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02/02/2012 | FRANCE | N°10DA01448

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02 février 2012, 10DA01448


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 novembre 2010 et confirmée par la production de l'original le 22 novembre 2010, présentée pour M. et Mme Rémi A, demeurant ..., par la SCP Lenglet, Malbesin et Associés ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802851 du 16 septembre 2010 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 36 812,44 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de l

'illégalité du certificat d'urbanisme du 17 janvier 2005 et du permis d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 18 novembre 2010 et confirmée par la production de l'original le 22 novembre 2010, présentée pour M. et Mme Rémi A, demeurant ..., par la SCP Lenglet, Malbesin et Associés ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802851 du 16 septembre 2010 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 36 812,44 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 17 janvier 2005 et du permis de construire du 11 juillet 2005, ladite somme étant majorée des intérêts légaux et capitalisés ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 36 812,44 euros en réparation de leurs préjudices, ladite somme étant majorée des intérêts légaux à compter du 4 juin 2008 et capitalisés à compter du 4 juin 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A ont fait une demande de certificat d'urbanisme, en application du 2ème alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme en vue de savoir si deux parcelles cadastrées AD 124 ZB 25 qu'ils avaient l'intention d'acquérir situées sur le territoire de la commune de Saint-Maclou-de-Folleville pouvaient être utilisées pour la construction d'une maison d'habitation ; qu'en réponse, le préfet de la Seine-Maritime leur a délivré le 17 janvier 2005 un certificat d'urbanisme positif ; que M. et Mme A ont, devant notaire, signé le 23 févier 2005 un compromis de vente pour acquérir ces deux parcelles notamment sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire pour lequel les acquéreurs se sont engagés à déposer une demande dans les plus brefs délais ; que le maire de la commune de Saint-Maclou-de-Folleville, par arrêté du 11 juillet 2005, leur a délivré le permis sollicité dans leur demande déposée en mairie le 9 mai 2005 ; que la clause suspensive étant levée, ils ont conclu définitivement l'acte de vente le 5 août 2005 ; qu'à leur demande, le maire de la commune de Saint-Maclou-de-Folleville a retiré ce permis par un arrêté du 11 septembre 2006 ; que, devant le tribunal administratif de Rouen, M. et Mme A ont recherché la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Maclou-de-Folleville et de l'Etat à raison de l'illégalité tant du certificat d'urbanisme positif du 17 janvier 2005 que du permis de construire du 11 juillet 2005 ; que, par un jugement du 16 septembre 2010, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ; qu'ils relèvent régulièrement appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. Dans le cas où la constructibilité du terrain ou la possibilité de réaliser une opération déterminée est subordonnée à l'avis ou à l'accord des services, autorités ou commissions relevant du ministre chargé des monuments historiques ou des sites, le certificat d'urbanisme en fait expressément la réserve. Si la demande formulée en vue de réaliser l'opération projetée sur le terrain, notamment la demande de permis de construire prévue à l'article L. 421-1 est déposée dans le délai d'un an à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause. Il en est de même du régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que des limitations administratives au droit de propriété applicables au terrain, à l'exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment d'un article de presse publié dans un journal local le 14 février 1985, que la présence d'une marnière avait été identifiée à cette époque sur une parcelle située dans l'environnement immédiat du terrain que M. et Mme A avaient l'intention d'acquérir ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Maritime et le maire de la commune de Saint-Maclou-de-Folleville, agissant au nom de l'Etat, étaient informés, lorsqu'ils ont délivré respectivement le certificat d'urbanisme positif et le permis de construire, de l'existence de cette ancienne galerie souterraine ; qu'en dépit de la connaissance qu'ils avaient du risque de marnière sous les parcelles objet du présent litige, ces autorités n'ont assorti le certificat d'urbanisme du 17 janvier 2005 d'aucune réserve et le permis de construire du 11 juillet 2005 d'aucune prescription spéciale en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que l'information donnée par le maire le 3 mars 2005 au notaire chargée de la vente faisant état d'une suspicion de marnières sous les parcelles objet de la vente n'a pu régulariser les omissions entachant ces deux décisions ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à soutenir que l'illégalité qui a entaché tant le certificat d'urbanisme que le permis de construire qui leur ont été délivrés est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices directs et certains qui en résulteraient pour les intéressés ;

Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. et Mme A n'ignoraient pas les risques entraînés par l'existence de cette marnière dès lors que la correspondance du maire en date du 3 mars 2005, qui a été annexée à la minute de l'acte reçu le 5 août 2005, a été portée à leur connaissance avant la signature de l'acte de vente ; qu'ainsi, M. et Mme A, en concluant l'acte de vente, sans avoir pris aucune précaution pour s'assurer de la nature du sous-sol de la parcelle, ont commis une grave imprudence ; que, par suite, la faute qu'ils ont ainsi commise, alors même qu'ils n'ont pas la qualité de professionnels du bâtiment, doit être regardée comme de nature à exonérer l'Etat de la moitié de sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices financiers liés à l'acquisition de la parcelle :

