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22/03/2012 | FRANCE | N°11DA01637

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 mars 2012, 11DA01637


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 23 octobre 2011 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 26 octobre 2011, présentée pour M. Mamadou A, demeurant chez ..., par Me Sow ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101629 du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2011 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoir

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 23 octobre 2011 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 26 octobre 2011, présentée pour M. Mamadou A, demeurant chez ..., par Me Sow ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101629 du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2011 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de se prononcer dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sur sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette condamnation valant renonciation à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 avril 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et à se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette condamnation valant renonciation à l'aide juridictionnelle et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur ;

Considérant que M. A, ressortissant ivoirien né le 20 juin 1985, déclare être entré en France en 2004 ; qu'après avoir fait l'objet de deux arrêtés de reconduite à la frontière les 4 juillet 2009 et 4 décembre 2010, il a sollicité son admission le 6 janvier 2011 au titre de l'asile ; que, par un arrêté du 20 janvier 2011, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile, au motif qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 10 mars 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ; que, par un arrêté du 11 avril 2011, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. A relève appel du jugement du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour ;

Considérant que les premiers juges n'ont pas estimé que la demande d'asile du requérant avait été considérée comme frauduleuse mais ont relevé à bon droit, comme cela ressortait des pièces du dossier de première instance et notamment de l'arrêté du 20 janvier 2011 par lequel le préfet a refusé l'admission provisoire au séjour de M. A, que le préfet avait regardé cette demande d'asile comme abusive au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'intéressé, dont la demande d'asile a été examinée selon la procédure dite prioritaire, ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 10 mars 2011 ; qu'il ne peut dès lors utilement invoquer les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par ailleurs, et, en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait en retenant que M. A n'avait pas formé de recours à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dès lors que ce recours n'a été enregistré au greffe de la Cour nationale du droit d'asile que le 14 avril 2011, soit postérieurement à l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) / 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné " ;

Considérant que, dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté la demande d'asile, le préfet était tenu de rejeter la demande de titre de séjour, qui tendait seulement à la délivrance de la carte de résident prévue au 8° précité de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet se serait senti lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour lui refuser ce titre de séjour en qualité de réfugié manque en droit ;

Considérant que, si M. A, lorsqu'il invoque l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le préfet, entend soutenir que ce dernier aurait fait une telle erreur en n'usant pas de son pouvoir de régulariser à titre gracieux le séjour d'un étranger ne remplissant pas les conditions légales et réglementaires requises pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, l'erreur manifeste d'appréciation ainsi alléguée n'est pas plus établie en appel qu'elle ne l'était devant le tribunal ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.-L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa " ;

Considérant, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

Considérant que M. A soutient que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est illégale au motif qu'elle est insuffisamment motivée ; que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée ;

Considérant, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive susvisée : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 sont précises et inconditionnelles ; que, par suite, le délai de transposition de ladite directive ayant expiré le 24 décembre 2010, elles sont d'effet direct ; que les dispositions précitées de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles précitées du 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 et, qu'en conséquence, ces dispositions législatives doivent demeurer inappliquées ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également de celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ce paragraphe, ce qui n'est au demeurant pas contesté ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le pays de destination :

Considérant que l'arrêté préfectoral litigieux vise l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. A est de nationalité ivoirienne et indique dans son article 3 qu'à l'expiration du délai de deux mois qui lui est imparti, " Monsieur Mamadou A pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible (...) " ; que la décision fixant le pays de destination n'appelait pas d'autre motivation ;

Considérant que, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens de M. A tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, assortie d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mamadou A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA01637
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: Mme Sylvie Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-03-22;11da01637 ?
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