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24/05/2012 | FRANCE | N°10DA01183

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 24 mai 2012, 10DA01183


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 16 septembre 2010, présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Parrain, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707374 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement et retiré sa décision implicite de rejet et, d'autre part, à la mise à la charge de l'Eta

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 16 septembre 2010, présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Parrain, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707374 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement et retiré sa décision implicite de rejet et, d'autre part, à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler cette décision ministérielle du 20 avril 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- les observations de Me Parrain, avocat, pour M. A et Me Sapène, avocat, pour la société Esterra ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du ministre :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-4 du code du travail : " Dans les établissements soumis au contrôle technique des ministères chargés, des transports et du tourisme, les attributions des inspecteurs du travail et de la main-d'oeuvre sont confiées aux fonctionnaires relevant de ce département, lesquels sont placés à cet effet sous l'autorité du ministre chargé du travail, sauf en ce qui concerne les entreprises de chemin de fer d'intérêt général, de voies ferrées d'intérêt local, les entreprises de transports publics par véhicules routiers motorisés, les entreprises de transports et de travail aériens et les entreprises autres que les entreprises de construction aéronautique exerçant leur activité sur les aérodromes ouverts à la circulation publique (...) " ; que, pour juger que le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer était compétent pour prendre la décision contestée, le tribunal s'est fondé sur le fait que la société Esterra exerce à hauteur de 87 % de son chiffre d'affaires et de 77 % de sa masse salariale une activité de transport ; que M. A ne critique pas utilement la position du tribunal en se bornant à faire valoir que ces éléments contenus dans la lettre du 20 janvier 2006 de l'inspecteur du travail, versée au dossier, ont été fournis par les services de l'Etat et non par la société Esterra ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour prononcer le retrait de la décision du 6 novembre 2006 de refus d'autorisation prononcée par l'inspecteur du travail, le ministre a retenu une qualification juridique des faits différente de celle faite par l'inspecteur du travail ; qu'il a ainsi motivé tant le retrait de la décision de son subordonné que le retrait de sa propre décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société Esterra ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient que la décision en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au motif qu'elle n'a pas présenté un caractère contradictoire ; qu'il allègue, d'une part, n'avoir pas eu communication de toutes les pièces produites par la société Esterra et, d'autre part, que le ministre n'a, lui-même, pas assuré ce caractère contradictoire ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société Esterra a formé un recours hiérarchique par courrier du 1er décembre 2006, dont il n'est pas contesté qu'il a été communiqué à M. A ; que, par courrier du 12 janvier 2007 adressé au ministre, M. A, par l'intermédiaire de son avocat, a produit ses observations écrites en réponse ; que l'employeur y a répliqué par un nouveau courrier du 23 janvier 2007, auquel M. A a de nouveau répondu par des observations écrites le 13 février 2007, à la suite desquelles la société a produit un courrier du 20 février 2007 adressé au ministre ; que dès lors, M. A a pu présenter ses observations tant orales qu'écrites et a été d'ailleurs entendu par l'administration à l'occasion de l'examen dudit recours lors d'un entretien le 4 janvier 2007 ; qu'à supposer même comme il le prétend qu'il n'aurait pas eu communication de certaines pièces du dossier sur lequel le ministre s'est prononcé pour prendre la décision attaquée, cette circonstance, en l'espèce, ne l'a pas privé de la possibilité de faire état utilement de ses observations ; que le moyen tiré de ce que la procédure n'aurait pas été menée de manière contradictoire doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du ministre :

Considérant que, pour autoriser le licenciement de M. A, le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer s'est fondé d'une part, sur le comportement et divers agissements de l'intéressé entre avril et juin 2006 et, d'autre part, sur l'absence injustifiée de celui-ci de son poste de travail à compter du 26 mai 2006 et notamment les 29 et 30 mai 2006 ;

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ainsi qu'aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Lorsque les personnels mentionnés à l'article L. 521-2 font usage du droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis. / Le préavis émane de l'organisation ou d'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. / Il précise les motifs du recours à la grève. / Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il fixe le lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée (...) " ; que la société Esterra exerce l'activité de collecte et de transport des déchets et ordures ménagères ; qu'alors même que cette mission de service public lui a été contractuellement confiée par la communauté urbaine de Lille au terme d'une procédure de passation de marché public, cette société doit être regardée comme participant à la gestion d'un service public au sens des dispositions précitées des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code du travail ; que, par suite, le syndicat général des activités du déchet était à ce titre soumis à l'obligation de déposer un préavis au moins cinq jours francs avant le début d'un mouvement de grève ; que le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer n'a dès lors pas entaché sa décision d'une erreur de droit en estimant que la société Esterra faisait partie des entreprises visées à l'article L. 521-2 du code du travail ;

Considérant en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, et notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 521-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que M. A soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, il n'était pas informé de ce que le personnel de la société Esterra était soumis à l'obligation de préavis de grève susdéfinie et de ce que le mouvement de grève engagé en mai 2006 était irrégulier en raison du non-respect de cette obligation ; que toutefois, ces allégations sont démenties par les pièces du dossier qui démontrent que M. A avait, lors d'un précédent mouvement social, lui-même, en sa qualité de secrétaire général du syndicat général des activités du déchet, déposé le 20 février 2006, un préavis de grève visant expressément l'article L. 521-3 du code du travail et que le 5 mai 2006, la société Esterra a rappelé que le mouvement de grève en cours, engagé par le syndicat général des activités du déchet en méconnaissance de cette règle était irrégulier ; que si le 2 mai 2006, ce même syndicat avait déposé un préavis de grève à titre rétroactif à partir du 7 mars, visant ce même article, ce préavis, n'était pas susceptible d'avoir pour effet de régulariser une grève qui se poursuivait et avait été engagée sans préavis ;