Considérant que M. et Mme A estiment que les agissements fautifs de l'administration sont à l'origine de différents préjudices financiers liés à la perte de valeur vénale du terrain, à des frais d'études de sols correspondant à une étude d'aptitude à l'assainissement du terrain et à des frais intercalaires et d'assurance ;

Considérant que la perte de valeur vénale de la parcelle trouve sa cause dans la présence éventuelle de marnières et non directement dans les agissements fautifs de l'administration ; que, toutefois, les requérants doivent être regardés comme entendant également se prévaloir des conséquences de ces agissements sur les conditions d'acquisition du terrain ;

Considérant, d'une part, que si le certificat d'urbanisme ne comportait aucune réserve lors de la signature de la promesse de vente, cette insuffisance a été réparée avant l'acquisition du terrain par la transmission au notaire de la correspondance du 3 mars 2005, qui a été annexée à l'acte de vente, par laquelle le maire de la commune faisait état d'une suspicion de marnière et préconisait d'effectuer des sondages pour s'assurer de l'état du sous-sol ; que ce document qui a été porté à la connaissance des acheteurs devait les alerter sur les conditions dans lesquelles la vente intervenait ; que, par suite, la faute commise par l'Etat lors de la délivrance du certificat d'urbanisme n'est pas directement à l'origine des frais exposés pour l'acquisition de la parcelle ;

Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que la délivrance du permis de construire les a conduits à l'achat de la parcelle à un prix élevé ; qu'il ressort de la promesse de vente qu' En cas de refus du permis de construire pour quelque raison que ce soit, et plus particulièrement pour raison d'existence de cavité ou de marnière, les présentes seront caduques sans indemnités de part ou d'autre (...) ; que, toutefois, il est constant que les intéressés ont sollicité la délivrance d'un permis de construire sans avoir fait procéder à aucun sondage malgré la suspicion de marnière dont les parties à la vente avaient connaissance et les recommandations du maire ; que les requérants n'ont pas complété leur dossier sur ce point en cours d'instruction de la demande de permis ; qu'il n'est pas établi que l'administration, compte tenu des informations dont elle disposait à la date de sa décision, aurait dû prononcer un rejet de la demande de permis de construire, en se fondant sur la présence de marnières ; qu'ainsi qu'il a été dit, seul un tel refus aurait été de nature à rendre la vente caduque ; qu'en revanche, si, compte tenu des mêmes informations, l'Etat a commis une faute en s'abstenant d'assortir le permis de construire de prescriptions spéciales liées à l'insertion probable d'une partie du terrain dans un périmètre de protection autour de marnières situées dans le voisinage, cette omission ne peut, en tout état de cause, être regardée comme étant à l'origine des préjudices financiers dont la réparation est réclamée dès lors qu'un tel permis de construire, qui avait été sollicité, alors même qu'il aurait été assorti des prescriptions spéciales, n'aurait pas été de nature à justifier une renonciation à l'achat du terrain eu égard aux termes non équivoques des stipulations de la promesse de vente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices financiers dont la réparation est réclamée ne trouvent pas de manière directe et certaine leur cause dans les fautes commises par l'administration ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes respectivement de 32 781,82 euros au titre de la perte de valeur vénale , de 300 euros au titre des frais d'études de sols et de 2 230,62 euros correspondant aux frais intercalaires et d' assurance ;

En ce qui concerne la privation de jouissance :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le permis de construire qui avait été délivré le 11 juillet 2005 à M. et Mme A ne leur permettait pas de construire sans risque la maison individuelle pour laquelle ils avaient déposé une demande ; qu'ils étaient, en tout état de cause, dans l'obligation de solliciter un permis de construire modificatif ; que, dans ces conditions, la faute commise par l'Etat lors de la délivrance du permis de construire est de nature à avoir retardé leur projet de construction ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette faute est à l'origine d'un préjudice de jouissance ; que la somme de 1 500 euros qu'ils demandent à ce titre doit être regardée comme une juste appréciation du préjudice qu'ils ont subi ; qu'eu égard au partage de responsabilité retenue, il y a lieu de condamner l'Etat à leur verser 750 euros de ce chef ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. et Mme A ont droit aux intérêts au taux légal correspondant à la somme de 750 euros à compter du 9 juin 2008, date à laquelle la demande de réparation a été reçue par le préfet de la Seine-Maritime ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. et Mme A ont demandé la capitalisation des intérêts dans leur demande enregistrée le 3 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif ; qu'à cette date, il n'était pas dû plus d'une année d'intérêts ; qu'il n'y a donc lieu de faire droit à cette demande qu'à compter du 9 juin 2009, date à laquelle une année d'intérêts était échue ainsi qu'à chaque échéance annuelle pour les intérêts échus postérieurement à cette même date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander, d'une part, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 septembre 2010 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice résultant d'une perte de jouissance et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 750 euros à ce titre, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2008 et de leur capitalisation dans les conditions qui ont été précisées ci-dessus ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 septembre 2010 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. et Mme A tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice résultant d'une perte de jouissance.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 750 euros au titre de la perte de jouissance. Cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du 9 juin 2008. Les intérêts échus à la date du 9 juin 2009 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Rémi A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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