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29/05/2012 | FRANCE | N°11DA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 mai 2012, 11DA01803


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Karine A, demeurant ..., par la SCP Caron-Daquo-Amouel-Pereira Avocats ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102272 du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2011 du préfet de l'Oise refusant de renouveler son titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination

duquel elle pourra être renvoyée et, d'autre part, à ce qu'il soit en...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Karine A, demeurant ..., par la SCP Caron-Daquo-Amouel-Pereira Avocats ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102272 du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2011 du préfet de l'Oise refusant de renouveler son titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 7 juillet 2011, du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu l'ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010 de coordination avec la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé ;

Vu le décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 tirant les conséquences, au niveau réglementaire, de l'intervention de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président de chambre ;

Considérant que Mme A, ressortissante arménienne née le 4 juin 1965, déclare être entrée en France clandestinement le 12 novembre 2007, en compagnie de son fils Serguei, aux fins d'y solliciter l'asile politique ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 juin 2008, rejet confirmé par la cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2010 ; que Mme A a sollicité, le 16 octobre 2009, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", eu égard à son état de santé, valable du 8 mars 2010 au 7 mars 2011 ; que, le 18 janvier 2011, Mme A a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé ; que, par un arrêté en date du 7 juillet 2011, le préfet de l'Oise a rejeté sa demande, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ; que Mme A relève appel du jugement, en date du 3 novembre 2011, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (...) : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...). " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports et certificats médicaux, des ordonnances médicales émises entre 2008 et 2011 comportant, entre autre, la prescription d'anxiolytiques, antidépresseurs, anti-inflammatoires, antalgiques, et antispasmodiques ainsi que la réalisation de divers examens médicaux, que Mme A souffre de plusieurs pathologies, dont un syndrome de stress post traumatique sévère avec forte somatisation, qui nécessitent une prise en charge médicale ; que, saisi par le préfet de l'Oise dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le médecin désigné par l'agence régionale de santé de Picardie a estimé, dans un avis du 11 avril 2011, que l'état de santé de Mme A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour elle de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, pour contester cette appréciation, la requérante produit de nombreuses pièces médicales, en particulier différents rapports et certificats médicaux ; que, toutefois, ces documents ne font pas état des conséquences pouvant résulter d'un défaut de prise en charge ou restent imprécis sur la nature des conséquences alléguées ; qu'ainsi les documents médicaux produits par l'intéressée ne sont pas de nature à infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Picardie selon lequel le défaut de prise en charge n'entraînerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour Mme A ; que, dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Oise a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle serait isolée en cas de retour en Arménie, pays qu'elle aurait quitté depuis 1986 et où elle n'aurait plus de famille, alors qu'elle vit en France depuis plus de quatre ans avec son fils unique, Serguei B, âgé de 19 ans, qui suit actuellement une formation professionnelle, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est arrivée en France en 2007, à l'âge de 42 ans après avoir passé l'essentiel de sa vie en Arménie et en Géorgie ; que son fils, à la date de la décision attaquée, ne disposait que d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours qu'il a introduit après le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans ces conditions, et nonobstant la volonté d'intégration que la requérante a pu démontrer notamment au travers de l'exercice d'une activité professionnelle et de l'apprentissage de la langue française, l'arrêté du préfet de l'Oise n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que, par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Karine A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

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N°11DA01803 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA01803
Date de la décision : 29/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-05-29;11da01803 ?
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