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24/05/2012 | FRANCE | N°10DA01180

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 24 mai 2012, 10DA01180


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 16 septembre 2010, présentée pour M. David A, demeurant ..., par Me Parrain, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707375 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement et retiré sa décision implicite de rejet et, d'autre part, à la mise à la charge de l'Et

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 16 septembre 2010, présentée pour M. David A, demeurant ..., par Me Parrain, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707375 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement et retiré sa décision implicite de rejet et, d'autre part, à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ladite décision ministérielle du 20 avril 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- les observations de Me Parrain, avocat, pour M. A et Me Sapène, avocat, pour la société Esterra ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du ministre :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-4 du code du travail : " Dans les établissements soumis au contrôle technique des ministères chargés, des transports et du tourisme, les attributions des inspecteurs du travail et de la main-d'oeuvre sont confiées aux fonctionnaires relevant de ce département, lesquels sont placés à cet effet sous l'autorité du ministre chargé du travail, sauf en ce qui concerne les entreprises de chemin de fer d'intérêt général, de voies ferrées d'intérêt local, les entreprises de transports publics par véhicules routiers motorisés, les entreprises de transports et de travail aériens et les entreprises autres que les entreprises de construction aéronautique exerçant leur activité sur les aérodromes ouverts à la circulation publique (...) " ; que, pour juger que le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer était compétent pour prendre la décision contestée, le tribunal s'est fondé sur le fait que la société Esterra exerce à hauteur de 87 % de son chiffre d'affaires et de 77 % de sa masse salariale une activité de transport ; que M. A ne critique pas utilement la position du tribunal en se bornant à faire valoir que ces éléments contenus dans la lettre du 20 janvier 2006 de l'inspecteur du travail, versée au dossier, ont été fournis par les services de l'Etat et non par la société Esterra ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour prononcer le retrait de la décision du 6 novembre 2006 de refus d'autorisation opposé par l'inspecteur du travail, le ministre a retenu une qualification juridique des faits différente de celle faite par l'inspecteur du travail ; qu'il a ainsi motivé tant le retrait de la décision de son subordonné que le retrait de sa propre décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société Esterra ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient que la décision en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au motif qu'elle n'a pas présenté un caractère contradictoire ; qu'il allègue, d'une part, n'avoir pas eu communication de toutes les pièces produites par la société Esterra et, d'autre part, que le ministre n'a pas assuré personnellement le contradictoire ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société Esterra a formé un recours hiérarchique par courrier du 1er décembre 2006, dont il n'est pas contesté qu'il a été communiqué à M. A ; que, par courrier du 18 janvier 2007 adressé au ministre, M. A, par l'intermédiaire de son avocat, a produit ses observations écrites en réponse ; que l'employeur y a répliqué par un nouveau courrier du 23 janvier 2007, auquel M. A a de nouveau répondu par des observations écrites le 14 février 2007 ; que dès lors, M. A a pu présenter ses observations et a été d'ailleurs entendu par l'administration à l'occasion de l'examen dudit recours lors d'un entretien le 4 janvier 2007 ; qu'à supposer même comme il le prétend qu'il n'aurait pas eu communication de certaines pièces du dossier sur lequel le ministre s'est prononcé pour prendre la décision attaquée, cette circonstance, en l'espèce, ne l'a pas privé de la possibilité de faire état utilement de ses observations ; que le moyen tiré de ce que la procédure n'aurait pas été menée de manière contradictoire doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du ministre :

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ainsi qu'aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Lorsque les personnels mentionnés à l'article L. 521-2 font usage du droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis. / Le préavis émane de l'organisation ou d'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. / Il précise les motifs du recours à la grève. / Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il fixe le lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que M. A soutient, que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, il n'avait pas encore au moment des faits, la qualité de secrétaire général adjoint du Syndicat général des activités du déchet ; que toutefois, cette circonstance, dont au demeurant le requérant n'apporte pas la preuve, est sans incidence dès lors que M. A avait la qualité de représentant syndical du SGAD au comité d'entreprise ; que dans ces conditions, M. A ne peut valablement soutenir n'avoir jamais été informé de l'obligation de déposer un préavis avant le début d' un mouvement de grève dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que de tels préavis, visant expressément les dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code du travail, ont été déposés par ce syndicat les 13 et 20 février 2006, le 2 mai 2006 concernant un mouvement de grève daté du 7 mars 2006 et le 19 mai 2006 pour un mouvement de grève débutant le 26 mai 2006 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Esterra exerce l'activité de collecte et de transport des déchets et ordures ménagères ; qu'alors même que cette mission de service public lui a été contractuellement confiée par la communauté urbaine de Lille au terme d'une procédure de passation de marché public, cette société doit être regardée comme participant à la gestion d'un service public au sens des dispositions précitées des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code du travail ; que, par suite, le Syndicat général des activités du déchet était à ce titre soumis à l'obligation de déposer un préavis au moins cinq jours francs avant le début d'un mouvement de grève ; que le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer n'a dès lors pas entaché sa décision d'une erreur de droit en estimant que la société Esterra faisait partie des entreprises visées à l'article L. 521-2 du code du travail ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 521-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " La grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. / Son exercice ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunérations et d'avantages sociaux. / Tout licenciement prononcé en violation du premier alinéa du présent article est nul de plein droit " ;

