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29/05/2012 | FRANCE | N°10DA00854

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 mai 2012, 10DA00854


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée OPENING, dont le siège social est situé 14 rue de Beauchêne à Champenard (27600), par la SCP d'avocats Dhalluin, société d'avocats ; la SAS OPENING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901537-0901538 du 11 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles

elle a été assujettie au titre des exercices qu'elle a clos en 2002, 2003 et...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée OPENING, dont le siège social est situé 14 rue de Beauchêne à Champenard (27600), par la SCP d'avocats Dhalluin, société d'avocats ; la SAS OPENING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901537-0901538 du 11 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices qu'elle a clos en 2002, 2003 et 2004 et à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période de janvier 2002 à décembre 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Considérant que la SAS OPENING, qui exerce une activité de distribution de films cinématographiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices qu'elle a clos de 2002 à 2004 ; qu'elle forme appel du jugement du 11 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices qu'elle a clos en 2002, 2003 et 2004 et à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période de janvier 2002 à décembre 2004 ;

Sur l'impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. (...) " ;

Considérant que, pour évaluer la valeur de son stock de DVD réparti dans les kiosques qui assurent la vente de ces produits, la SAS OPENING a soustrait du prix de revient de ces disques le coût représenté par les frais de déconditionnement des disques invendus et retournés par les dépositaires ; qu'alors même qu'elles seraient nécessaires pour assurer la commercialisation ultérieure des DVD retournés, ces opérations de déconditionnement sont sans incidence sur la valeur du stock de DVD, dont l'évaluation se fait au prix de revient, en l'espèce égal au coût de fabrication, à l'exception des DVD C'Discount pour lesquels le service a admis une décote au titre de l'exercice 2002 afin de tenir compte de la cession des droits exclusifs attachés à ces supports enregistrés ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts pour justifier la décote directe qu'elle a pratiquée sur l'ensemble de son stock à la clôture des exercices qu'elle a clos de 2002 à 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que le paragraphe n° 26 de l'instruction du 24 avril 1992 publiée sous le n° 4 E-3-92 énonce que si des dépenses ont déjà été engagées à la clôture d'un exercice en vue de la commercialisation ultérieure des produits en stock, elles doivent être incorporées au prix de revient des stocks si elles constituent un complément de prix de revient de ces biens, ou être déduites immédiatement dans le cas contraire ; que la société, qui n'apporte aucune justification sur les dépenses de déconditionnement consacrées aux lots de DVD invendus que lui retournent les kiosques tout au long de l'année, n'établit pas avec un degré suffisant de précision la part de ces dépenses, engagées à la clôture de l'exercice, afférentes aux DVD en stock commercialisés ultérieurement ; qu'elle n'établit pas davantage que ces dépenses constituent une diminution du prix de revient des disques retournés et commercialisés à nouveau ; que, par suite, la SAS OPENING, qui ne remplit pas les conditions de l'instruction qu'elle invoque, n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5°) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte. (...) " ; que, si ces dispositions autorisent une entreprise à constituer une provision à raison des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement, c'est à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ;

Considérant que, pour faire face aux risques de mévente de DVD édités au cours des exercices antérieurs à ceux en litige, la SAS OPENING a constitué des provisions calculées forfaitairement à hauteur de 15 % de la valeur du stock au titre de l'année 2002, à hauteur de 25 % de la valeur du stock au titre de l'année 2003 et à hauteur de 275 898 euros au titre de 2004 ; qu'à supposer que l'évolution défavorable du marché des films diffusés sur supports vidéo en raison, en particulier, de la concurrence déloyale du téléchargement gratuit, soit de nature à justifier l'existence du risque de mévente allégué, la contribuable, en se bornant à produire quelques coupures de presse, au demeurant postérieures aux exercices faisant l'objet du litige, n'établit pas que les pertes ou charges sont évaluées avec une approximation suffisante ; que, par suite, l'administration était en droit de remettre en cause les provisions passées à ce titre à la clôture des exercices clos 2003 et 2004 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au code des impôts : " 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : a) Pour les biens acquis à titre onéreux, du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des frais de transport, de manutention et autres coûts directement engagés pour l'acquisition des biens et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies ; b) Pour les biens produits par l'entreprise, du coût de production qui comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production variables ou fixes et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. La quote-part de charges correspondant à la sous-activité n'est pas incorporable au coût de production. Les coûts administratifs sont exclus du coût d'acquisition et du coût de production définis ci-dessus, à l'exception du coût des structures dédiées. 2. Le coût des stocks est déterminé par l'identification spécifique des coûts individuels, fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, par des calculs ou évaluations statistiques. " ; qu'aux termes de l'article 38 decies de la même annexe : " Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation. " ; que lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation ; qu'il appartient au contribuable de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;

