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14/02/2012 | FRANCE | N°10DA00839

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 février 2012, 10DA00839


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 juillet 2010 et régularisée par la production de l'original le 13 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS PEINTURE NORMANDIE, dont le siège social est situé 1 rue Léon Maletra à Rouen (76000), par Me Barrabé, avocat ; la société demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700496 du 6 mai 2010 du Tribunal administratif de Rouen en tant, qu'après avoir condamné l'Etat à lui payer une somme de 4 812,41 euros assortie des intérêts moratoires capitalisés ainsi que

les intérêts et leur capitalisation sur une somme de 3 900,51 euros et une som...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 juillet 2010 et régularisée par la production de l'original le 13 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS PEINTURE NORMANDIE, dont le siège social est situé 1 rue Léon Maletra à Rouen (76000), par Me Barrabé, avocat ; la société demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700496 du 6 mai 2010 du Tribunal administratif de Rouen en tant, qu'après avoir condamné l'Etat à lui payer une somme de 4 812,41 euros assortie des intérêts moratoires capitalisés ainsi que les intérêts et leur capitalisation sur une somme de 3 900,51 euros et une somme de 89,22 euros correspondant aux intérêts dus sur les situations de travaux réglées tardivement, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 14 723,35 euros, augmentée des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 14 962,21 euros au titre d'un préjudice de production, de 870,94 euros au titre d'un préjudice de fonctionnement, de 4 812,41 euros au titre du solde du marché et de 580,27 euros au titre des intérêts provisoirement arrêtés au 8 janvier 2007 ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 8 janvier 2008 et à chacune des échéances annuelles, et une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le décret n° 79-992 du 23 novembre 1979 relatif aux règles selon lesquelles les marchés de l'Etat et de ses établissements publics autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial peuvent tenir compte des variations des conditions économiques ;

Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de M. Noël, président de la SAS PEINTURE NORMANDIE ;

Considérant que, par acte d'engagement du 31 octobre 2003, la SAS PEINTURE NORMANDIE, a été chargée de l'exécution du lot n° 17 relatif à l'extension et au réaménagement de la sous-préfecture du Havre (Seine-Maritime), suivant un prix global et forfaitaire de 36 707,48 euros (TTC) ; qu'à l'issue de ce chantier, un désaccord l'a opposée au maître d'ouvrage, auquel elle a présenté une réclamation sur le projet de décompte final portant sur un solde restant à percevoir d'un montant de 18 132,10 euros ; qu'après le paiement d'une somme de 3 900,51 euros, le 7 décembre 2006, au titre du solde du marché, la SAS PEINTURE NORMANDIE a saisi le Tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 14 723,35 euros, majorée des intérêts moratoires postérieurs au 8 janvier 2007 ; que la SAS PEINTURE NORMANDIE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Rouen, en date du 6 mai 2010, en tant, qu'après avoir admis le principe de la responsabilité de l'Etat du fait des retards fautifs qui ont entraîné un allongement important de la durée du chantier, il n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 4 812,41 euros au titre du solde du marché et de 89,22 euros au titre des intérêts moratoires dus sur les situations de travaux réglées tardivement ; que l'Etat, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, conclut au rejet de la requête ;

Sur les préjudices subis par la SAS PEINTURE NORMANDIE :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10.42 du cahier des clauses administratives générales : Les prix fermes sont actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur le premier jour du mois d'établissement des prix, sauf si le marché exclut cette actualisation ou s'il ne contient pas les éléments nécessaires à celle-ci ; qu'aux termes de l'article 17 du même cahier des clauses administratives générales : Sous réserve des dispositions de l'article 18, un marché est conclu à prix définitif. Un marché est conclu à prix ferme dans le cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs le titulaire ou la personne publique contractante du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d'exécution des prestations. Le prix ferme est actualisable dans des conditions fixées par décret. Un marché est dit à prix ajustable ou révisable lorsque le prix peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans des conditions fixées par le décret mentionné à l'alinéa précédent ; qu'en vertu des dispositions du décret du 23 novembre 1979 susvisé, l'actualisation intervient de droit dès lors qu'un délai de plus de trois mois s'est écoulé entre la soumission et l'ordre de commencer les travaux ; qu'en revanche la révision ne peut intervenir que dans la mesure où elle a été prévue par le marché ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du décompte général, qu'une révision des prix est intervenue pour la période comprise entre le mois de juin 2004 et le mois de juin 2005, pour un montant de 1 077,06 euros, en application de la formule prévue au marché qui fait intervenir un coefficient de pondération limitant la prise en compte de la variation de prix, suivant la formule In/Io x 0,85 + 0,15 ; que, par suite, et nonobstant le non-respect du calendrier prévu au marché, la SAS PEINTURE NORMANDIE n'est pas fondée à demander un supplément d'actualisation de 306,92 euros (HT) résultant d'une révision du prix du marché, en fonction de l'évolution du seul indice des prix, excluant l'application de la formule de révision susmentionnée ; que, par ailleurs, le marché a été conclu à prix global et forfaitaire ; que, par suite, la SAS PEINTURE NORMANDIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 306,92 euros (HT) au titre d'une révision de prix destinée à tenir compte de l'évolution de l'indice de référence selon des modalités non prévues par le marché ;