Considérant, en troisième lieu, que pour autoriser le licenciement de M. A, le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer s'est fondé tant sur le motif tiré du comportement de l'intéressé que sur l'absence injustifiée de celui-ci entre le 2 mai et le 26 mai 2006 ; que pour justifier de son absence, M. A fait valoir qu'il était régulièrement en grève et que la société ne lui a pas notifié le caractère illicite de cette grève ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 2 mai 2006, aucun préavis régulier n'a été transmis à la société Esterra ; que le SGAD a adressé un préavis daté du 2 mai 2006, réceptionné par télécopie le 3 mai par la direction de la société, pour une grève à compter du " 7 mars 2006 " pour une durée indéterminée ; que, par courrier du 5 mai 2006, la société Esterra a informé le syndicat que ce préavis n'était pas régulier faute notamment du délai de cinq jours nécessaire avant le déclenchement de la grève et en raison de son caractère rétroactif de plus de deux mois ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par un courrier du 26 août 2003, plusieurs salariés dont M. A ont informé la société d'un mouvement de grève conformément à l'article L. 521-2 précité du code du travail ; qu'il ressort également d'un procès-verbal de réunion du 29 mars 2004 du comité d'entreprise, où était notamment présent M. A que cette question de la nécessité du préavis était en débat ; qu'à cette occasion, le directeur des relations sociales de la société a confirmé l'obligation d'un délai de préavis de cinq jours ; que dans ces conditions, M. A ne peut valablement prétendre qu'il ne savait pas qu'il participait sciemment à une grève illicite ;

Considérant que, si M. A fait valoir qu'un préavis a été régulièrement déposé le 19 mai 2006 pour une grève à compter du 25 mai 2006, cette circonstance n'a pas pu avoir pour effet de rendre régulière une grève irrégulière qui se poursuivait et qui avait été engagée sans préavis régulier ;

Considérant que M. A soutient que le non-respect de ce préavis ne le prive pas du bénéfice des dispositions de l'article L. 521-1 précitées du code du travail ; qu'il fait valoir que le ministre a commis une erreur de droit en ne caractérisant pas la faute lourde ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, M. A a été sciemment absent de manière injustifiée à compter du 2 mai 2006 ; que dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de M. A, notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 521-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer a exactement apprécié ce comportement comme étant fautif et, par sa gravité, de nature à justifier son licenciement ; que si par ailleurs, le ministre ne pouvait valablement justifier le licenciement de l'intéressé eu égard au comportement de celui-ci, s'agissant de faits isolés, il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur le motif tiré de l'absence injustifiée de M. A de son poste de travail entre le 2 mai et le 26 mai 2006 ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. A a postulé, à plusieurs reprises, sur divers postes sans que sa candidature soit retenue n'est pas de nature à établir la discrimination dont il se prévaut et, partant, le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat syndical ; que contrairement aux allégations de M. A, il n'est pas établi par les pièces du dossier que les salariés adhérents à d'autres syndicats aient fait l'objet de traitement plus favorable que lui ; que n'est pas davantage de nature à établir un lien avec le mandat, la circonstance que l'organisation syndicale à laquelle appartient M. A aurait fait l'objet de diverses discriminations, au demeurant non établies, de la part de la direction de la société Esterra ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 juin 2010, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la société Esterra d'une somme au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Esterra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. David A, à la société Esterra et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N°10DA01180


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: Mme Sylvie Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 24/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA01180
Numéro NOR : CETATEXT000025920072 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-24;10da01180 ?
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