Considérant qu'en se bornant à faire état de la " réalité du marché " et de son " évolution ", la SAS OPENING ne justifie pas, avec un degré d'approximation suffisant, l'écart entre le prix de revient unitaire de ses produits en stock et le cours du jour à la clôture des exercices faisant l'objet du litige ; qu'elle n'apporte pas davantage cette justification en faisant état d'une opération de déstockage d'un million de DVD écoulés au prix unitaire de 20 centimes d'euro dès lors que cette opération, intervenue en 2006, est postérieure à la clôture des exercices en cause ; qu'en outre, la société requérante, qui n'est pas en mesure de déterminer de façon suffisamment précise le risque de dévalorisation du stock tournant, n'était pas en droit d'évaluer forfaitairement, à concurrence de 15 % de sa valeur, le montant de la provision passée à ce titre ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer dans les résultats de la SAS OPENING les provisions pour risque de baisse du prix unitaire et pour risque de dévalorisation du stock tournant constituées par cette dernière ;

Considérant, en cinquième lieu, que par deux conventions conclues au cours de l'année 2002, la SAS OPENING a cédé des droits d'exploitation de films, respectivement, à la société C'Discount en vue de leur diffusion par DVD et à la société AB Production en vue de leur diffusion télévisuelle ; que la société vérifiée a constitué des provisions en vue de faire face au risque, engendré par l'exécution de ces contrats, représenté par la demande de versement de royalties des ayants droit des oeuvres dont les droits d'exploitation étaient, sans leur autorisation, cédés à des tiers ; que, dans le cas des droits cédés à la société C'Discount, le montant des provisions constatées à la clôture des exercices 2002 à 2004 a été calculé par application, aux taux de royalties de 12 à 20 %, d'un pourcentage de risque de demande de paiement égal à 30 % ; que, dans le cas des droits cédés à la société AB Production, le montant de la provision constatée à la clôture de l'exercice 2002 a été calculé par application, aux taux de royalties de 40 à 70 %, d'un pourcentage de risque de demande de paiement de 20 % ; que s'il n'est pas contesté que la SAS OPENING, faute d'être entièrement titulaire des droits d'exploitation des films qu'elle a cédés sans déclaration aux ayants droit concernés, prenait le risque d'être confrontée à une demande de paiement de ces derniers, le risque de litige ayant motivé les provisions en cause n'est pas établi, avec un degré d'approximation suffisante, par les seuls contrats de cession évoqués ci-dessus ; que ce risque n'est pas davantage établi par les documents produits par la société requérante, tous relatifs à des films cédés à la société C'Discount, dès lors qu'ils mentionnent des démarches émanant d'ayants droit lésés engagées postérieurement à la clôture des exercices vérifiés ; que, par suite, le vérificateur était en droit de remettre en cause, dans leur principe, les provisions contestées ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 302 bis KE du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt de bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs : " Il est institué à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public (...). Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes. La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre de l'opération visée ci-dessus. Le taux est fixé à 2 %. La taxe est éligible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ; qu'il résulte des dispositions précitées du 5°) du 1 de l'article 39 du code général des impôts qu'une entreprise peut valablement porter en provision d'un exercice les sommes correspondant à une charge qui ne sera supportée qu'ultérieurement par elle à la condition que cette charge soit nettement précisée quant à sa nature et susceptible d'être évaluée avec une approximation suffisante, qu'elle apparaisse comme probable eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture de l'exercice et qu'elle se rattache aux opérations de toutes natures déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant que la SAS OPENING soutient, qu'en raison du caractère récent de l'institution de la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes par la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 et des incertitudes portant sur l'exigibilité de cette taxe, elle était en droit de constituer une provision à hauteur des montants de droits qu'elle était susceptible de se voir réclamer au titre des périodes couvrant une partie de l'année 2003 et la totalité de l'année 2004 ; qu'il résulte toutefois clairement des dispositions précitées de l'article 302 bis KE du code général des impôts que la contribuable se livrait à des opérations entrant dans le champ de ce texte et qu'elle était redevable de la taxe sur les vidéogrammes ; que la SAS OPENING, qui ne conteste pas s'être abstenue de déclarer, en même temps qu'elle déposait ses déclarations de chiffre d'affaires, ses opérations passibles de la taxe sur les vidéogrammes, n'apporte pas d'autre explication justifiant le caractère non exigible de la taxe sur les vidéogrammes au titre des exercices faisant l'objet du litige ; que, par les seuls éléments qu'elle invoque, la société requérante, qui a pris le risque, seulement éventuel, de faire l'objet d'un rappel de taxe sur les vidéogrammes, ne justifie pas que, à la clôture des exercices 2003 et 2004, les provisions étaient destinées à faire face à des charges probables à ces dates et qui ne seraient réalisées qu'ultérieurement ; que, de plus, la constitution d'une provision est subordonnée à la condition que la taxe à l'origine du risque constitue une charge déductible des résultats de l'exercice ; que le paiement éventuel de la taxe sur les vidéogrammes, dont le régime est identique à celui de la taxe sur la valeur ajoutée, étant sans incidence sur le résultat d'exploitation de la SAS OPENING, qui tient sa comptabilité hors taxes, celle-ci n'était, en tout état de cause, pas fondée à passer la provision en question ;