Considérant en troisième lieu, que, M. A avait été déclaré, en avril 2006, temporairement inapte à occuper son poste de chauffeur pendant un mois et apte à occuper un poste sédentaire ; que la société a donc demandé, par courrier du 16 mai 2006, au médecin du travail de procéder au réexamen du salarié ; que le 17 mai, le médecin ayant confirmé l'inaptitude au poste de chauffeur et l'aptitude à un poste quasi sédentaire, la société a aussitôt proposé à M. A un autre poste tenant compte de son inaptitude et qu'il a accepté ; que si la participation de M. A à une réunion du comité d'entreprise justifiait qu'il ne reprît pas son travail le vendredi 26 mai 2006, l'intéressé ne s'est cependant pas davantage présenté sur son nouveau poste de travail le lundi 29 et le mardi 30 mai 2006 et n'est pas fondé, pour contester le caractère fautif de ces absences, à invoquer sa participation à une grève dont il n' ignorait pas le caractère irrégulier ;

Considérant en quatrième lieu, que s'il peut être tenu pour établi, que M. A s'est rendu, dans l'après-midi du samedi 6 mai 2006, à bord d'un véhicule privé, au domicile personnel du président-directeur général de la société Esterra, et qu'après avoir tambouriné à la porte d'entrée de l'habitation de celui-ci et l'avoir interpellé, il est resté stationné longuement en face de ce domicile en klaxonnant, le ministre ne pouvait pour motiver l'autorisation de licenciement de M. A, retenir ces agissements qui ne sont pas susceptibles d'être considérés comme constitutifs d'une faute au regard du contrat de travail et des règles auxquelles était soumis M. A en qualité de salarié de la société Esterra ; qu'en revanche, le ministre a pu se fonder sur les agissements de M. A, des 3, 4, 5 et 10 mai 2006 constitutifs d'une faute grave et ayant consisté notamment, en se couchant devant les roues des véhicules, à empêcher les représentants de la direction de l'entreprise de sortir et de quitter le siège de la direction ou de sa filiale ; que ces faits sont corroborés par les pièces du dossier et en particulier, par des constats d'huissier ; que l'intervention de la police a été nécessaire pour mettre un terme à ces agissements et permettre la sortie des représentants de la direction ; que de plus, il ressort des pièces du dossier, que le 17 mai 2006, M. A a tenu des propos agressifs et menaçants au responsable de la sécurité et en présence d'un huissier ; qu'enfin, le 19 mai, il a fait pénétrer dans les locaux de l'entreprise et sans y être autorisé, une personne étrangère à celle-ci, forçant pour ce faire le passage contrôlé par des agents de sécurité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du transport, de l'équipement, du tourisme et de la mer, s'il ne s'était fondé que sur les agissements susdécrits de M. A des 3, 4, 5 , 10, 17 et 19 mai 2006 et sur les absences de l'intéressé des 29 et 30 mai 2006, aurait pris la même décision ; que ces agissements et absences sont constitutifs d'une faute qui revêtait une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. A, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, et notamment, des dispositions de l'article L. 521-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il était investi ;

Considérant, enfin, qu'à l'appui du moyen tiré de ce que la demande d'autorisation de licenciement le concernant était en lien avec son mandat syndical, le requérant fait tout d'abord valoir qu'il a fait l'objet de plusieurs demandes d'autorisation de licenciement de la part de la société Esterra ; que toutefois, les décisions de refus de l'administration en date des 6 décembre 2001, 23 avril 2002, 9 décembre 2002, nonobstant la circonstance que certaines d'entre elles retiennent le lien entre la demande et l'exercice des mandats de M. A ne permettent pas, eu égard à leur ancienneté, de tenir pour établie l'existence, dont se prévaut le requérant, d'un tel lien entre la procédure de licenciement engagée par l'employeur en 2006 et l'exercice de son mandat ; qu'il en va de même de la circonstance que l'organisation syndicale à laquelle appartient M. A aurait fait l'objet de diverses discriminations, au demeurant non établies, de la part de la direction de la société Esterra au cours des années 2003 et 2004 ; que ce lien ne ressort pas davantage de la proposition de reclassement sur un poste quasi sédentaire, d'ailleurs acceptée par M. A, et formulée par la société, à la suite du nouvel avis du médecin du travail en date du 17 mai 2006 sollicité à juste titre par l'entreprise ; que, par suite, il n'est pas établi que la mesure de licenciement ait eu un lien avec les mandats détenus par M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement du 30 juin 2010, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2007 par laquelle le ministre du transport, de l'équipement du tourisme et de la mer a autorisé son licenciement ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la société Esterra d'une somme au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Esterra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Omar A, à la société Esterra et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N°10DA01183


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: Mme Sylvie Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 24/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA01183
Numéro NOR : CETATEXT000025920078 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-24;10da01183 ?
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