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29/03/2012 | FRANCE | N°11DA00453

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 29 mars 2012, 11DA00453


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 18 mars 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 23 mars 2011, présentée pour M. Stéphane A ainsi que M. et Mme A, demeurant ..., par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, avocat ; MM et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806847 du 21 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part et à titre principal, à ce que le centre hospitalier d'Armentières soit condamné à leur payer la somme de

700 000 euros majorée des intérêts à compter de la réclamation préalable...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 18 mars 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 23 mars 2011, présentée pour M. Stéphane A ainsi que M. et Mme A, demeurant ..., par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, avocat ; MM et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806847 du 21 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part et à titre principal, à ce que le centre hospitalier d'Armentières soit condamné à leur payer la somme de 700 000 euros majorée des intérêts à compter de la réclamation préalable, d'autre part et à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise sur la fixation du préjudice et, enfin, à la condamnation du centre hospitalier d'Armentières à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Armentières à leur payer la somme de 700 000 euros majorée des intérêts à compter de la réclamation préalable ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise sur la fixation du préjudice ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- les observations de Me Huber, avocat, substituant Me Segard, pour le centre hospitalier d'Armentières ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Armentières :

Considérant que le 20 avril 2001, M. Stéphane A a été admis au service des urgences du centre hospitalier d'Armentières en raison d'un traumatisme crânien survenu sur son lieu de travail ; qu'il présentait alors une plaie pariétale droite, la fiche d'admission faisant était d'un impact par clou, ainsi qu'une attitude somnolente qui fût imputée à la consommation d'alcool et à un traitement médicamenteux ; qu'il a été procédé à la suture de cette plaie, à une évaluation de l'état de conscience du patient, de sa tension artérielle et de son rythme neurologique et il a été décidé de le garder en observation pendant quarante-huit heures ; qu'à la demande de ses parents, M. A a toutefois quitté l'hôpital dès le 21 avril 2001, après la réalisation d'un électroencéphalogramme n'ayant mis en évidence aucune anomalie ; que le 4 mai 2011, M. A s'est présenté au centre hospitalier de Saint-Omer, où un examen de tomodensitométrie par scanner a révélé la présence intracrânienne de deux clous ; que le patient a ensuite été transféré dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier régional universitaire de Lille, où il a été procédé le même jour à l'ablation de ces clous ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que si, contrairement aux mentions du jugement du 21 janvier 2011 du tribunal administratif de Lille, elle ne mentionne pas une perte de connaissance initiale, la fiche d'admission au service des urgences du centre hospitalier d'Armentières fait état, notamment, d'un impact pariétal par clou et d'un traumatisme crânien ; que tant le certificat d'arrêt de travail établi le 21 avril 2001 par le praticien du service de chirurgie orthopédique et traumatologique que le compte-rendu d'hospitalisation établi le 23 avril 2001 par ce dernier font état d'une telle perte de connaissance ; qu'ainsi, la réalité d'une perte de connaissance initiale doit être regardée comme établie ; qu'en outre, il résulte également de l'instruction que les circonstances de la survenue du traumatisme subi par M. A étaient, au 20 avril 2001, imprécises, tandis que l'intéressé était connu comme alcoolique, dépressif et consommateur de cannabis ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, le centre hospitalier d'Armentières, en s'abstenant de pratiquer une radiographie du crâne ou un examen de tomodensitométrie par scanner, a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu en particulier du traitement à base de tranquillisants et d'antidépresseurs qu'il suivait, M. A avait conscience, lors de son admission le 20 avril 2001 au service des urgences du centre hospitalier d'Armentières, de l'introduction de deux clous dans sa boîte crânienne ; qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait volontairement dissimulé des informations relatives aux conditions de la survenance du traumatisme ayant justifié son admission dans ce service ; que dès lors, le moyen tiré d'une faute de la victime de nature à exonérer en tout ou partie le centre hospitalier d'Armentières de la responsabilité qu'il est susceptible d'encourir doit être écarté ;

Sur les préjudices subis :

