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26/01/2012 | FRANCE | N°11DA00163

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 26 janvier 2012, 11DA00163


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 2 février 2011, présentée pour M. Rafik A, demeurant ..., par Me Mouchabac, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0803805 en date du 7 décembre 2010 en tant qu'il a limité à 5 000 euros l'indemnisation du préjudice né pour lui de la décision du préfet de l'Eure lui ayant refusé, le 21 janvier 2003, un titre de séjour, annulée par jugement du même tribunal du 18 mai 2006 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme

de 43 000 euros en réparation de son préjudice financier et une somme de 30 000 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 2 février 2011, présentée pour M. Rafik A, demeurant ..., par Me Mouchabac, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0803805 en date du 7 décembre 2010 en tant qu'il a limité à 5 000 euros l'indemnisation du préjudice né pour lui de la décision du préfet de l'Eure lui ayant refusé, le 21 janvier 2003, un titre de séjour, annulée par jugement du même tribunal du 18 mai 2006 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 43 000 euros en réparation de son préjudice financier et une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral, préjudices consécutifs à l'illégalité de la décision de refus de séjour que lui a opposé le préfet de l'Eure le 21 janvier 2003 ; ces sommes devant porter intérêt à compter du 24 décembre 2008 ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que la demande de M. A a pour objet d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour que le préfet de l'Eure lui a opposé le 21 janvier 2003 ; que de telles conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à raison d'une faute commise par une autorité administrative dans l'exercice de ses pouvoirs de police relève de la compétence de la juridiction administrative, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Eure ;

Sur la recevabilité des conclusions de première instance :

Considérant que, si le préfet soutient que l'administration n'a pas reçu de réclamation préalablement à la saisine du tribunal administratif sur la demande indemnitaire de M. A, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, M. A produit au dossier la copie de son courrier du 16 octobre 2007 par lequel il réclamait une indemnité à ce titre au préfet de l'Eure, ainsi qu'un accusé de réception signé le 17 octobre 2007 par le même préfet ; que le contentieux est lié par le silence gardé par le préfet sur cette demande ; que si le préfet soutient que l'accusé de réception produit ne concerne pas le courrier du 16 octobre 2007, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation et ne produit notamment pas le courrier dont il aurait accusé réception le 17 octobre 2007 ; que dans ces conditions, la demande de première instance de M. A était recevable ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Rouen a annulé, par jugement devenu définitif du 18 mai 2006, la décision de refus de séjour opposée à M. Rafik A le 21 janvier 2003, pour erreur de droit, au motif que le préfet ne pouvait conditionner la délivrance d'un premier titre de séjour à un Algérien conjoint de Français à l'existence d'une vie commune entre les époux ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne le montant des préjudices :

Considérant que M. A peut demander l'indemnisation des préjudices certains qui sont en lien direct avec la faute commise par le préfet ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A demande la réparation, à hauteur de 43 200 euros du préjudice financier consécutif à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, à compter de la décision de refus de séjour du 21 janvier 2003, de pouvoir travailler régulièrement, il résulte de l'instruction qu'il n'avait occupé, jusqu'à cette date, que des emplois précaires ou intérimaires pour des revenus mensuels très variables au cours de l'année 2002 allant de 400 à un peu plus de 1 000 euros ; que dès lors que le titre dont il sollicitait la délivrance et qui lui a été refusé illégalement aurait eu une durée de validité d'une année, c'est sur cette période qu'il y a lieu d'apprécier l'étendue de la perte de chance et, par suite, du préjudice financier subi par le requérant ;

Considérant, en second lieu, que si la circonstance que M. A a été, en conséquence du refus de séjour qui lui a été illégalement opposé, l'objet d'une condamnation pénale pour séjour irrégulier assortie d'une interdiction du territoire français et que les placements en rétention et emprisonnements qu'il a eu à subir sont directement liés à l'application et aux suites de la décision illégale, il résulte aussi de l'instruction que la vie commune avec sa première épouse française a cessé quelques mois après leur mariage et que M. A, qui n'est pas intervenu à l'instance ayant abouti au prononcé de son divorce, n'a réclamé aucun droit de visite ou de garde de l'enfant né de son union avec son ex-épouse et n'établit pas davantage avoir contribué à son éducation ou son entretien depuis sa naissance ; que l'étendue de son préjudice moral doit être appréciée à l'une de ces considérations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en fixant à une somme de 5 000 euros, pour le tout, le montant de l'indemnisation qui est due à M. A pour la réparation de ses préjudices moral et financier, le tribunal administratif a fait une juste évaluation de ceux-ci ;

En ce qui concerne les intérêts :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, M. A a droit au paiement des intérêts au taux légal sur le principal de sa créance, à compter au moins de sa première demande adressée au créancier ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à sa demande, bien que présentée pour la première fois en appel, tendant au paiement d'intérêts de retard à compter du 24 décembre 2008, date de saisine des premiers juges ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a fixé à 5 000 euros l'indemnisation de ses préjudices ; qu'il a droit en revanche au versement des intérêts au taux légal sur cette somme, à compter du 24 décembre 2008 ; que les conclusions d'appel incident du préfet de l'Eure doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. A dirigée contre l'Etat et fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les sommes que l'Etat a été condamné à verser en application du jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0803805 du 7 décembre 2010 porteront intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2008.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et l'appel incident du préfet de l'Eure sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rafik A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°11DA00163


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions nouvelles.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP VERDIER-MOUCHABAC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/01/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11DA00163
Numéro NOR : CETATEXT000025210274 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-01-26;11da00163 ?
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