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30/12/2011 | FRANCE | N°10DA01166

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 30 décembre 2011, 10DA01166


Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL HERBIN SERGE MONTAGE (HSM), dont le siège social est situé 114 rue du Beau Laurier à Tourcoing (59200), par Me Roumazeille, avocat ; la SARL HERBIN SERGE MONTAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806540, en date du 15 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005

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2°) de prononcer la décharge de cette imposition supplémentaire de l...

Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL HERBIN SERGE MONTAGE (HSM), dont le siège social est situé 114 rue du Beau Laurier à Tourcoing (59200), par Me Roumazeille, avocat ; la SARL HERBIN SERGE MONTAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806540, en date du 15 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition supplémentaire de l'année 2005 ainsi que de celles des années 2006 et 2007 ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 335 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Roumazeille pour la SARL HERBIN SERGE MONTAGE ;

Considérant que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE exerce une activité de maintenance et transfert de machines industrielles ; qu'elle a fait l'objet, en 2007, d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe professionnelle des années 2005 à 2008 à l'issue de laquelle l'administration a repris des crédits de taxe professionnelle dont la société avait bénéficié pour les années 2005, 2006 et 2007, sur le fondement de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ; que la société a contesté devant le Tribunal administratif de Lille les rappels de taxe professionnelle pour les années 2003 à 2005 par une requête du 2 octobre 2008, puis a ensuite demandé au même tribunal la décharge des cotisations rappelées pour les années 2005 à 2007 dans un mémoire récapitulatif du 12 août 2009 ; que, par un jugement du 15 juillet 2010, le Tribunal administratif de Lille a rejeté la requête ; que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE relève appel dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'en l'état actuel du droit, aucune règle, ni aucun principe n'impose au rapporteur public la communication écrite des conclusions qu'il a prononcées au cours de l'audience au tribunal administratif ; que, par suite, la SARL HERBIN SERGE MONTAGE ne peut utilement se plaindre de ce que ses demandes écrites formées en ce sens n'ont pas été suivies d'effet ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales : L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance ; qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ; qu'aux termes de l'article R. 421-3 du même code : Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ; que la société a précisé, dans sa réclamation contentieuse du 9 mai 2008 rejetée par une décision de l'administration fiscale en date du 4 août 2008, qu'elle contestait l'intégralité des droits, intérêts et pénalités relatifs à la taxe professionnelle des années 2005, 2006 et 2007 mais a limité, par une simple erreur de plume, ses conclusions initialement présentées aux premiers juges aux seules années 2003 à 2005 alors que, par ailleurs, les moyens présentés discutaient, précisément, l'ensemble de la période couvrant les années 2005, 2006 et 2007 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la seule demande relative à l'année 2005 et a ainsi omis de statuer sur les demandes présentées au titre des années 2006 et 2007 ; que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE est ainsi fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement par voie d'évocation sur la demande de première instance relative aux années 2006 et 2007 et, dans le cadre de l'effet dévolutif, sur la demande relative à l'année 2005 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : La procédure de redressement contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers (...) ; que la taxe professionnelle, qui constitue une imposition directe perçue au profit des collectivités locales, entre dans le champ de l'application de l'article L. 56 précité du livre des procédures fiscales ; que les dispositions de cet article ont pour effet d'écarter la procédure de redressement contradictoire ainsi que les obligations attachées à cette procédure par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, lorsqu'une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations ; qu'il suit de là que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE ne peut utilement faire valoir qu'elle a été privée des garanties d'un débat oral et contradictoire attaché à la procédure contradictoire, ni de la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur ou l'interlocuteur départemental ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'administration a informé la SARL de son intention de modifier les cotisations de taxe professionnelle pour les années 2005 à 2008 par une lettre du 28 septembre 2007 et que la SARL a produit ses observations par lettre du 30 octobre 2007, lesquelles ont fait l'objet d'une réponse en date du 21 novembre 2007 ; que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié des garanties attachées à la vérification de comptabilité ;

Considérant, en second lieu, que, si la SARL soutient que la procédure d'imposition serait irrégulière en raison du défaut de saisine de la commission départementale des impôts, en vertu des dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, les questions relatives à la taxe professionnelle ne relèvent pas de la compétence rationae materiae de cette commission ; que la procédure d'imposition n'a donc pas été, sur ce point, entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1647 C sexies du code général des impôts : I. Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt en application des articles 1464 B à 1464 G et 1465 à 1466 E peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 et situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année (...) ; qu'aux termes de l'article 1465 du même code : Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire, soit à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités (...) ;

Considérant qu'ont un caractère industriel, au sens des dispositions combinées des articles 1465 et 1647 C sexies du code général des impôts, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE exerce une activité consistant dans le démontage et le remontage de machines et installations industrielles, lors d'opérations de démontage d'usines ; que, si elle fait valoir, d'une part, l'utilisation à cet effet de matériels et outillages lourds et complexes et, d'autre part, la modification des machines pour tenir compte de la nouvelle implantation des moyens de production des usines démontées, en l'état de l'instruction, il n'est pas justifié que ces opérations concourent directement à la transformation de matières premières ou de produits semi-finis en vue de la fabrication de biens manufacturés ; que, par suite, elle n'est pas en droit de demander le bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ;

Considérant, tout d'abord, que, si la SARL HERBIN SERGE MONTAGE peut être regardée comme se prévalant des dispositions de l'instruction 6 C-251 du 15 décembre 1988, ce moyen est inopérant s'agissant d'une instruction relative à l'interprétation de la loi fiscale en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et non de taxe professionnelle ; que, par ailleurs, l'instruction 6 E 13 82 du 1er septembre 1991 ne contient aucun élément d'interprétation qui aurait été méconnu par l'administration lors de l'appréciation de la nature de l'activité de la société requérante ;

Considérant, ensuite, que la SARL HERBIN SERGE MONTAGE fait valoir que l'administration a pris formellement position sur la question en cause de la nature de son activité en procédant à des dégrèvements de cotisation de taxe professionnelle pour les années 2005 et 2008 ; que la société ne saurait se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la circonstance qu'elle a obtenu, suite à réclamation, le bénéfice de l'exonération pour 2005, la décision de dégrèvement, non motivée, ne valant pas prise de position formelle, par l'administration, sur l'appréciation d'une situation de fait de la société au regard du texte fiscal ; que, par ailleurs, l'interprétation de la loi fiscale par l'administration, formulée à l'occasion de la décision du 18 mars 2010 portant dégrèvement de cotisation à la taxe professionnelle pour l'année 2008, ne peut, compte tenu de sa date, être utilement invoquée par la société à l'encontre des impositions en cause ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SARL HERBIN SERGE MONTAGE doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0806540, en date du 15 juillet 2010, du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a omis à statuer sur les impositions des années 2006 et 2007.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL HERBIN SERGE MONTAGE et la demande de cette société sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL HERBIN SERGE MONTAGE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°10DA01166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA01166
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-03 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Olivier Gaspon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-30;10da01166 ?
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