Vu la requête, enregistrée par télécopie le 17 juin 2011 et régularisée par la production de l'original le 22 juin 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le PREFET DU LOIRET, par Me Denizot, avocat ; le PREFET DU LOIRET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1101343 du 9 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. Abdurhaman A, a annulé ses décisions, en date du 20 janvier 2011, par lesquelles il a obligé M. A à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) de confirmer son arrêté, en date du 20 janvier 2011 ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. A en première instance ;
4°) de condamner M. A au versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Daniel Mortelecq, président de chambre,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant russe d'origine tchétchène, né le 2 janvier 1969, est entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses déclarations, le 25 novembre 2009 ; qu'il a sollicité, le 27 novembre 2009, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision en date du 4 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris acte du désistement de la demande d'asile de M. A ; que, le 20 octobre 2010, M. A a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que, par une décision en date du 20 décembre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de M. A ; que, par un arrêté en date du 20 janvier 2011, le PREFET DU LOIRET a opposé à M. A un refus à sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être reconduit ; que M. A a présenté auprès du Tribunal administratif d'Orléans, le 26 avril 2011, une demande aux fins d'annulation de ces trois décisions ; qu'il a fait l'objet, avant qu'il ne soit statué sur cette demande, d'une décision de placement en rétention administrative au centre d'Oissel (Seine-Maritime), prise par le préfet du Loiret le 5 mai 2011 ; que, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a, par un jugement en date du 9 mai 2011, annulé l'arrêté du PREFET DU LOIRET en tant qu'il fait obligation à M. A de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ; que le PREFET DU LOIRET relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :
Considérant, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive susvisée : Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée ; que, par suite, le PREFET DU LOIRET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination, a considéré que cette décision était dépourvue des motifs de fait et de droit qui la fondent au regard des exigences de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Rouen que devant la cour ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 dudit code : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code dont s'agit : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a sollicité son admission au séjour, au titre de l'asile, le 27 novembre 2009 ; que, par une décision en date du 4 octobre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris acte du désistement de sa demande d'asile ; que le 20 octobre 2010, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que le PREFET DU LOIRET a refusé, par une décision du 23 novembre 2010, l'admission au séjour de M. A au titre de l'asile en application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la brièveté des délais entre le désistement de sa demande d'asile et sa demande de réexamen ; qu'après intervention de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 décembre 2010, refusant à l'intéressé la qualité de réfugié, le PREFET DU LOIRET a, par un arrêté en date du 20 janvier 2011, rejeté la demande de titre de séjour de M. A présentée au titre du 8° de l'article L. 314-11, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette obligation ;
Considérant que, pour l'application des dispositions du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui présente une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile doit être regardé comme présentant également une demande de carte de résident en qualité de réfugié ; qu'ainsi, il appartient au préfet, à qui il est loisible d'user de son pouvoir de régularisation à titre gracieux, de statuer sur cette demande après l'intervention de la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile ;
Considérant, par suite, que, contrairement à ce que soutient M. A, le PREFET DU LOIRET demeurait compétent, après avoir rejeté la demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile présentée par M. A, pour statuer sur sa demande de titre de séjour et pouvait légalement, après examen de la situation de l'intéressé, refuser de lui délivrer une carte de séjour et assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que M. A doit être regardé comme ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ; qu'il n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision en date du 20 décembre 2010, a refusé la qualité de réfugié à l'intéressé ; que, par suite, le PREFET DU LOIRET, après avoir procédé à l'examen de sa situation administrative et personnelle au vu des éléments qu'il avait fournis à l'appui de sa demande, ainsi qu'il ressort des termes de la décision attaquée, a pu légalement tirer les conséquences du rejet de la demande d'asile de M. A par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision lui a été notifiée le 30 décembre 2010, et, par un arrêté en date du 20 janvier 2011, pris sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de délivrer à l'intéressé une carte de séjour en qualité de réfugié, et assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, conformément aux dispositions du I de l'article L. 511-1 et de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées ; qu'il en résulte que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Considérant que M. A soutient qu'il serait personnellement menacé et risquerait sa vie en cas de retour en Russie, en raison de son origine tchétchène ; qu'il serait recherché par les services spéciaux russes, qui le soupçonnent d'avoir aidé des combattants tchétchènes ; que plusieurs membres de sa famille auraient fait l'objet d'arrestations et de persécutions, dont un de ses frères qui aurait disparu depuis mars 2007 et son neveu qui aurait été assassiné en août 2010 ; que, toutefois, M. A n'assortit ses allégations d'aucun élément probant de nature à établir que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'il serait personnellement exposé à des peines ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, celui-ci ayant émis des doutes sur l'authenticité de certains documents en estimant qu'ils étaient falsifiés ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU LOIRET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 janvier 2011, en tant qu'il oblige M. A à quitter le territoire français et fixe son pays de destination ; que la demande présentée par M. A devant le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (...) ;
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du PREFET DU LOIRET tendant à la condamnation de M. A à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A en faveur de son avocat doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101343 du Tribunal administratif de Rouen du 9 mai 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Rouen et les conclusions d'appel de l'intéressé sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DU LOIRET est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Abdurhaman A.
Copie sera transmise au PREFET DU LOIRET.
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N°11DA00958 2