Considérant, en septième lieu, qu'en dépit des stipulations d'un contrat qu'elle a passé avec la Société pour l'administration du Droit de Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM), la SAS OPENING n'a ni déclaré, ni versé les droits de 2,16 % qu'elle lui devait au titre des ventes de DVD réalisées en kiosques ; que si l'absence de déclaration des droits dus à la SDRM est, par elle-même, sans incidence sur le caractère exigible des droits susceptibles d'être recouvrés, cette absence de déclaration fait toutefois obstacle à ce que l'obligation de régler ces droits ait revêtu, en raison de l'attitude de la société vérifiée, un caractère certain au titre des exercices suivant ceux au titre desquels ont été dotés les comptes de charges à payer dénommé " SACEM - Fournisseurs factures non parvenues " ; que, par suite, l'administration était en droit de remettre en cause le caractère déductible des montants de 64 766 euros et 125 006 euros inscrits en charges à payer à la clôture des exercices 2003 et 2004 ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 2°) (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 D du même code : " L'amortissement des constructions et aménagements édifiés sur le sol d'autrui doit être réparti sur la durée normale d'utilisation de chaque élément. (...) " ; que la SAS OPENING a effectué, dans un appartement situé à Paris, d'importants travaux d'aménagement et en a enregistré le coût en comptabilité comme des dépenses amortissables ; qu'il est constant que la société vérifiée, qui n'est pas propriétaire des locaux en cause, ne les a pas inscrits à son actif ; que si elle soutient que, locataire depuis le 1er septembre 2004 de l'appartement en question en vertu d'un bail d'habitation, elle avait intérêt à supporter les dépenses d'aménagement, elle ne l'établit pas en se bornant à affirmer qu'elle est dans la nécessité d'héberger à Paris, suivant une pratique courante dans la profession, des artistes, des auteurs ou des ayants droit souvent domiciliés à l'étranger ; que, par suite, l'administration était en droit de considérer que, en l'absence de toute justification de l'exploitation du bien immobilier pris en location, la SAS OPENING n'avait pas qualité pour amortir ces dépenses de travaux ;

Considérant, en neuvième lieu, que la SAS OPENING ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative n° 3 D-1231 du 2 novembre 1996 pour soutenir que la condition tenant à la propriété du bien n'est pas toujours exigée, dès lors que l'interprétation administrative ainsi donnée de la loi fiscale ne concerne pas l'impôt sur les sociétés mais les taxes sur le chiffre d'affaires ;

Considérant, en dixième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; que le fait, pour une entreprise, de consentir un abandon de créance au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que la SAS OPENING, filiale de la société Euromédiane, soutient qu'un abandon de créance de 450 000 euros qu'elle a consenti, le 30 décembre 2004, à sa société mère correspond à un apport en compte courant, assorti d'une clause de retour à meilleure fortune, permettant de garantir la survie de sa propre activité ; que, toutefois, en l'absence de toute implication de la société Euromédiane, qui n'effectue que des prestations de société holding, dans l'activité commerciale ou opérationnelle de la SAS OPENING, et en l'absence de tout élément précis, cette dernière ne justifie pas de la contrepartie à l'opération en se bornant à affirmer qu'elle devait donner à ses propres partenaires commerciaux l'image d'un groupe consolidé financièrement sain ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que l'abandon de créance en litige, qui s'analyse en réalité en une subvention nette à la société mère, s'écarte d'une gestion normale ; que, par suite, l'administration pouvait réintégrer dans les résultats de l'exercice clos en 2004 de l'entreprise vérifiée ladite somme de 450 000 euros ;

