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24/05/2012 | FRANCE | N°11DA01916

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 24 mai 2012, 11DA01916


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 15 décembre 2011, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE- CALAIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105045 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 avril 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ahmed A et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 15 décembre 2011, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE- CALAIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105045 du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 avril 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Ahmed A et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- et les observations de Me Gommeaux, avocat, pour M. A ;

Considérant que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS relève appel du jugement du 1er décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 4 avril 2011 refusant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à M. A, ressortissant marocain, et lui a enjoint de lui délivrer cette carte portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté en litige au motif que le refus de titre de séjour opposé à M. A porte à son droit au respect d'une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée dès lors que, présent en France depuis mai 2000, M. A a exercé une activité salariée depuis son entrée sur le territoire national et qu'il a épousé le 13 novembre 2010 une ressortissante française avec qui il vit depuis cette date ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que les fiches de paie produites pour les années 2000 à 2010 ne couvrent pour la plupart que partiellement chacune de ces années ; qu'aucune autre pièce suffisamment probante ne permet de corroborer cette présence continue alléguée ; que s'il prétend, d'ailleurs, être entré régulièrement sous couvert d'un visa de long séjour en France dès 1989 afin d'y poursuivre des études, il ne l'établit pas par la seule production d'une attestation de l'IUT du Havre indiquant qu'il y a été inscrit de 1989 à 1992 et ne justifie pas, en tout état de cause, s'être maintenu en France après 1992 ; que M. A n'a sollicité pour la première fois la délivrance d'un titre de séjour auprès de l'autorité préfectorale que le 31 décembre 2010 en qualité de conjoint de ressortissant français ; qu'à la date à laquelle l'arrêté a été pris, le mariage était récent ; que si M. A allègue une communauté de vie antérieure au mariage, il ne justifie pas de l'ancienneté de cette relation ni par les deux factures datées d'août 2010 faisant état d'une adresse commune à Viry Chatillon, ni davantage par les diverses attestations produites en particulier celle de la soeur de Mme A précisant qu'elle a fait la connaissance de M. A en juin 2010 ; que M. A n'est pas isolé au Maroc où réside le reste de sa famille ; que, dans ces conditions, en refusant la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels a été pris cet arrêté ; que par conséquent, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'en est remis à une telle atteinte pour faire droit aux conclusions de la demande de M. A;

Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que par un arrêté préfectoral n° 2010-10-154 du 7 octobre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs en date du 7 octobre 2010, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a donné délégation à " M. Jean-Pierre B, directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, à l'effet de signer (...) les décisions relatives aux droits au séjour sur le territoire français et aux titres de séjour / (...) " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant que M. A soutient que le préfet aurait entaché l'arrêté contesté d'une erreur de fait quant à la date et à la régularité de son entrée en France ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande de titre de séjour remplie par l'intéressé que M. A n'a pas expressément renseigné la partie relative aux modalités d'entrée sur le territoire français, dont il lui appartient de justifier ; que par conséquent, en l'absence de toute information probante contraire, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de fait, estimer que M. A est entré irrégulièrement sur le territoire français ; que si M. A soutient que la date d'entrée retenue par le préfet est erronée, il n'établit pas que sa dernière entrée sur le territoire français serait antérieure à celle retenue par le préfet ; que le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; que l'article L. 311-7 du même code dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est dépourvu du visa de long séjour prévu par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il allègue être entré régulièrement en France en 1989 afin d'y poursuivre des études, il ne l'établit ni par la déclaration de l'IUT du Havre attestant qu'il a été inscrit dans cet établissement de 1989 à 1992, ni par ses démarches infructueuses auprès des services consulaires ; que, par suite, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS pouvait légalement refuser le titre de séjour demandée par le requérant en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'établit pas remplir les conditions lui permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour instituée par les dispositions de l'article L. 312-2 du même code avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission doit être écarté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'a présenté de demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " qu'en qualité de conjoint de ressortissante française ; qu'il n'a pas présenté de demande tendant à la délivrance d'un tel titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de ces dispositions le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour, doit être écarté comme inopérant ;

Considérant que le moyen tiré de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article L. 313-14 du même code est inopérant dès lors que la demande de titre de séjour présentée par M. A était fondée non sur ces dispositions mais sur celles du 4° de l'article L. 313-11 dudit code ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux cités précédemment, et alors même que l'épouse de M. A était enceinte à la date de la décision prise par le préfet, il n'est pas davantage établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur la situation personnelle du requérant en refusant de lui délivrer le titre sollicité ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que par un arrêté préfectoral n° 2010-10-154 du 7 octobre 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs en date du 7 octobre 2010, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a donné délégation à " M. Jean-Pierre B, directeur de la citoyenneté et des libertés publiques, à l'effet de signer (...) / les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français / les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) " ;

Considérant que M. A soutient que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est illégale au motif qu'elle est insuffisamment motivée ; que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive susvisée : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 sont précises et inconditionnelles ; que, par suite, le délai de transposition de ladite directive ayant expiré le 24 décembre 2010, elles sont d'effet direct ; que les dispositions précitées de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles précitées du 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 et, qu'en conséquence, ces dispositions législatives doivent demeurer inappliquées ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également de celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ce paragraphe, ce qui n'est au demeurant pas contesté ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que la décision du PREFET DU PAS-DE-CALAIS refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait dépourvue de base légale ;

Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 avril 2011 et lui a ordonné de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que la demande de M. C présentée devant le tribunal doit être rejetée, de même que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C devant le cour, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également par voie de conséquence être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A présentées devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Ahmed A.

Copie sera adressée au PREFET DU PAS-DE-CALAIS.

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N°11DA01916


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: Mme Sylvie (AC) Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 24/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11DA01916
Numéro NOR : CETATEXT000025920125 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-24;11da01916 ?
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