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23/02/2012 | FRANCE | N°11DA01693

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 février 2012, 11DA01693


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 4 novembre 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 7 novembre 2011, présentée par Mme Anahit A demeurant ... par Me A.-S Chartrelle, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101826 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 du préfet de la Somme rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoir

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 4 novembre 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 7 novembre 2011, présentée par Mme Anahit A demeurant ... par Me A.-S Chartrelle, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101826 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 du préfet de la Somme rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante arménienne, relève appel du jugement du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 du préfet de la Somme refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme A soutient que le tribunal aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle prétend avoir été mariée de force en 1995 et être harcelée par son époux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que son mémoire de première instance, s'il comportait une argumentation relative à des risques de mauvais traitements en Arménie au soutien d'un moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle, ne comportait en revanche aucun moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions susmentionnées, qui n'y étaient même pas citées ; que l'omission à statuer alléguée ne peut dès lors qu'être écartée, alors, au surplus, que les premiers juges ont néanmoins estimé que les décisions contenues dans l'arrêté ne méconnaissaient pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2011 :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le préfet se serait cru lié par l'avis exprimé le 12 octobre 2010 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie et aurait ainsi méconnu sa propre compétence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un avis du 12 octobre 2010, le médecin de l'agence régionale de santé, sollicité par le préfet de la Somme, a indiqué que Mme A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne revêtirait pas le caractère d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait suivre son traitement dans son pays d'origine ; que si la requérante produit un certificat daté du 6 juin 2011 émanant d'un généraliste, selon lequel son état de santé nécessite qu'elle reste sur le territoire français sans autre précision, un certificat du 27 juin 2011 émanant d'un autre généraliste, selon lequel elle est traitée pour son hypothyroïdie et une adénomyose utérine, un certificat du 28 juillet 2011 émanant d'un psychiatre des hôpitaux et attestant qu'elle était suivie pour des troubles anxio-dépressifs depuis octobre 2010 dans un centre médico-psychologique, et, devant la cour, un dernier certificat daté du 22 septembre 2011 émanant de ce même psychiatre, et selon lequel un retour dans son pays d'origine aggraverait sa pathologie, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant que Mme A n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dès lors, et eu égard à son entrée récente sur le territoire national, à la supposer même établie à la date du 30 décembre 2007, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaîtrait par suite les stipulations et dispositions précitées doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le préfet se serait cru lié par l'avis exprimé le 12 octobre 2010 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie et aurait ainsi méconnu sa propre compétence ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (... ) ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire dès lors que cette décision n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination où l'intéressée devrait être reconduite ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A soutient que l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle ; que si, au soutien de ce moyen, la requérante fait valoir à nouveau que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette allégation n'est pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, établie par les pièces du dossier ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : 1. Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les filles de Mme A, âgées de 14 et 12 ans à la date de la décision attaquée, ne résident en France que depuis le 30 décembre 2007, à supposer cette date établie ; que, si elles y sont scolarisées, rien ne s'oppose à ce qu'elles poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à faire regarder la décision attaquée comme prise en méconnaissance des stipulations précitées ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que Mme A soutient qu'elle a été mariée sans son consentement en Arménie le 28 janvier 1995, et que son époux a développé un comportement violent et agressif à son égard et à l'encontre de ses filles à partir de 2004 après avoir adhéré aux témoins de Jéhovah ; qu'elle n'apporte toutefois, au soutien de ses allégations, aucun élément suffisamment probant sur la réalité et l'actualité des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, la demande d'asile qu'elle avait formulée le 12 février 2008 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 mai 2008, et que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mai 2009 ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que Mme A soutient que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que si, au soutien de ce moyen, la requérante fait valoir à nouveau que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette allégation n'est pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, établie par les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anahit A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

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N°11DA01693


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Maryse Pestka
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : GESICA AMIENS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 23/02/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11DA01693
Numéro NOR : CETATEXT000025402019 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-02-23;11da01693 ?
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