La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2012 | FRANCE | N°11DA00112

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02 février 2012, 11DA00112


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 24 janvier 2011 et régularisée par la production de l'original le 25 janvier 2011, présentée pour M. et Mme Patrick A, demeurant ..., par la SCP Dutat, Lefevre et Associés ;

M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807010 du 18 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Camiers rejetant leur demande d'interdiction de la diffusion de musique amplifié

e dans la salle polyvalente jouxtant leur habitation, tendant à ce qu'il so...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 24 janvier 2011 et régularisée par la production de l'original le 25 janvier 2011, présentée pour M. et Mme Patrick A, demeurant ..., par la SCP Dutat, Lefevre et Associés ;

M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807010 du 18 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Camiers rejetant leur demande d'interdiction de la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente jouxtant leur habitation, tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de prendre un arrêté interdisant la diffusion de musique amplifiée dans cette salle et tendant à la condamnation de la commune de Camiers à leur verser la somme de 20 000 euros du fait des nuisances sonores provoquées par l'utilisation de cette salle entre 2004 et 2007 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du maire de Camiers refusant d'interdire la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente jouxtant leur habitation ;

3°) d'enjoindre au maire de Camiers de prendre un arrêté interdisant une telle diffusion dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Camiers à leur verser une somme de 20 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Camiers une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Moreau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public,

- et les observations de Me Dutat, pour M. et Mme A, et de Me Caffier, pour la commune de Camiers ;

Considérant que les époux A relèvent appel du jugement du 18 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Camiers refusant d'interdire la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle jouxtant leur habitation, à ce qu'il soit enjoint au maire de prendre un arrêté interdisant la diffusion de musique amplifiée dans cette salle et à la condamnation de la commune de Camiers à leur verser la somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi du fait des nuisances sonores provoquées par l'utilisation de cette salle entre 2004 et 2007 ;

Sur la légalité de la décision contestée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui perturbent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ; qu'il incombe au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique : Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ; qu'aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine (...) une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ; qu'aux termes de l'article R. 1334-33 de ce code : L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 571-26 du code de l'environnement, issu de l'article 2 du décret du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements recevant du public et diffusant de la musique amplifiée : En aucun endroit, accessible au public, de ces établissements ou locaux, le niveau de pression acoustique ne doit dépasser 105 dB (A) en niveau moyen et 120 dB en niveau de crête, dans les conditions de mesurage prévues par arrêté ;

Considérant que si la commune de Camiers fait valoir qu'elle a adopté un règlement intérieur limitant les possibilités d'utilisation de la salle Sainte-Gabrielle , installé un dispositif de limitation automatique à 78 dB (A) du niveau sonore de la diffusion de musique amplifiée, et conclu un contrat avec une société de gardiennage pour la surveillance des abords de la salle lorsque celle-ci est utilisée, ces mesures remontent au début des années 2000 et ont déjà été considérées par la cour, dans un arrêt du 27 décembre 2004 devenu définitif, comme insuffisantes pour assurer la tranquillité des riverains de la salle communale ; que l'efficacité de ces dispositifs n'est pas davantage démontrée pour la période litigieuse qui couvre les années 2004 à 2007 ; que la commune n'établit pas, ni même n'allègue, avoir pris des mesures supplémentaires au cours de cette période ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'étude réalisée par la société Apave en juin 2009 à la demande de la commune de Camiers, produite en cause d'appel, qu'en cas de diffusion de musique amplifiée au niveau de 105 dB(A) autorisé par l'article R. 571-26 du code de l'environnement dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle , les émergences sonores mesurées à proximité de l'habitation des époux A excèdent significativement les valeurs limites prévues par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique, tant de jour que de nuit, et qu'une mise en conformité de la salle nécessiterait des travaux structurels importants ; que, par suite, et en l'absence de réalisation de tels travaux, le maire de Camiers était tenu, en application des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, d'interdire la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Camiers a refusé d'interdire la diffusion de musique amplifiée dans la salle Sainte-Gabrielle , et à demander que cette décision de refus doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction (...) d'une astreinte (...) ;

Considérant que la présente décision implique nécessairement, compte tenu de sa motivation, que le maire de Camiers prenne toute mesure pour empêcher la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle , tant de jour que de nuit, en l'absence de travaux de mise en conformité permettant une telle diffusion dans le respect des seuils réglementaires ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au maire de Camiers de prendre les mesures en ce sens, en particulier sous forme d'arrêté, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par les époux A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de Camiers a continué d'autoriser la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle durant les années 2004 à 2007 alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les émergences sonores subies par les époux A excédaient significativement les limites fixées par la réglementation ; qu'ainsi, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune au titre des nuisances subies par les époux A pendant les années 2004 à 2007 ; qu'il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en le fixant à 20 000 euros pour l'ensemble de la période ; que les époux A sont, par suite, fondés à demander que la commune de Camiers soit condamnée à leur payer cette somme ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Camiers la somme de 1 700 euros au titre des frais exposés par les époux A et non compris dans les dépens, incluant le coût de la sommation interpellative qu'ils ont été contraints d'adresser à la commune de Camiers par huissier pour obtenir la communication de l'étude réalisée par la société Apave en juin 2009, dont la production a été nécessaire à la solution du présent litige ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des époux A au titre des frais de même nature exposés par la commune de Camiers ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 novembre 2010 du tribunal administratif de Lille et la décision par laquelle le maire de Camiers a refusé aux époux A d'interdire la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Camiers de prendre, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, toute mesure, en particulier sous forme d'arrêté, pour empêcher la diffusion de musique amplifiée dans la salle polyvalente Sainte-Gabrielle , tant de jour que de nuit, en l'absence de travaux de mise en conformité permettant une telle diffusion.

Article 3 : La commune de Camiers est condamnée à verser aux époux A la somme de 20 000 euros.

Article 4 : La commune de Camiers versera une somme de 1 700 euros aux époux A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Patrick A et à la commune de Camiers.

Copie sera adressée en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer et au préfet du Pas-de-Calais.

''

''

''

''

2

No11DA00112


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police administrative - Étendue des pouvoirs de police - Obligation de faire usage des pouvoirs de police.

Police administrative - Police générale - Tranquillité publique - Activités bruyantes.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : DUTAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 02/02/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11DA00112
Numéro NOR : CETATEXT000025366869 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-02-02;11da00112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award