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14/06/2012 | FRANCE | N°11DA00228

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 14 juin 2012, 11DA00228


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 11 février 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 14 février 2011, présentée pour Mme Adrijana A et M. Ahmed B, demeurant ..., par Me Chartrelle, avocat ; Mme A et M. B demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900066 du 2 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur payer en réparation une somme de 30 000 euros assortie des intérêts

au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ainsi qu'une somme de 1 000 eu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 11 février 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 14 février 2011, présentée pour Mme Adrijana A et M. Ahmed B, demeurant ..., par Me Chartrelle, avocat ; Mme A et M. B demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900066 du 2 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur payer en réparation une somme de 30 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur payer en réparation une somme de 30 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à leur payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- les observations de Me Aubourg, avocat, substituant Me Montigny, pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

Considérant que Mme A a donné naissance le 19 décembre 2004 au centre hospitalier universitaire d'Amiens à un enfant de sexe masculin présentant une éctromélie du membre supérieur droit caractérisée par l'absence de deux phalanges aux quatre derniers doigts de la main droite ; que cette absence n'a pas été diagnostiquée avant la naissance de l'enfant, alors que Mme A a été suivie durant toute sa grossesse au sein du service de gynécologie et d'obstétrique de cet hôpital ; que Mme A et M. B, père de l'enfant, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation de ce centre hospitalier à leur payer une somme en réparation de préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de fautes qu'ils imputent à cet établissement ;

Sur l'absence de diagnostic anténatal :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 4 mars 2002, applicable en l'espèce et ensuite codifié à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " I. Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. / La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale / (...) " ;

Considérant que quatre échographies ont été pratiquées au cours de la grossesse de Mme A, la première le 26 mai 2004, à dix semaines d'aménorrhée, la deuxième le 10 juin 2004, à treize semaines d'aménorrhée, la troisième le 25 août 2004, à vingt-trois semaines d'aménorrhée et la quatrième le 2 novembre 2004, à trente-trois semaines d'aménorrhée ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'expertise établis par l'expert et le sapiteur désignés par le président du tribunal administratif d'Amiens, que les deux premières échographies ne permettaient pas une étude des extrémités du foetus ; que ces deux premières échographies ont été réalisées aux dates normales préconisées pour de tels examens, au moyen d'un matériel approprié et de bon niveau ainsi que par un médecin et des sages-femmes habilités à ce type d'examen ; que leurs comptes-rendus sont conformes à ce qui peut être normalement attendu de tels examens ; qu'il résulte également de ces rapports que la quatrième échographie, pratiquée au moyen d'un matériel approprié et par une sage-femme habilitée à la réaliser, ne permettait pas une étude complète des membres du foetus, une telle étude étant décrite par les experts comme généralement difficile voire impossible en fin de grossesse compte du volume foetal et de la faible quantité de liquide amniotique ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'échographie pratiquée le 25 août 2004, s'il résulte de la littérature dont font état les experts que la possibilité pour l'échographiste d'individualiser les mains du foetus excède 50 % à un tel stade de la grossesse, il ressort également des indications dont ils font état que la probabilité du dépistage de malformations réductrices des membres supérieurs est inférieur à un quart et ils évaluent à 10 % la sensibilité du dépistage par échographie des anomalies isolées des doigts ; que cette échographie a été réalisée dans des conditions normales, au moment préconisé pour un tel examen, au moyen d'un matériel approprié et par un médecin et une sage-femme ; qu'ainsi, elle n'était pas affectée d'une marge d'erreur inhabituelle pour ce type d'examen ; que dès lors, la circonstance que cette échographie n'ait pas permis de mettre en évidence l'absence de deux des phalanges de quatre des cinq doigts de la main droite de l'enfant n'est pas anormale ; que si le compte-rendu de cette échographie, qui conclut notamment à l'absence de visualisation d'anomalie morphologique, comporte la mention " membres : 4x5 doigts : main ouverte ", les préconisations pour la réalisation d'une telle échographie ne recommandent de ne voir qu'une main ouverte, ce qui a été le cas en l'espèce avec la main gauche et ce, afin d'éliminer de façon suffisamment certaine le diagnostic d'une trisomie 18 ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout élément permettant de supposer que le foetus aurait été exposé à une ectromélie d'un membre, l'échographiste, dès lors qu'il constatait que la main gauche, ouverte, ne révélait aucune anomalie, n'a pas manqué aux règles de l'art en n'attendant pas l'éventuelle ouverture de l'autre main ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'absence de diagnostic anténatal du handicap de la main droite dont est atteint le fils de Mme A et M. B ne révèle pas une faute caractérisée de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens ; qu'ils ne sont donc pas fondés à demander réparation de chefs de préjudice qu'ils imputent à une telle faute ;

Sur le défaut d'information et la délivrance d'une information erronée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ; que, d'après l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. / (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le risque que les échographies pratiquées au cours de la grossesse ne permettent pas de déceler une malformation de plusieurs doigts d'une main de la nature de celle présentée par l'enfant Mme A et M. B est normalement prévisible, la marge d'erreur habituelle pour ce type d'examen étant importante pour ce qui est de l'observation de l'extrémité des membres du foetus ; que les dispositions précitées font dès lors obligation au service public hospitalier d'informer les parents des limites des échographies ; que le centre hospitalier universitaire d'Amiens qui ne conteste pas n'avoir pas délivré aux requérants une telle information a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, toutefois, qu'en l'absence de tout élément permettant de supposer que l'enfant aurait pu être exposé à un risque d'éctromélie d'un membre, ne peut être retenu l'existence d'un lien direct de causalité entre la faute ainsi commise par le service public hospitalier et le préjudice dont font état les requérants, tenant au choc éprouvé lors de la découverte du handicap de l'enfant, au trouble psychique en étant résulté pour la mère, à leur situation d'impréparation à l'accueil dans leur foyer de cet enfant ainsi qu'à l'inquiétude ressentie par Mme A en 2007 à l'occasion d'une seconde grossesse ; que ce préjudice a seulement pour cause directe ce handicap lui-même ;

Considérant, d'autre part, que si le compte-rendu de l'échographie pratiquée le 25 août 2004 comporte la mention " membres : 4x5 doigts : main ouverte ", il conclut également à l'absence de visualisation à cette occasion d'une anomalie morphologique ; que si ces mentions font état de la présence de vingt doigts, c'est-à-dire dix doigts et dix orteils, elles ne font, pour autant, pas état d'une visualisation de l'ensemble des phalanges des doigts des deux mains ; qu'il en résulte que Mme A et M. B ne sont pas fondés à prétendre que, par de telles mentions, le centre hospitalier universitaire d'Amiens aurait commis une faute engageant sa responsabilité en leur délivrant une information erronée ;

Sur la prise en charge après la naissance :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les personnels du centre hospitalier universitaire d'Amiens auraient eu un comportement fautif en n'accordant pas un soutien moral adapté et suffisant aux requérants à la suite du constat de l'ectromélie du membre supérieur droit dont est atteint leur enfant ; que ce dernier a bénéficié d'une prise en charge médicale appropriée à sa pathologie, notamment auprès d'un chirurgien pédiatre orthopédiste de l'établissement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A et M. B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 2 décembre 2010, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'affaire, n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A et M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Adrijana A et M. Ahmed B, au centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Quentin.

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