circonstance ne pouvait légalement justifier la mise en oeuvre par la commission départementale d'aménagement foncier des dispositions précitées de l'article L. 123-16 du code rural dès lors qu'il est constant que cette parcelle a été effectivement incluse dans les apports de la requérante et qu'ainsi il a été tenu compte de ses droits sur cette parcelle ; que la constructibilité d'un terrain, telle que déterminée par la règlementation d'urbanisme lui étant applicable ainsi que les conditions de sa desserte par des réseaux et la voirie, n'est pas un élément constitutif du droit de propriété d'un tel immeuble et n'est pas au nombre des droits réels de la nature de ceux mentionnés par cet article ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la commission d'aménagement foncier de la Seine Maritime serait, sur ce point, entachée d'illégalité ni, par suite, à demander, sur ce fondement, l'attribution d'une indemnité ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme A soutient que c'est à tort que la décision du 8 septembre 2005 a estimé que sa réclamation était tardive au regard de l'article R. 121-6 du code rural ; que, toutefois, comme il a été dit, les premiers juges, pour rejeter la demande dont ils étaient saisis en tant que cette demande revendiquait le bénéfice des dispositions du 4° de l'article L. 123-3 du code rural, ont, à la différence de la commission départementale d'aménagement foncier, estimé, non que la réclamation de Mme A aurait été tardive, mais que cette dernière n'était, en tout état de cause, pas fondée à revendiquer le bénéfice de ces dispositions ; que, dès lors, Mme A, qui ne met pas en cause la régularité du jugement, ne peut utilement, devant le juge d'appel, auquel, conformément à l'effet dévolutif de l'appel, il appartient de connaître de la légalité de la décision administrative frappée de recours pour excès de pouvoir compte tenu de la réponse apportée par les premiers juges à la contestation devant eux de cette légalité, soutenir que sa réclamation n'était pas tardive ; que, dès lors, si, pour les raisons que fait valoir la requérante, sa réclamation n'était, en effet, pas tardive, le moyen tiré de cette tardiveté n'en est pas moins inopérant devant le juge d'appel, les premiers juges ne s'étant point fondés sur une telle tardiveté, ainsi d'ailleurs que Mme A le relève elle-même dans le mémoire susvisé enregistré le 2 juillet 2009 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la contenance de la parcelle cadastrée C n° 426 est de 12 500 m² ; que, pour l'application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 123-3 du code rural, l'appréciation par les commissions d'aménagement foncier du caractère de terrain à bâtir ne peut porter que sur les parcelles cadastrales incluses dans le périmètre de remembrement et non sur des fractions de parcelles ; que Mme A soutient elle-même que seule une fraction, d'une superficie de 3 000 m² et représentant ainsi moins du quart de la contenance de cette parcelle, présente un caractère constructible ; qu'il ressort à cet égard d'une lettre du maire de Bretteville du Grand Caux en date du 12 mars 2005 que seule cette fraction de 3 000 m² a été classée en zone NB, constructible, à l'occasion d'une modification du plan d'occupation des sols intervenue en 1999 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'une fraction représentant à peine le quart de la contenance d'une parcelle présente les caractéristiques permettant de qualifier un terrain à bâtir au sens des dispositions du 1°) du II de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation ne permet pas d'estimer que l'ensemble de cette parcelle constituerait un terrain à bâtir au sens et pour l'application du 4° de l'article L. 123-3 du code rural ; que, dès lors, la parcelle cadastrée C n° 426 ne présentant pas les caractéristiques d'un terrain à bâtir au regard de ce 4°, Mme A n'est pas fondée à en prétendre à la réattribution sur ce fondement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée, par les moyens qu'elle soulève, à prétendre que c'est à tort que les premiers juges, dont le jugement est suffisamment motivé, ont rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Seine-Maritime du 8 septembre 2005 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, compte tenu de ce qui précède, que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires par voie de conséquence du rejet de celles aux fins d'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de Mme A à ce titre ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner cette dernière à payer à Mme B la somme de 1 500 euros qu'elle demande à ce titre ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'Etat les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion de l'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera à Mme B la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Françoise A, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à Mme Evelyne B.

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N°11DA00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA00293
Date de la décision : 15/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture - chasse et pêche - Remembrement foncier agricole - Commissions de remembrement.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Substitution de motifs.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Effet dévolutif.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : OTTAVIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-15;11da00293 ?
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