Considérant, en dernier lieu, que la SAS OPENING a consenti le 30 décembre 2003 à la société Euromédiane une subvention de 1 400 000 euros ; que cette société a, à son tour, au cours du même exercice 2003, accordé une subvention de même montant à la société par actions simplifiée Sonodi, qui était alors une de ses filiales ; qu'après l'acquisition, le 30 septembre 2004, de la quasi-intégralité des actions formant le capital de la société Sonodi pour le prix d'un euro, la SAS OPENING a abandonné, par une écriture d'ordre passée le 30 novembre 2004, le compte courant ouvert à son nom dans la comptabilité de la société Sonodi, devenue sa filiale, à concurrence de 1 001 614,58 euros ; que la société Sonodi a été cédée le même jour, pour le prix d'un euro également, à une entreprise spécialisée dans le doublage et le sous-titrage des films ; qu'à supposer que les opérations décrites ci-dessus doivent s'analyser, à travers la comptabilité de la société Euromédiane, comme une subvention exclusivement attribuée à la société Sonodi par la SAS OPENING, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la subvention de 1 400 000 euros consentie à la société Euromédiane est neutre au plan fiscal dès lors qu'elle a été, avec l'abandon en compte courant, portée en déduction de ses résultats ; qu'à la date à laquelle cette subvention a été accordée, la SAS OPENING, qui ne détenait aucune participation dans le capital de sa société Sonodi, ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avoir eu un intérêt propre à ce que la société Euromédiane, qui n'a d'ailleurs pas inscrit ladite subvention dans ses produits mais l'a transférée au crédit du compte courant de la société Sonodi, devait jouir d'une situation financière positive pour préserver ses propres relations et débouchés commerciaux ; que, s'il est vrai que la SAS OPENING était, avant qu'elle n'acquière la société Sonodi, une de ses clientes, les prestations de doublage et de sous-titrage dont elle a bénéficié, moyennant le prix de 186 232 euros en 2003, ne caractérisent pas son intérêt propre à l'octroi, à travers leur société mère, de la subvention de 1 400 000 euros, ni à l'abandon ultérieur du compte courant, eu égard au montant limité des prestations achetées et à l'absence de toute prestation effectuée réciproquement par la société vérifiée au profit de la société Sonodi ; que, si la SAS OPENING soutient encore que l'opération financière, prise dans son ensemble, s'explique par la mise au point d'un projet ambitieux ayant rendu nécessaire l'acquisition d'équipements techniques de pointe par la société Sonodi que ni sa situation, ni celle de la société Euromédiane ne permettait de financer, la contribuable, eu égard à ce qui précède et compte-tenu de la cession, pour un euro, du capital de la société Sonodi deux mois après l'avoir acquis, ne justifie pas qu'elle a agi pour préserver son propre renom, développer des débouchés commerciaux dans une nouvelle direction ou garantir la valeur de ses titres de participation ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que les subvention et abandon en compte courant en litige s'écartent d'une gestion normale ; que, par suite, le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a, à bon droit, écarté le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas réintégrer dans les résultats des exercices clos en 2003 et 2004 les sommes respectives de 1 400 000 euros et 1 001 615 euros ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts alors applicable: " 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 298 undecies du même code : " Les opérations d'entremise accomplies par des personnes justifiant de la qualité de mandataire régulièrement inscrit au conseil supérieur des messageries de presse ne donnent pas lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles concernent des écrits périodiques au sens de la loi du 29 juillet 1881. Les éditeurs des périodiques ainsi diffusés acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total au public. Pour le calcul des droits à déduction, les opérations ci-dessus sont considérées comme ayant été effectivement taxées. " ;

Considérant que, si la SAS OPENING soutient qu'elle n'a pas la qualité d'éditeur au sens où elle n'est pas en lien contractuel avec des auteurs, il résulte néanmoins de l'instruction qu'elle diffuse les supports de films dont elle acquiert les droits par l'intermédiaire d'une entreprise mandataire inscrite au conseil supérieur des messageries de presse ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 266 du code général des impôts, précisées par celles de l'article 298 undecies, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée due par la société requérante a, à bon droit, été évaluée au montant total des ventes de DVD et autres supports diffusés ; que, par suite, la SAS OPENING n'est pas fondée à demander que les sommes versées à l'entreprise de messagerie en rémunération des opérations d'entremise réalisées à son profit soient retranchées de la base d'imposition qui lui a été assignée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " I. Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1°) Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) " ;