Considérant, en deuxième lieu, que, du fait de l'allongement de la durée du chantier, le conducteur de travaux de la SAS PEINTURE NORMANDIE a dû participer à 14 réunions hebdomadaires de chantier après la date prévue pour la fin des travaux et que la présence du chef de chantier aurait été prolongée d'autant ; que la société demande le paiement, en sus du prix du marché, des surcoûts liés à la présence de son encadrement ; qu'il résulte toutefois du caractère forfaitaire du prix du marché, en l'absence d'un bouleversement de l'économie de ce dernier établi par la société requérante, et alors que les indemnités dont le paiement est demandé du fait de la présence du chef de chantier à des réunions de travail après la date prévue pour la fin du chantier, que ces surcoûts correspondent à des sujétions liées à l'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles par une entreprise de second oeuvre au moment de la conclusion du contrat et sont réputés être rémunérés par le prix forfaitaire ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses demandes de paiement des surcoûts allégués de 2 546,09 euros (TTC) et de 5 546,56 euros (TTC) ;

Considérant, en troisième lieu, que c'est à bon droit que le tribunal a écarté la demande de la SAS PEINTURE NORMANDIE tirée d'un préjudice, qu'elle qualifie de perte en industrie, en relevant que la société n'établissait pas la réalité du préjudice qu'elle allègue, consistant en une perte de productivité résultant de l'impossibilité de couvrir les charges fixes par l'affectation sur d'autres chantiers des moyens matériels et humains de l'entreprise, dès lors que la société se borne, en appel comme en première instance, à exposer une baisse de son chiffre d'affaires comprise entre 2 % et 21 % entre les mois de septembre, octobre et novembre des années 2003 et 2004, dans la mesure où une baisse du chiffre d'affaires ne peut être, à elle seule, assimilée à une perte ;

Considérant, en quatrième lieu, que le Tribunal administratif de Rouen a fait une juste appréciation des préjudices subis correspondant aux frais d'établissement de situations complémentaires, aux frais de tenue de planning et au suivi des comptes rendus en les évaluant, globalement, à la somme de 800 euros ; que, toutefois, le tribunal ayant omis de reprendre cette somme dans le dispositif de son jugement, la SAS PEINTURE NORMANDIE est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer cette somme ;

Considérant, en cinquième lieu, que la SAS PEINTURE NORMANDIE renouvelle en appel sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 4 812,41 euros au titre du solde du marché ; que le jugement attaqué lui a alloué cette somme, que le ministre de l'intérieur ne conteste pas devoir ; que, dès lors, la SAS PEINTURE NORMANDIE n'est pas fondée à demander la réformation du jugement sur ce chef de préjudice ;

Sur les intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales : Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final (...) ; qu'aux termes de l'article 13.32 dudit cahier : Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue au 3 de l'article 41, ce délai étant réduit à quinze jours pour les marchés dont le délai d'exécution n'excède pas trois mois (...) ; qu'aux termes de l'article 41.3 du même cahier : Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. (...) ; que ces stipulations ne prévoient aucune suspension ou prolongation de ces délais, notamment du fait d'un désaccord entre les parties au contrat ; que, par suite, la circonstance que des négociations étaient en cours entre elles n'empêchait pas le maître d'oeuvre de notifier valablement le décompte général du marché à la SAS PEINTURE NORMANDIE dans des conditions de nature à constituer le point de départ du délai de 45 jours susmentionné ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maître d'oeuvre a dressé, le 21 juillet 2005, un procès-verbal des opérations préalables à la réception, notifié à la SAS PEINTURE NORMANDIE, et sur lequel la personne responsable du marché ne s'est pas prononcée dans le délai de 45 jours suivant l'établissement de ce procès-verbal ; que, dès lors, le projet de décompte général, reçu le 24 novembre 2005 par l'Etat, a pu faire courir le délai de 45 jours donné à la personne responsable du marché pour présenter le projet de décompte général et définitif ; que, par suite, le point de départ du délai de 45 jours susmentionné, à l'issue duquel l'entrepreneur est en droit de demander des intérêts portant sur le solde du marché en l'absence de présentation du projet de décompte général et définitif, doit être fixé à la date du 24 novembre 2005, et non à celle du 1er octobre 2006 faisant suite au projet de décompte général et définitif notifié par l'Etat à la SAS PEINTURE NORMANDIE en date du 17 août 2006 ; que, par suite, ladite société est fondée à soutenir que le montant non contesté des intérêts qui lui sont dus sur le solde du marché doit être porté à 580,27 euros au 8 janvier 2007 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS PEINTURE NORMANDIE est fondée à demander la réformation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la SAS PEINTURE NORMANDIE ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 4 812,41 euros que l'Etat a été condamné à payer à la SAS PEINTURE NORMANDIE par le jugement n° 0700496 du 6 mai 2010 du Tribunal administratif de Rouen est portée à 5 612,41 euros.

Article 2 : La somme de 89,22 euros que l'Etat a été condamné à payer à la SAS PEINTURE NORMANDIE, correspondant aux intérêts moratoires et intérêts moratoires complémentaires dus sur les situations de travaux réglées tardivement, est portée à 580,27 euros.

Article 3 : Le jugement n° 0700496 du Tribunal administratif de Rouen du 6 mai 2010 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS PEINTURE NORMANDIE est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS PEINTURE NORMANDIE et au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N°10DA00839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00839
Date de la décision : 14/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LANFRY et BARRABE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-02-14;10da00839 ?
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