Considérant, d'une part, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que, lors du retour à son domicile, après la sortie du centre hospitalier d'Armentières, M. A était somnolent et céphalalgique et que, lors de la marche, ont été notés des troubles de l'équilibre avec tendance à la déviation vers la gauche ; qu'en outre, était également notée une difficulté à utiliser la main gauche dans les gestes de la vie quotidienne ; que le 4 mai 2001, lors de l'hospitalisation au centre hospitalier de Saint-Omer - la mention du centre hospitalier d'Armentières à la page 3 de ce rapport ne constituant qu'une erreur de plume -, a été relevée l'installation d'une hémiparésie gauche associée à des céphalées, sans signes évocateurs d'un syndrome d'hypertension intracrânienne ; que durant la période s'étendant jusqu'au 4 mai 2001, M. A s'est plaint de céphalées et a progressivement installé une hémiparésie gauche, responsable d'une malhabileté gestuelle au niveau de la main gauche et de difficultés lors de la marche avec perturbations de l'équilibre ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte également du rapport d'expertise que les points d'entrée des deux clous dans le crâne de M. A sont situés en région fronto-pariétale droite avec un trajet descendant vertical, intra-hémisphérique droite, progressivement divergent, l'un se situant en dehors de la tête du noyau caudé droit, au niveau des noyaux gris centraux, l'autre venant manifestement au contact de la capsule interne droite et expliquant parfaitement le déficit moteur hémicorporel gauche constaté après le 21 avril 2001 ; que l'expert ajoute que, en dépit du délai écoulé entre l'accident survenu le 20 avril 2001 et le geste chirurgical permettant l'ablation des clous effectuée le 4 mai 2001, il n'en résulte aucune répercussion significative sur la situation clinique du blessé ; qu'au soutien de cette appréciation, il précise que le trajet des deux clous au niveau de l'hémisphère droit n'a entraîné aucune complication hémorragique et que tout au plus a été notée une légère contusion le long de ce trajet, notamment à proximité de la capsule interne droite, expliquant les perturbations résiduelles du mouvement au niveau de l'hémicorps gauche ; qu'il est d'avis qu'il n'y a aucune conséquence clinique consécutive au retard à la prise en charge thérapeutique et conclut que le délai écoulé entre l'accident initial et l'intervention chirurgicale n'intervient pas dans l'existence de ces discrètes perturbations du mouvement intéressant l'hémicorps gauche ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de lien de causalité entre le délai écoulé du 20 avril au 4 mai 2011 et les perturbations de l'hémicorps gauche comme, par suite, les troubles de toute nature susceptibles d'en découler, la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières n'a pas fait perdre à M. A une chance d'éviter l'hémiparésie distale gauche et l'héminégligence du membre supérieur gauche qui ont été constatées après le 21 avril 2001 et dont il soutient être toujours affecté en 2011 ; qu'en outre, compte tenu du traumatisme crânien subi le 20 avril 2001, de la plaie pariétale en étant résulté, du traitement de cette dernière le même jour ainsi que de facteurs antérieurs propres à affecter l'état neurologique de M. A, il ne résulte pas de l'instruction que les céphalées ressenties entre le 21 avril et le 4 mai 2001 auraient eu pour cause la faute commise par le centre hospitalier d'Armentières ou que cette faute aurait fait perdre au requérant une chance d'éviter de tels maux de tête ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments et sans qu'il soit nécessaire de décider une mesure d'instruction complémentaire, les conclusions indemnitaires présentées par M. A ne peuvent être accueillies ;

Considérant, d'autre part, que si les parents de M. A font état du préjudice moral qu'ils ont subi en raison de l'inquiétude ressentie sur l'état de leur fils entre le 21 avril et le 4 mai 2001, ils ignoraient alors la présence de deux clous dans le crâne de leur enfant ; qu'ainsi qu'il a été dit, les céphalées et les troubles hémicorporels ayant affecté l'intéressé après sa sortie du centre hospitalier d'Armentières n'ont pas pour cause la faute imputable à ce dernier ; que dans ces conditions et sans qu'une mesure d'instruction soit nécessaire sur ce point, le trouble moral dont font état les requérants est dépourvu de lien de causalité avec le délai écoulé avant l'ablation des deux clous comme, par suite, avec cette faute de service ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 janvier 2011, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de leur demande ; que par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier d'Armentières au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Stéphane A et de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Armentières présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stéphane A, à M. et Mme A, au centre hospitalier d'Armentières et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale.

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N°11DA00453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00453
Date de la décision : 29/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Erreur de diagnostic.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public - Actes médicaux d'investigation.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP MANUEL GROS HÉLOÏSE HICTER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-03-29;11da00453 ?
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