Considérant que la SAS OPENING, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle ne conclut pas de contrats d'édition avec des auteurs, se livre à une activité de vente de vidéogrammes au profit de personnes non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les opérations qu'elle réalise entrent donc dans le champ des dispositions citées ci-avant de l'article 302 bis KE du code général des impôts ; qu'il résulte de l'article 267 du même code que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée doit comprendre la taxe sur les vidéogrammes destinés à l'usage privé du public ; que, par suite, la SAS OPENING n'est pas fondée à soutenir que, n'étant pas redevable de cette taxe spéciale, l'administration n'était pas en droit d'en inclure le montant dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (...) 6° Livres, y compris leur location. " ; que, pour l'application de ces dispositions, un livre doit être regardé comme un ouvrage imprimé ayant pour objet la reproduction d'une oeuvre de l'esprit en vue de l'enseignement, de la diffusion de la pensée ou de la culture ;

Considérant que, si les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que la partie imprimée des produits composés d'une publication et d'un support de film ouvre droit au bénéfice du taux réduit, seul l'assujetti concerné est en mesure d'apporter au juge de l'impôt les éléments lui permettant de justifier de ce que cette partie imprimée revêt le caractère d'un livre et n'est pas, en raison de ses caractéristiques, la simple composante intrinsèque d'une offre de DVD ; que la SAS OPENING, qui ne peut utilement se retrancher derrière l'état de dégradation matérielle des produits retournés par ses dépositaires, n'a pas déféré à l'invitation que lui a faite l'administration de lui présenter des exemplaires de ses produits afin de porter une appréciation utile sur l'existence alléguée de documents comportant un apport éditorial, culturel, intellectuel ou artistique ; qu'elle n'a pas apporté de justifications de cet ordre devant les premiers juges et n'en produit pas davantage en appel ; que, par suite, l'administration était en droit de remettre en cause la fraction du chiffre des ventes que la société requérante a soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en admettant que la définition du livre donnée par l'instruction n° 3 C-4-05 publiée le 12 mai 2005 soit plus large que celle donnée par la loi fiscale, la SAS OPENING ne justifie pas, par ses seules affirmations, que les produits qu'elle diffuse répondent à cette définition ; que, par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur les majorations :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 127 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

Considérant que le ministre intimé fait valoir que la SAS OPENING ne pouvait ignorer que la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle devait déclarer incluait le montant de la rémunération due aux intermédiaires dans le prix de vente dès lors que le contrat de distribution convenu avec l'entreprise de messagerie stipulait clairement que la contribuable devait obligatoirement acquitter la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant total du prix de vente au public ; que, ce faisant, l'administration justifie le caractère délibéré de la pratique de déclaration erronée de la société requérante, laquelle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le chef de redressement en cause ne révèle qu'un différend sur la portée de la loi fiscale ; que les majorations en cause sont, en outre, suffisamment motivées par l'énoncé des textes et des circonstances précises mentionnées par le vérificateur dans la proposition de rectifications du 28 juin 2006 ; qu'enfin, les énonciations de l'instruction du 19 février 2007 publiée sous le n° 13 N-1-07, dès lors qu'elles se bornent, sans s'écarter de la loi fiscale, à rappeler qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du caractère volontaire des agissements du contribuable caractérisant sa mauvaise foi ne peuvent être invoquées sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en revanche, qu'en se bornant à faire valoir que la SAS OPENING n'avait pas produit, malgré les demandes du vérificateur, de publications susceptibles d'entrer dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit applicable aux livres, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'intention de la société de soumettre, en méconnaissance délibérée de la loi fiscale, un tiers de ses ventes au taux réduit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête sur ce point, les conclusions à fin de décharge de la majoration de 40 % dont a été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause du taux réduit doivent être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS OPENING est seulement fondée à demander la décharge de la majoration de mauvaise foi appliquée au rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause du taux réduit sur un tiers de ses ventes et à demander la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué du 11 mai 2010 du tribunal administratif de Rouen ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SAS OPENING la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS OPENING est déchargée de la majoration de 40 % dont a été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période de janvier 2002 à décembre 2004 à raison de la remise en cause du taux réduit de la taxe appliqué à ses ventes.

Article 2 : Le jugement nos 0901537-0901538 du 11 mai 2010 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS OPENING est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée OPENING et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Ile de France Est.

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N°10DA00854


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Stocks.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Calcul de la taxe - Taux.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP DHALLUIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/05/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10DA00854
Numéro NOR : CETATEXT000025955807 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-29;10da00854 ?
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